Assez régulièrement, je participe à des groupes de travail, groupes d’experts, commissions et autres réunions dans lesquelles on débat, entre autres, de préservation de la nature et de biodiversité dans le cadre de la mise en œuvre future de politiques d’aménagement du territoire ou en faveur de l’environnement.
Dans ces réunions, singulièrement les « groupes d’experts », on est en droit d’attendre d’avoir des experts ou assimilés et des scientifiques ou au moins des spécialistes. Eh bien, cela n’est pas vraiment le cas. Bien qu’il y ait parfois des scientifiques, des universitaires, encore faut-il qu’ils soient audibles et c’est rarement le cas. Il peut arriver qu’il y ait des naturalistes (représentant en général des associations de protection de la nature), mais ceux-ci n’ont pas forcément une formation scientifique ni une expérience rigoureuse dans leur domaine. Souvent, ces naturalistes sont très utiles en réunion, car ils apportent leurs connaissances locales et de terrain et normalement, tout se passe bien. Mais singulièrement depuis le début de l’année, j’ai participé à plusieurs réunions dans le même lieu où j’ai vu débarqué un naturaliste épouvantable. Sous prétexte de sa connaissance des lieux, de sa connaissance des piafs et des insectes, sous prétexte de représenter je ne sais combien d’associations, il se permet de raconter des inepties scientifiques, des horreurs qui heurtent le bon entendement. Pire, ces affirmations péremptoires et sans fondements (il y a peut-être quand même 10 % de choses correctes dans ses propos), il tire contre son propre camps, le discrédite et donne des arguments à ses adversaires. Enfin, il n’est pas à un paradoxe près, et il usurpe ses habits de protecteur de la nature en allant copiner avec certains artisans de la destruction de la nature : l’agriculture et la sylviculture productiviste, entre autres. Bien sûr, en réunion, ces derniers en profitent pour s’engouffrer dans la brèche. Autre fait marquant lors de ces réunions d’experts : dans certaines d’entre elles, on met sur le même plan un agriculteur ou l’élu lambda et un spécialiste de la faune ou de la flore, ce qui pollue presque systématiquement le débat et fait perdre du temps à tout le monde. Pour tout vous dire, je ne suis généralement pas adepte de ces réunions dans lesquelles les voix de la raison ont du mal à s’imposer à chaque fois. Aujourd’hui, par exemple, on a eu droit à l’affirmation suivante : « l’exploitation forestière (autrement dit celle de nature classique c’est-à-dire la sylviculture productiviste) permet une meilleure expression de la biodiversité ». Cette phrase, si elle avait été prononcée par un sylviculteur privé ou par un de ses représentant syndical ou encore par un technicien de coopérative forestière aurait pu être non dénuée de logique partisane même si scientifiquement, elle nie tout ce qui a été démontré par des tonnes de publications scientifiques depuis plus de 30 ans. Non, elle a été prononcée par un « brillant » homme de « haute » formation scientifique, représentant en chef de la forêt publique régionale ! Et bien sûr, si je n’interviens pas quand j’entends des bêtises pareilles, rares sont ceux qui le font à ma place. Enfin, il est remarquable de constater que ces réunions sont souvent noyautées par différents « lobbies » représentant des intérêts particuliers, voire très privés et qui mettent les moyens nécessaires pour se faire entendre. En revanche, l’administration d’État ou des grandes collectivités territoriales, systématiquement invitées à ces réunions et représentantes de tous les intérêts publics est presque toujours absente. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas toujours les moyens humains suffisants (ou ne les mobilise pas à bon escient, selon les cas) pour déléguer suffisamment de personnes pour participer à de telles réunions. D’une certaine manière, elle compte sur notre présence. Car même si nous avons des compétences scientifiques et techniques suffisantes, nous n’avons pas tout à fait le même poids ni la même légitimité.
En définitive, le fait de participer à ce genre de réunions, ce n’est vraiment pas une partie de plaisir. Le fait de passer pour un empêcheur de tourner en rond n’est pas toujours un rôle facile à tenir, même quand la réputation de rigueur scientifique nous précède. Il n’en reste pas moins que c’est dans ces réunions, aussi bancales et peu valorisantes soient-elles, que se déterminent en amont beaucoup d’orientations des politiques publiques de l’aménagement du territoire. Alors, on se débrouille comme on peut pour instiller le plus possible d’éléments visant à préserver la nature. Mais parfois, c’est fatiguant et c’est très très long avant d’en voir les premiers résultats. Mais je suis néanmoins sûr que ça finira par payer.