Voici le troisième volet du brouillon de mon programme à destination du Président Ar Valafenn. Ce volet-ci mériterait presque un livre de ma part, tant il y aurait à dire et que les choses sont complexes sur les plans scientifiques, technologiques et politiques. Voici néanmoins quelques rapides réflexions un peu décousues.
Actuellement, la qualité des eaux souterraines ou de surface en France est globalement désastreuse.
Depuis quelques années, les installations industrielles ont fait de gros progrès et polluent globalement beaucoup moins qu’avant, bien qu’il y ait çà et là encore des points noirs à maîtriser.
En ce qui concerne les eaux usées domestiques, les choses s’améliorent aussi. Toutefois, les stations d’épuration sont encore souvent mal dimensionnées, pas assez performantes ou ne traitent pas tous les polluants. Il reste encore de très gros efforts à faire. Des normes beaucoup plus rigoureuses devraient être prises et s’il le faut, des mesures autoritaires pour obliger les élus récalcitrants à faire des efforts (sachant que des systèmes de financements à caractère solidaires existent et qu’ils devraient être notoirement renforcés).
Et puis il y a la pollution d’origine agricole, directe ou le plus souvent diffuse, représente un grave problème qui n’est malheureusement pas prêt d’être résolu. La problématique « nitrates » est un petit peu l’arbre qui cache la forêt. La norme de potabilité veut que l’on ne dépasse pas 50 mg/l de nitrates (valeur guide européenne fixée à 20 mg/l), valeur allègrement dépassée dans certaines communes bretonnes (entre autres), même si la situation tend à se normaliser quelque peu. Mais pour le bon fonctionnement des écosystèmes de rivière, la valeur ne devrait guère dépasser 2 mg/l toute l’année. On est loin du compte presque partout. En effet, rares sont les cours d’eau qui offrent une telle qualité. Je précise que l’agriculture n’est pas la seule à produire des nitrates, mais qu’elle y contribue largement. Il y a aussi les autres nutriments, en particulier le phosphore dissous (orthophosphates) : environ un tiers est d’origine agricole et cette proportion tend à augmenter. Ces phosphates représentent un grave problème, car en eaux douces, c’est un facteur limitant dans les cycles biogéochimiques. Lorsqu’ils sont présents (il en faut très peu), et pourvu qu’il y ait suffisamment d’autres éléments nutritifs (ce qui est presque toujours le cas), on peut observer les phénomènes de dérèglements trophiques, que certains, très nombreux, appellent à tort, eutrophisation. Nous préfèrerons parler de phénomène de dystrophie par excès (là aussi, il y a des confusions qui règnent sur ce terme) ou d’hypertrophie (ou hypereutrophie) ou carrément de pollution. Un autre élément azoté peut également provoquer de graves problèmes, c’est l’ammoniaque (composés à base d’ion ammonium NH4+, à ne pas confondre avec l’ammoniac NH3 qui est un gaz), or en entend jamais parler dans les médias. Enfin, il y a le problème des pesticides que l’on retrouve presque partout. La plupart du temps, ils ne dépassent pas les normes de potabilité, mais comme il en existe des dizaines (au moins), on ne sait pas quels peuvent être leurs effets cumulatifs (peut-être démultipliés ?). Sont-ils à l’origine de certains cancers ou autres maladies. Pour l’instant, nous n’en savons pas grand chose…
Ceci étant dit, je propose :
une mutation totale de l’agriculture actuelle vers l’agriculture biologique sur 10 années ; une refonte totale des aides européennes et nationales afin d’aider mieux les petits exploitants et moins (voire pas du tout) les gros ; orienter pimmédiatement ces aides vers les bonnes pratiques et progressivement, exclusivement vers le « bio » ;
actuellement, l’agriculture est la plus grande consommatrice nette d’eau et elle ne paie pour ainsi dire aucune redevance aux agences de l’eau ; il conviendra donc, contrairement à ce que ne s’apprête pas l’actuelle loi sur l’eau qui arrive en seconde lecture à l’assemblée nationale ce lundi 11 décembre 2007 à 21h30, de taxer les prélèvements d’eau et les pollutions induites par les engrais organiques ou minéraux ;
à encourager, y compris par des mesures coercitives, aux bonnes pratiques agricoles, à commencer par respecter les règlementations en vigueur, puis évoluer rapidement vers des normes plus sévères ;
N.B. : je ne veux pas stigmatiser les agriculteurs dont la situation de certains est parfois délicate sur le plan économique, mais force est de constater que les responsables agricoles (syndicats dominants notamment) s’étaient engagés depuis de nombreuses années à faire des efforts pour moins polluer en échange de non taxation, et on constate qu’aucune amélioration s’est produite dans le même temps. C’est pourquoi, il est nécessaire d’aider les plus nécessiteux et ceux qui le méritent vraiment. Les redevances supplémentaires perçues par les agences de l’eau serviront à cela, même si d’autres mesures financières seront nécessaires. Il conviendra également de réformer en profondeur le statut, le fonctionnement et les missions des chambres d’agriculture, actuellement omniscientes, omnipotentes et totalement inféodées au syndicat dominant. Il conviendra par ailleurs de revoir profondément le fonctionnement des établissements agroalimentaires (ou grossistes) qui sont parfois en partie à l’origine de la ruine de certains agriculteurs ou de certaines filières. Enfin, une réforme pour une fiscalité plus juste dans le domaine agricole sera nécessaire.
Actuellement, environ 60 % de la distribution de l’eau potable est assurée par des entreprises privées qui rémunèrent grassement leurs actionnaires en faisant payer le prix fort (quand ce ne sont pas des malversations pures et simples) aux consommateurs et/ou aux communes. Je veux parler des ex Compagnie générale des eaux et Lyonnaise des eaux qui ne se font pas concurrence, mais pratiquent l’entente pour se partager le gâteau, tout en pratiquant des tarifs hyper-juteux. Le reste du marché de l’eau est encore heureusement assuré par des régies municipales ou de syndicats intercommunaux. Il conviendra donc de créer un établissement public (Eaux de France par exemple) pour la distribution de l’eau et pour la dépollution des eaux usées et qui apportera son soutien technique et scientifique aux régies des collectivités, mutualisera les coûts pour la modernisation des installations. Dans le même temps, les services actuellement confiés au privé seront remis dans le service public dès que les concessions arriveront à échéance.
La lutte contre les inondations devra être une priorité. Des règlements plus stricts devront être établis dans les plans d’urbanisme.
Afin de faire appliquer les durcissements de la réglementation que je propose, il sera nécessaire de renforcer l’actuelle police des eaux, et de créer des services uniques au sein de chaque département.
Une politique d’abord contractuelle telle qu’elle se dessine dans les actuels SAGE (Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux) sera systématisée. Si les résultats d’une telle politique sont jugés insuffisants, ces SAGE devront être renforcés.
Une vraie politique de reconquête des bassins versants, des cours d’eau et des zones humides devra enfin être mise en œuvre. En plus des améliorations en terme de biodiversité, cette reconquête assurera un meilleur fonctionnement écologique et biogéochimique des hydrosystèmes (incl. écosystèmes) ; elle permettra en même temps de lutter plus efficacement contre les inondations (phénomènes de rétention des eaux au sein des zones humides, d’étalement des crues ou d’éponge au sein des systèmes à caractère tourbeux) et d’améliorer la qualité des eaux transitant dans les cours d’eau (filtration, rétention, recyclage des nutriments, lutte contre l’érosion, etc.) notamment par le développement de ripisylves ou autres hautes végétations herbacées à caractère naturel. Ce dernier point méritera, un jour, un développement dans une note particulière.