La note de Calyste « En finir avec Eddy Bellegueule » m’a inspiré un commentaire « fluvial ». Le voilà transformé en note, sans autre prétention.
L’an dernier, j’étais tombé sur une émission radiophonique longuement consacrée à ce livre et à son auteur, mais il me semble qu’il n’était pas invité. A l’époque, j’avais été assez bouleversé par cette histoire, partagé entre le sentiment qu’il y avait peut-être de l’exagération dans l’air et celui que finalement, la chose paraissait crédible. A-t-il réellement tout vécu ou a-t-il fait une forme de concentré à partir d’autres témoignages de proches ? Peu importe, les passages lus lors de l’émission et les descriptions faites par le présentateur sont on ne peut plus réalistes et témoignent de choses que j’ai pu entendre çà et là, en vrai (assez rarement) ou par l’intermédiaire de différents témoignages.
Je suis assez touché par la manière dont Calyste parle de son parcours en parallèle, forcément assez complexe. Et puis, il y a quelques échos qui résonnent en moi.
Le côté populaire, j’y ai été bien moins confronté que toi. Ma mère, issue d’une famille paysanne pauvre qui a réussi à devenir infirmière non sans mal. Mon père, issu d’une famille modeste également avec une culture ouvrière relativement exigeante. Mes parents m’ont ainsi toujours poussé aux études, à la connaissance, aux efforts. Fils unique, j’ai pu effectivement faire des études dans la direction que j’ai voulue. Si nous avions été plusieurs enfants, cela aurait sans doute été plus difficile, même si je sais que mes parents n’auraient pas renoncé comme ça (d’un autre côté, la question ne se pose pas). Dès le collège, j’ai été stupéfait de voir que les parents de certains de mes camarades n’étaient pas du tout sur la même ligne, laissant leur progéniture quitter le collège après la cinquième pour des études techniques. Mon père aurait été horrifié face à une telle éventualité. L’idée selon laquelle, le but est d’aller travailler et que les études ne servent à rien est encore relativement répandue. On entend encore : « il (elle) se démerdera bien ». C’est aussi le discours entendu pour mes nièces (filles de la sœur de Fromfrom). Et ça, c’est à moi que cela donne des boutons. Ne pas soutenir ses enfants pour les études, ne pas les encourager aux efforts me sidère. C’est même le contraire. Parfois, la personnalité des gens font qu’ils peuvent s’en sortir, parfois beaucoup moins. Être serveuse dans un restaurant n’est pas une humiliation, mais le faire par défaut pose problème. Et reprendre des études ensuite n’est pas facile. Je le vois aussi avec une encore jeune collègue dont je ne connais pas le parcours initial et qui se retrouve coincée entre l’enfant que lui a fait son compagnon, son compagnon lui-même qui est un bon à rien notoire au chômage et elle au milieu de tout cela, professionnellement sans secousse (il y aurait sans doute de quoi l’être, mais il en était déjà ainsi avant le gamin).
J’ai déjà eu l’occasion d’en parler. Au collège essentiellement, certains de mes « camarades » m’ont à maintes reprises qualifié de « tapette » ou de « pédé », alors qu’au départ, j’ignorais même complètement de quoi il s’agissait. Eux devaient être beaucoup mieux instruits en la matière. Ils n’avaient certes aucun mal vu mon ignorance totale de l’époque. Ceci dit, je n’ai toujours pas compris quelle avaient été mes attitudes qui m’avaient valu ces qualificatifs : une façon de m’exprimer, de me comporter ou tout simplement d’être, non conventionnelle pour de jeunes mâles abrutis (il y avait aussi des complices femelles), une insensibilité presque complète vis-à-vis des jeunes filles ou tout simplement le fait de ne pas partager les mêmes goûts dans la majorité des domaines ?
Calyste n’en parle pas. Je n’en suis pas sûr, mais il me semble que l’auteur parle aussi de sport, voire de foot avec lequel il aurait montré des incapacités. Un des sports où prospèrent encore nombre de machos et d’homophobes en relative impunité. On sait ce que je pense de ce sport et de ses coulisses nauséabondes à bien des points de vue. Un sport idéal pour les abrutis et les pauvres ! Je n’ai pas dit que les pauvres étaient des abrutis. Je n’ai pas dit que les abrutis étaient pauvres. Et je n’ai pas dit non plus que tous les pauvres s’intéressaient au foot, mais tous les abrutis, si. Bon, ça c’était de la méchanceté gratuite.
Par rapport à Calyste, je conçois parfaitement le changement d’univers entre l’environnement familial (au sens large) et celui de ses études, à une époque largement révolue. L’auteur du livre n’a pas 23 ans et pour le coup, j’ai du mal à croire qu’à notre époque il y ait une telle différence d’univers entre une petite commune de la Somme et la ville d’Amiens. Mais je veux bien l’admettre tant on voit des tas de gens qui ne sortent jamais de leur trou. Personnellement, quand j’ai quitté le cocon familial, je n’ai pas ressenti un changement d’univers. Tel un moine, je ne me souciais que de mes études et n’avais que faire du reste. Quand j’y songe à présent, je ne devais pas être drôle. Ce n’est qu’au fil du temps que je suis devenu probablement à peu près sociable.
Merci Calyste d’avoir livré quelques nouvelles parcelles de ton histoire.