Pour cette cinquième partie de la note, un temps, j’avais pensé vous parler des cadeaux que l’on nous a fait (dans le désordre) : les sept péchés capitaux, presque tous déjà engloutis, une lampe de salon d’un sublime rouge éclatant, un sublime plat fleuri en Quimper (nous hésitons entre son aspect décoratif et son côté utilitaire, je crois que ce sera les deux), un ensemble d’objets décoratifs fait main, diverses friandises, de superbes fleurs que nous avons été de laisser derrière nous, faute de transportabilité, une cafetière italienne, deux peintures qui vont rejoindre la tête de notre lit, des enveloppes qui devraient servir à voyager, des livres qui nous font déjà voyager… Au lieu de cela, j’ai décidé de vous parler de choses beaucoup plus personnelles.
Pourquoi faire un bilan ? Parce que ce mariage religieux, cette fête sont intervenus environ deux ans après que nous avons fait connaissance pour de vrai et après un an et quatre mois de vie commune. Cela semble un peu bête, mais je me demande aujourd’hui si tout cela aurait été possible sans l’internet ? Je ne suis généralement pas quelqu’un de toujours à la dernière pointe du progrès. Certes, j’étais relié à la toile depuis pas mal d’années déjà, mais j’ai longtemps ignoré ce qu’étaient les sites de rencontres, les « tchats » ou les blogs ; je ne me suis longtemps servi de l’internet que dans un but professionnel ou fonctionnel. J’ai déjà raconté ici que cela a commencé à changer à la suite d’un accident qui m’avait totalement immobilisé et la « découverte » de ma solitude dont je voulais nier la réalité.
Je crois que l’internet m’a été d’une aide profondément secourable. Bien sûr, je m’y suis pas mal cassé les dents, je me suis fait pas mal d’illusions, je me suis fait berner, abuser, manipuler. Bien sûr, cela n’a pas eu de conséquences graves sur ma santé ou sur mon intégrité et cela ne m’a pas véritablement découragé. Il me semble qu’en même temps qu’on jouait avec moi ou que l’on se jouait de moi, le naïf que je suis a tout de même fini par apprendre certaines choses. Au départ, je ne cherchais rien de particulier dans l’internet, avec toutefois l’espoir de nouer des amitiés. Pas mal de déceptions de ce côté là aussi.
Et puis il y eut cet électrochoc, cette interrogation sur une partie de mon identité. Je veux dire ici que ma timidité, ma totale inexpérience m’ont conduit vers quelque chose que je pensais, un temps plus « abordable » : l’homosexualité. Par ce biais là, j’ai connu une première forme d’expérience. Il faut bien parler d’expérience et de rien d’autre tant il n’y a pas eu grand chose d’autre. Ayant pris conscience qu’il y avait un problème, que quelque part, je ne constituais qu’un jeu optionnel, j’ai pris l’initiative de la rupture. Bien que déçu, bien que pas à l’aise du tout dans cette sphère homosexuelle (sans même parler de la culture « gay », qui par certains côtés, me paraissait encore trop caricaturale), je me suis entêté, virtuellement parlant. Ce fut encore l’occasion de tromperies, mais aussi quelques découvertes de personnes sans arrière-pensées, désintéressées et qui ont aussi beaucoup compté pour me guider. Parallèlement, prenant peu à peu conscience que je n’étais pas à ma place, j’ai tenté de faire feu de tout bois en allant voir aussi du côté hétérosexuel. J’étais devenu complètement accroc à la machine internautique et aux petites émotions sans lendemain qu’elle provoquait. J’en étais venu à m’attacher de façon excessive à l’image, comme si l’amour était exclusivement attaché à l’image. Quelle bêtise… A cette période, j’avais déjà fait la connaissance du rare lépidoptère pollinisateur de rhododendrons dont, plus tard, le battement des ailes, provoquera bien des bouleversements. Dès que vis S. par la petite lucarne, il se passa quelque chose d’assez difficile à définir. Timidement, je devais m’intéresser à elle. Puis, rapidement, je devins vraiment accroc à ELLE, c’est-à-dire à S. dans TOUTES ses dimensions. Timide, incertain sur le plan sexuel, je devais néanmoins rompre toute autre forme de liens précédents, les considérant soudain vraiment pas à la hauteur et profondément inintéressants. Et puis, le fruit étant probablement mûr, j’ai pris la décision d’aller la voir. La suite est connue : une révolution majeure qui a bouleversé ma vie, notre vie.
Mais il faut néanmoins revenir sur certains points, notamment au sujet de mon orientation sexuelle. J’ai longtemps tourné autour du pot sur ce blog. A part quelques-uns qui auront su décrypter certaines clés, je n’avais osé en parler. Bien entendu, je n’en avais pas parlé à mon entourage direct. A partir du moment où S. et moi nous fûmes rapprochés (novembre 2005), et de façon particulièrement solide et indéfectible (début 2006), et bien sûr après le mariage civil d’août 2006, je n’avais plus à me justifier, tant cela paraissait évident. Évident, cela l’était pour moi, pour nous, depuis longtemps. Mais en avançant, on essaye de comprendre le parcours que l’on a eu.
J’ai toujours eu des liens étroits avec mes parents qui sont toujours restés très proches malgré l’éloignement géographique lorsque j’ai débuté mes études universitaires. De plus, en tant que fils unique et ayant bénéficié d’une certaine éducation, j’ai toujours tout dit ce qu’il m’arrivait, sauf sur le plan sentimental et sexuel. Il faut dire que sur ces derniers points, il n’y eut rien à dire pendant plus de 33 ans. Rien à dire, sauf ma longue absence d’intérêt pour la chose. Chez mes parents, plus généralement dans ma famille, on n’a jamais parlé de cela, ce qui a peut-être aussi expliqué ma longue période asexuée. Mon côté homosexuel latent existait depuis longtemps, mais je n’aurais jamais osé en parler à personne, et je n’avais personne qui aurait été naturellement apte à l’entendre ; du moins, c’est ce que j’imaginais. De plus, je crois que je n’aurais pas été davantage apte à parler d’amour ou de sexe, fût-il hétérosexuel. Il y a au moins d’une douzaine d’années, mon père s’interrogeait innocemment à haute voix sur ma vie privée (il la devinait inexistante). Ma mère lui répondit qu’il n’avait aucune idée de ma vie privée et qu’il ne connaissait bien peu de choses de son fils. Ma mère avait à la fois tort et raison.
Connaissant l’amour réciproque pour mes parents, il paraît tout à fait inconcevable de croire que j’ai longtemps pensé que je serais incapable de leur annoncer un jour que j’aimais quelqu’un et que j’allais vivre avec. Une peur, une forme de castration mentale, une façon de croire qu’aimer quelqu’un était une forme de trahison envers mes parents. Le soir du 13 novembre 2005, je devais pourtant leur annoncer ma rencontre avec S. L’annonce ne fut pas sans provoquer des interrogations, surtout chez ma mère, mais rien de méchant, rien de plus normal. Les circonstances de cette rencontre furent racontées ensuite, mais je n’avais pas tout dit. Je n’étais pas très fier de ne pas avoir tout dit et je n’osais le dire oralement. Alors, à la fin mai de cette année, j’ai écrit une lettre à mes parents (j’ai fait une note sur le sujet ici) pour clarifier les choses et les dire, tout simplement. La réaction de mes parents à cette lettre fut incroyable : ils n’y avaient pas appris des choses fondamentales. Que de craintes infondées.
Alors pourquoi revenir sur le sujet aujourd’hui ? Parce qu’il me semble que ce n’est pas une histoire si anodine que ça, parce que c’est un sujet qui fait beaucoup souffrir et que pas mal de monde y est confronté à des degrés divers. C’est aussi l’occasion pour moi de dire combien je me sens un homme, équilibré et épanoui, que l’amour change bien des choses et ouvre bien des perspectives. Je voulais dire aussi que notre amour à S. et moi s’exprime en toute liberté, au vu et au su de tous et j’aimerais que cela soit aussi le cas pour tout le monde. Nous sommes encore loin du compte. La bêtise, les préjugés et l’intolérance sont encore bien ancrées, mais j’ai quand même bon espoir.