Vacances aoûtiennes 2011 (2)
Le mercredi, le temps paraissant favorable, nous mettons le cap, en compagnie de mes parents, vers la forêt de Tronçais. C’est bien évidemment une forêt dont je connais l’existence depuis très longtemps. Je l’avais même traversé un soir à la tombée de la nuit lors de l’un de mes voyages transversaux Touraine-Bourgogne dans la seconde moitié des années 1990. Mais je n’avais jamais eu l’occasion de m’y arrêter pour de vrai. Cette forêt est connue pour ses chênes.
Minute culturelle scientifique
Il est utile de préciser qu’il s’agit de Quercus petraea (Mattus.) Lieblein, le Chêne sessile ou Chêne rouvre. Il faut éviter cette deuxième appellation car elle est fortement ambiguë puisque l’épithète du nom scientifique évoque une espèce distincte : Quercus robur L. (Chêne pédonculé). D’anciens noms scientifiques comme Quercus sessiliflora Salisb. et Quercus pedunculata Ehrh. auraient levé l’ambigüité, mais le code de nomenclature a des lois pas toujours accessibles au sens commun. J’ai déjà entendu des scientifiques se tromper dans les appellations de ces espèces, en particulier chez les forestiers qui continuent de parler de rouvre. Ces deux espèces comptent des individus à la morphologie intermédiaire et peuvent s’hybrider (Quercus ×rosacea Bechst.). Toutefois, ils possèdent une écologie différente. Le Chêne sessile possède une écologie plus restreinte car il ne tolère pas bien l’engorgement (l’humidité excessive plus ou moins asphyxiante) des sols et se plait davantage au sein de la matrice forestière (évite les lisières où les conditions du milieu sont changeantes et parfois précaires). En revanche, il craint moins les carences (relatives) en eau que le Chêne pédonculé. Dans le cadre de la préparation aux changements climatiques, les forestiers privilégient souvent en France le Chêne sessile du fait de la diminution attendue des précipitations. Cependant, dans certaines régions, la dégradation de certains sols, les tassements, les défrichages excessifs et répétés, ont fait que le Chêne sessile a été substitué par du Chêne pédonculé, davantage plastique écologiquement et susceptible de « se réfugier » dans les haies et le bocage.
La forêt de Tronçais, du moins via le prisme de mes quelques observations, loin d’être exhaustives, mais au moins représentatives des sites visités, présente des communautés acidiphiles sur des sols relativement filtrants. Le climat océanique y est probablement très atténué, ce qui se traduit par des précipitations relativement modestes (≤ 800 mm/an). Ceci explique que Fagus sylvatica L. (Hêtre commun) soit assez peu représenté au sein de cette forêt et ne semble pas y être dans les meilleures conditions.
Nous passons par Lurcy-Lévis et nous nous arrêtons devant l’église (xii-xiiie s., remaniée) qui m’a intriguée par son clocher couvert de bois, aperçu de loin. Et pour la charpente, ils n’ont pas dû être embêtés pour trouver du bois.
Initialement, j’aurais souhaité me renseigner auprès du CPIE (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement) local, mais nous sommes arrivés là-bas à midi une et les locaux étaient fermés. Il en était de même un peu plus loin à l’office de tourisme. Nous avons donc compté uniquement sur les indications de deux cartes aux 1/200 000 et 1/100 000 et sur les panneaux (pas toujours bien) implantés sur place. Alors qu’il était temps de manger, à part un pauvre bar casse-croûte, pas grand chose d’ouvert. Nous avons finalement opté pour un sympathique hôtel-restaurant dont nous n’avions pas détecté l’entrée au premier passage. Le tout était très bon.
Finalement, l’après-midi, nous nous sommes attaqués à la fameuse futaie Colbert. A l’époque de ce dernier, il y eut une « régénération » de la futaie, mais on conserva néanmoins des arbres déjà âgés de 50 à 150 ans. Vérification faite, il ne reste qu’à peine plus de 10 ha de cette futaie (de nouveau « régénérée » depuis peu), ce qui fait assez peu. Les panneaux explicatifs sont à cet égard assez mal faits (ou trop anciens) car ils laissent penser que la futaie est plus vaste que la réalité actuelle, sauf à considérer que la partie « régénérée » en fait encore partie, ce qui est une vaste fumisterie. Il n’en demeure pas moins qu’il existe là des arbres de plus de 4 ou 5 m de circonférence et dépassant (dépassaient ?) largement les 40 m de haut.
Sinon, nous sommes allés voir quelques-uns des autres chênes remarquables isolés dans la forêt dont l’âge varie entre 300 et plus de 400 ans.
Les Jumeaux, sénescents (ils sont issus d’une même cépée). Pour l’échelle, remarquez légèrement en retrait, la dame assise à gauche.
La Sentinelle, un des plus vieux avec 431 printemps et le plus gros (plus de 6 m de circonférence). Il est aussi sénescent.
Le très connu Chêne carré, une anomalie conservée par les forestiers au cours des siècles. Il n’est pas dans un très bel état sanitaire.
Et voici le Stebbing, sans doute le plus majestueux, en parfait état sanitaire, dépassant les 40 m, au fût droit très long, à la ramure extraordinaire.
Nous avons craint l’orage, mais nous y avons échappé de justesse. Nous avons néanmoins été poursuivis par la foudre sur la route du retour.