Entre décembre 2006 et mars 2007, j’avais répondu par jeu à un certain Ar valafenn qui voulait, si mes souvenirs sont bons, être président à compter de 2012. J’avais donc rédigé ces quelques lignes esquissant un programme pour un ministre de l’environnement. Depuis, il faut bien dire que ça a bougé notamment avec le « Grenelle de l’environnement ». Tout cela reste notoirement insuffisant et mes « propositions » restent largement d’actualité. Au fait, on remarquera que sans le dire, j’avais déjà inventé la taxe carbone, et d’autres taxes environnementales.
1) Politique énergétique
L’énergie nucléaire, dont on ne peut se passer à court, voire à moyen terme en attendant de développer des énergies alternatives dites « renouvelables » sera maintenue. En revanche, un vaste débat sera organisé dans le pays pour organiser une vraie et totale transparence sur la pollution qu’elle induit et sur l’ensemble des risques supposés ou réels.
Afin d’organiser l’autonomie énergétique de la France et de l’Europe, un grand service public sera constitué ou reconstitué afin que chaque citoyen puisse bénéficier des mêmes services, de la même qualité de service et du même prix, et ce sans contribuer à l’enrichissement d’actionnaires.
L’État devra investir massivement pour :
sécuriser les installations nucléaires actuelles ;
valoriser 100 % les biogaz des décharges et stations d’épuration ;
favoriser la recherche et le développement des énergies alternatives (éolien, solaire, hydraulique, etc.) et ce dans le strict respect des milieux naturels et du bon fonctionnement des écosystèmes ;
dans un terme de 10 ans, l’énergie nucléaire devra représenter moins de 50 % de l’électricité produite (80 % aujourd’hui) ;
renforcer la recherche sur les centrales à fusion nucléaire.
Par ailleurs, l’État developpera de façon considérable les économies d’énergie. A cette fin, les axes suivants seront privilégiés :
une grande campagne de sensibilisation pour réaliser des économies d’énergie (par exemple, utilisation d’ampoules électriques basse consommation, vie domestique, etc) ;
obliger les constructeurs d’appareils électriques à supprimer les veilles ou à défaut dûment justifié, à utiliser des veilles peu gourmandes en énergie ;
établir rapidement des normes extrêmement sévères sur la consommation des appareils électriques ou thermiques, l’isolation des logements, y compris les HLM ;
interdire la plupart des enseignes lumineuses inutiles ou publicitaires ;
supprimer ou diviser par deux l’importance de l’éclairage public en ville ou à la campagne et prévoir systématiquement une période d’extinction totale entre minuit et 5 heures du matin ;
offrir des avantages fiscaux très significatif aux produits et aux constructions qui seront les plus vertueux (qui feront beaucoup plus que respecter les normes déjà très sévères) en terme d’isolation ou de consommation énergétique (sachant que ceux qui ne respecteront pas les normes seront interdits) ;
l’État, ses établissements publics et les collectivités territoriales devront mettre aux normes leurs bâtiments et l’ensemble de leurs appareils dans un délai maximum de 10 ans (au-delà de ce délai, aucune dérogation ne sera accordée).
2) Politique des transports
Les transports sont responsables pour une part importante de la pollution atmosphérique. Toutefois, ils ne sont loin de représenter la seule source de pollution en milieu urbain ; il faut aussi rappeler la pollution liée aux chauffages domestiques et celle liée à l’industrie, entre autres.
Certaines mesures doivent être néanmoins prises de toute urgence :
développer des transports en commun de qualité dans des services publics de qualité, créer et densifier les réseaux existants ;
créer de nouvelles lignes de chemin de fer (dont TGV et/ou trains pendulaires), notamment entre Le Mans et la Bretagne, entre Tours et le sud-ouest et surtout développer des lignes transversales qui évitent Paris ;
d’une manière générale, faire en sorte que les transports en commun soient beaucoup moins onéreux que les transports en véhicules personnels ;
développer des transports urbains conviviaux, développer considérablement des plateformes efficaces pour les transferts voitures/train, voitures/transports urbains ;
mieux desservir les petites localités, ne pas chercher à rentabiliser certaines destinations ;
dans l’administration (s.l.), diviser par quatre le nombre de réunions à l’extérieur, encourager la vidéoconférence ; d’une manière générale, mieux organiser les déplacements professionnels
favoriser les déplacements à pied et à vélo (notamment en ville) moyennant des vrais aménagements spéciaux.
Pour les transports de marchandises :
créer des plateformes multimodales de transit entre les transports routiers, ferroviaires, maritime, fluvial, aérien ;
mettre enfin en place le ferroutage
développer des canaux de navigation respectueux des milieux naturels (s’inspirer d’expériences menées aux Pays-Bas notamment) ;
taxer le gazole au même tarif pour le transport routier que pour les véhicules personnels, puis au même tarif que l’essence sans plomb et utiliser le produit de cette taxation pour le développement de transports alternatifs ;
à terme, supprimer tous les péages autoroutiers (qui sont une atteinte grave à la liberté de circuler et une régression à caractère médiéval (péage et octroi)) ; d’ici là, renationaliser les sociétés d’autoroute et faire payer des redevances de péage à la hauteur des dégradations occasionnées, c’est-à-dire globalement, diviser par deux les redevances pour les véhicules légers et doubler ceux des poids lourds ; utiliser les redevances perçues, non pas pour rémunérer les actionnaires, mais pour développer les transports alternatifs ;
interdire tout transport par poids lourds qui atteignent ou dépassent 500 km ;
taxer le kérosène des avions au même tarif que les autres carburants (actuellement, un régime de détaxation quasi complète existe au niveau mondial).
Pour tous les types de transports :
instaurer immédiatement des normes très rigoureuses et volontaristes sur les rejets polluants et la consommation des moteurs à explosion et développer des carburants plus « propres » ;
renforcer de façon considérable la recherche appliquée pour réaliser des moteurs moins polluants et développer de nouvelles technologies (moteurs hybrides, piles à combustible, cellules photovoltaïques) ;
réserver les « biocarburants » (à base d’huile végétale, d’alcools) aux seuls usages agricoles dans la mesure où ces derniers n’ont pas fait l’objet d’un réel bilan environnemental (pollution d’origine agricole induite par exemple) et dans la mesure où la production s’avèrera toujours insuffisante par rapport aux besoins ;
limiter la puissance des moteurs des voitures familiales à 150 ch ; interdire les autres.
3) Politique de l’eau
Actuellement, la qualité des eaux souterraines ou de surface en France est globalement désastreuse.
Depuis quelques années, les installations industrielles ont fait de gros progrès et polluent globalement beaucoup moins qu’avant, bien qu’il y ait çà et là encore des points noirs à maîtriser.
En ce qui concerne les eaux usées domestiques, les choses s’améliorent aussi. Toutefois, les stations d’épuration sont encore souvent mal dimensionnées, pas assez performantes ou ne traitent pas tous les polluants. Il reste encore de très gros efforts à faire. Des normes beaucoup plus rigoureuses devraient être prises et s’il le faut, des mesures autoritaires pour obliger les élus récalcitrants à faire des efforts (sachant que des systèmes de financements à caractère solidaires existent et qu’ils devraient être notoirement renforcés).
Et puis il y a la pollution d’origine agricole, directe ou le plus souvent diffuse, qui représente un grave problème qui n’est malheureusement pas prêt d’être résolu. La problématique « nitrates » est un petit peu l’arbre qui cache la forêt. La norme de potabilité veut que l’on ne dépasse pas 50 mg/l de nitrates (valeur guide européenne fixée à 20 mg/l), valeur allègrement dépassée dans certaines communes bretonnes (entre autres), même si la situation tend à se normaliser quelque peu. Mais pour le bon fonctionnement des écosystèmes de rivière, la valeur ne devrait guère dépasser 2 mg/l toute l’année. On est loin du compte presque partout. En effet, rares sont les cours d’eau qui offrent une telle qualité. Je précise que l’agriculture n’est pas la seule à produire des nitrates, mais qu’elle y contribue largement. Il y a aussi les autres nutriments, en particulier le phosphore dissous assimilable (orthophosphates) : environ un tiers est d’origine agricole et cette proportion tend à augmenter. Ces phosphates représentent un grave problème, car en eaux douces, c’est un facteur limitant dans les cycles biogéochimiques. Lorsqu’ils sont présents (il en faut très peu), et pourvu qu’il y ait suffisamment d’autres éléments nutritifs (ce qui est presque toujours le cas), on peut observer les phénomènes de dérèglements trophiques, que certains, très nombreux, appellent à tort, eutrophisation. Nous préfèrerons parler de phénomène de dystrophie par excès (là aussi, il y a des confusions qui règnent sur ce terme) ou d’hypertrophie (ou hypereutrophie) ou carrément de pollution. Un autre élément azoté peut également provoquer de graves problèmes, c’est l’ammoniaque (composés à base d’ion ammonium NH4+, à ne pas confondre avec l’ammoniac NH3 qui est un gaz), or en n’entend jamais parler dans les médias. Enfin, il y a le problème des pesticides que l’on retrouve presque partout. La plupart du temps, ils ne dépassent pas les normes de potabilité, mais comme il en existe des dizaines (au moins), on ne sait pas quels peuvent être leurs effets cumulatifs (peut-être démultipliés ?). Sont-ils à l’origine de certains cancers ou autres maladies. Pour l’instant, nous n’en savons pas grand chose…
Ceci étant dit, je propose :
une mutation totale de l’agriculture actuelle vers l’agriculture biologique sur 10 années ; une refonte totale des aides européennes et nationales afin d’aider mieux les petits exploitants et moins (voire pas du tout) les gros ; orienter immédiatement ces aides vers les bonnes pratiques et progressivement, exclusivement vers le « bio » ;
actuellement, l’agriculture est la plus grande consommatrice nette d’eau et elle ne paie pour ainsi dire aucune redevance aux agences de l’eau ; il conviendra donc, contrairement à ce que ne s’apprête pas l’actuelle loi sur l’eau qui arrive en seconde lecture à l’assemblée nationale ce lundi 11 décembre 2007 à 21h30, de taxer les prélèvements d’eau et les pollutions induites par les engrais organiques ou minéraux ;
à encourager, y compris par des mesures coercitives, aux bonnes pratiques agricoles, à commencer par respecter les règlementations en vigueur, puis évoluer rapidement vers des normes plus sévères ;
N.B. : je ne veux pas stigmatiser les agriculteurs dont la situation de certains est parfois délicate sur le plan économique, mais force est de constater que les responsables agricoles (syndicats dominants notamment) s’étaient engagés depuis de nombreuses années à faire des efforts pour moins polluer en échange de non taxation, et on constate qu’aucune amélioration ne s’est produite dans le même temps. C’est pourquoi, il est nécessaire d’aider les plus nécessiteux et ceux qui le méritent vraiment. Les redevances supplémentaires perçues par les agences de l’eau serviront à cela, même si d’autres mesures financières seront nécessaires. Il conviendra également de réformer en profondeur le statut, le fonctionnement et les missions des chambres d’agriculture, actuellement omniscientes, omnipotentes et totalement inféodées au syndicat dominant. Il conviendra par ailleurs de revoir profondément le fonctionnement des établissements agroalimentaires (ou grossistes) qui sont parfois en partie à l’origine de la ruine de certains agriculteurs ou de certaines filières. Enfin, une réforme pour une fiscalité plus juste dans le domaine agricole sera nécessaire.
Actuellement, environ 60 % de la distribution de l’eau potable est assurée par des entreprises privées qui rémunèrent grassement leurs actionnaires en faisant payer le prix fort (quand ce ne sont pas des malversations pures et simples) aux consommateurs et/ou aux communes. Je veux parler des ex Compagnie générale des eaux et Lyonnaise des eaux qui ne se font pas concurrence, mais pratiquent l’entente pour se partager le gâteau, tout en pratiquant des tarifs hyper-juteux. Le reste du marché de l’eau est encore heureusement assuré par des régies municipales ou de syndicats intercommunaux. Il conviendra donc de créer un établissement public (Eaux de France par exemple) pour la distribution de l’eau et pour la dépollution des eaux usées et qui apportera son soutien technique et scientifique aux régies des collectivités, mutualisera les coûts pour la modernisation des installations. Dans le même temps, les services actuellement confiés au privé seront remis dans le service public dès que les concessions arriveront à échéance.
La lutte contre les inondations devra être une priorité. Des règlements plus stricts devront être établis dans les plans d’urbanisme.
Afin de faire appliquer les durcissements de la réglementation que je propose, il sera nécessaire de renforcer l’actuelle police des eaux, et de créer des services uniques au sein de chaque département.
Une politique d’abord contractuelle telle qu’elle se dessine dans les actuels SAGE (Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux) sera systématisée. Si les résultats d’une telle politique sont jugés insuffisants, ces SAGE devront être renforcés.
Une vraie politique de reconquête des bassins versants, des cours d’eau et des zones humides devra enfin être mise en œuvre. En plus des améliorations en terme de biodiversité, cette reconquête assurera un meilleur fonctionnement écologique et biogéochimique des hydrosystèmes (incl. écosystèmes) ; elle permettra en même temps de lutter plus efficacement contre les inondations (phénomènes de rétention des eaux au sein des zones humides, d’étalement des crues ou d’éponge au sein des systèmes à caractère tourbeux) et d’améliorer la qualité des eaux transitant dans les cours d’eau (filtration, rétention, recyclage des nutriments, lutte contre l’érosion, etc.) notamment par le développement de ripisylves ou autres hautes végétations herbacées à caractère naturel. Ce dernier point méritera, un jour, un développement dans une note particulière.
4) Politique des milieux naturels
La politique des milieux naturels doit tout d’abord s’appuyer sur la réalisation d’un état des lieux précis, ce qui n’a scandaleusement jamais été fait correctement en France, même dans le cadre de l’application de la directive européenne « Habitats-Faune-Flore » de 1992. Cet état des lieux devra commencer le plus tôt possible, avec une cartographie globale de la végétation de la France à l’échelle du 1/25 000. Suivront la mise en œuvre d’inventaires pour l’ensemble des compartiments biologiques. Afin de cadrer cette démarche, le Muséum national d'histoire naturelle devra faire l’objet d’une profonde réforme qui se traduira notamment par la mise en place de cadres et de personnels réellement compétents et spécialistes dans tous les domaines concernés. Cette réforme devra être terminée au plus tard dans 3 ans et la première phase de cartographie et d’inventaires globaux devra être achevée pour 2012.
Toujours par rapport à la directive « Habitats-Faune-Flore », l’État reprendra l’ensemble des sites d’intérêt communautaire proposés en les élargissant et en désignera de nouveaux, afin que les arguments scientifiques en terme de conservation puissent enfin l’emporter. Des désignations autoritaires seront à prévoir et les mesures de gestion conservatoire, parfois coercitives seront imposées si la contractualisation est insuffisante ou inefficace.
La loi littorale sera réformée et renforcée. Des cartographies précises définiront d’un point de vue strictement scientifique les différentes zones à protéger. Ce zonage s’imposera à toutes les collectivités. Le Conservatoire du littoral sera réformé. Il prendra en charge l’acquisition de l’ensemble des milieux naturels ; à ce titre, il se substituera aux conseils généraux (espaces naturels sensibles) et aux Conservatoires régionaux d’espaces naturels. Les personnels de ces derniers seront intégrés dans la nouvelle structure (qui sera en grande partie décentralisée). La politique d’acquisition foncière ne devra se faire que sur des critères environnementaux scientifiquement avérés.
La loi sur la protection de la nature sera révisée, clarifiée et renforcée. Les listes de protection faunistiques et floristiques seront revues sur la base des nouveaux inventaires et ces protections prendront un caractère obligatoire absolu. Des listes d’habitats naturels strictement protégés seront également établies. Les études d’impacts seront conduites par des bureaux d’études agréés et contrôlés par une instance dirigée par l’État et des scientifiques dans les diverses spécialités. Les mesures compensatoires vis-à-vis des dommages causés aux milieux naturels ne pourront désormais concerner que des actions de conservation ou de gestion des milieux naturels. Tout nouveau projet, quel que soit son montant (y compris un simple permis de construire pour un particulier) devra faire l’objet d’une étude d’incidence et d’inventaires précis.
Les documents d’urbanisme devront prendre en compte les milieux naturels de façon accrue et l’État devra prendre toutes les mesures qui s’imposent en terme de contrôle.
Un nouveau réseau de réserves naturelles et de parcs nationaux sera créé. Ils devront permettre une conservation efficace et durable des milieux naturels.
L’Office national des forêts sera refondé. Il n’aura plus pour première vocation de produire du bois et de le vendre, mais de protéger les forêts. Il visera à mettre la moitié des surfaces des forêts domaniales et communales en réserve biologique intégrale.
De nouvelles mesures sur la chasse seront prises afin de faire enfin appliquer les textes existants en tout point du territoire. Si besoin, des mesures autoritaires devront être prises. De nouveaux partenariats seront noués entre l’État et ses représentants, les collectivités et le monde de la chasse afin de viser, notamment à réguler certaines populations d’espèces de la faune sauvage, notamment celles qui témoignent de déséquilibres biologiques et écosystémiques. D’autres règles plus strictes seront prises dans l’organisation de la chasse et dans les introductions de gibiers.
Le monde de la pêche en eau douce sera également réformé. En particulier, les empoissonnements devront suivre des recommandations strictes.
Enfin, l’administration du ministère de l’environnement et de ses services déconcentrés sera réformée. On veillera notamment à ce que les personnels qui occupent des postes spécialisés soient réellement compétents dans leur domaine.