Voici quelques considérations rapides et sans prétention visant à rapprocher différentes notions patrimoniales.
La notion de patrimoine artistique, singulièrement architectural est quelque chose qui semble assez clair et identifié pour une large part de la population. Cette notion se retrouve bien entendu pour le patrimoine naturel, mais c’est une idée beaucoup moins admise.
Si on fait référence aux paysages, cela parle assez même si énormément de subjectivité, d’idées fausses viennent se greffer. Un des biographes de Balzac n’a-t-il pas été dire il y a quelques années que la vallée de l’Indre n’avait pas changé depuis le temps où l’auteur du « Lys dans la vallée » s’y promenait du côté de Saché ? Une vaste foutaise puisque la plaine alluviale de l’Indre s’est transformée depuis en vastes champs de peupliers. On me rétorquera que le patrimoine architectural n’est pas non plus épargné, voire encore plus sujet aux fausses interprétations et à la subjectivité.
Si on fait référence à la flore, à la faune ou à la fonge, il est à présent admis qu’il y a du patrimoine qu’il convient de préserver. Il existe même des conservatoires*botaniques ! Mais là encore, beaucoup de confusions, y compris chez certains professionnels de l’environnement. Certains de ces derniers n’hésiteraient pas à réintroduire ou à cultiver des plantes menacées d’extinction en pensant faire une bonne action, ignorant tout des problématiques d’identité populationnelle, d’écotypes, de pollution génétique, etc. Un peu comme si on allait retoucher les représentations pariétales de Lascaux avec de la peinture acrylique. Bien sûr, je ne parle pas des abrutis qui se moquent éperdument des petites plantouzes ou des sales bestioles ; certains, encore très nombreux, n’hésitent pas à les détruire volontairement.
Chez les plantes (et les animaux), le patrimoine s’évalue essentiellement en fonction du niveau de menace qui pèsent sur elles (intègre notamment la rareté et l’historique de la dynamique des populations). Et on ne prend en compte que les espèces indigènes ou assimilées (en particulier les plantes introduites ou qui se sont répandues avant les années 1500).
La notion de patrimoine s’applique également aux communautés végétales (notion proche de celle d’habitats et de taille intermédiaire entre les individus végétaux et les paysages) et a même été institutionnalisée par les autorités européennes.
Normalement, vis-à-vis de la conservation, la notion de patrimoine ne devrait pas intégrer le caractère esthétique d’un édifice, d’une sculpture ou d’une plante. Il faut s’y résoudre et c’est parfois difficile à admettre. Voici quelques exemples :
Le centre du Havre, en particulier l’hôtel de ville, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, n’est pas ma tasse de thé, mais est représentatif, typique d’un style, d’une période particulière (après guerre) et mérite sans doute sa mise à l’honneur par l’UNESCO et sa conservation.
La plante répondant au doux nom de Liparis loselii (L.) Rich. (Liparis de Loesel) fait partie des orchidées les moins photogéniques (encore que ?), mais est très menacée et s’est beaucoup raréfiée en France et en Europe.
Les orchidophiles voudraient protéger toutes les orchidées. Il est vrai que certaines d’entre elles sont belles, mais ne sont pas menacées, comme Ophrys apifera Huds. (Ophrys abeille) dans le nord de la France (photo ici sous la pluie).
Les chapelles finistériennes, c’est bien. Mais dépenser de l’énergie et de l’argent pour remettre un toit à la chapelle de Trébalay, l’approche patrimoniale ne le justifiait pas. En effet, cette chapelle n’avait pas un caractère spécifique ou unique justifiant sa sauvegarde. Il existe des tonnes d’autres édifices similaires et des tonnes d’édifices plus intéressants qui justifieraient qu’on s’en préoccupe davantage. De plus, esthétiquement, l’ancienne ruine avait un charme, maintenant rompu. Je ne parle même pas des ifs que l’on a scandaleusement massacrés lors de la « restauration ».
Avant :
Après :
Enfin, avec un collègue et S., nous sommes tombés d’accord pour considérer que dans de nombreuses régions ou terroirs, il y avait souvent une certaine corrélation entre la richesse et l’originalité du patrimoine naturel et celles du patrimoine architectural, grandes villes exclues. Avant d’ériger ce constat en loi, saurions-nous trouver des contre-exemples à cette affirmation ?