Château de Chenonceau
C’est au tout début des années 1980, c’est-à-dire encore très jeune, que je l’avais découvert avec mes parents. Parmi les édifices que nous avions visités à l’époque, le château de Chenonceau (Indre-et-Loire) était de l’un de ceux qui m’avait le plus marqué. D’abord parce que c’était un château d’eau de la Loire qui, quel paradoxe, enjambait le Cher. Et aussi parce que je me souviens du cachet sympathique de la visite guidée à laquelle nous avions participé alors que nous n’étions pas trop nombreux.
Depuis que nous empruntons la diagonale Bretagne-Bourgogne (ou l’inverse), nous franchissons la vallée des rois. Or, Madame S. n’avait encore jamais eu l’occasion de visiter ces fameuses demeures ligériennes. Parce que j’avais très envie d’y retourner et parce que d’un strict point de vue pratique, c’était exactement sur notre route, il fut décidé de commencer par Chenonceau (le château, parce que la commune, c'est Chenonceaux).
Je dois vous dire combien a été grande ma déception. J’avais beau être averti et savoir que c’était l’un des châteaux les plus visités, c’était bien une foule qui s’y pressait. Certes, c’était en août, certes la pluie menaçait, mais ce fut abominable. En tout cas, rien à voir avec la quasi confidentialité des châteaux bourguignons. Mais ce n’est pas tout. Le prix du billet d’entrée est absolument prohibitif. Et aucune espèce de visite guidée possible. En lieu et place, moyennant un très confortable supplément, un baladeur pour suivre une visite audio-visuelle (je n’en ai pas voulu, seule S. a pris cette option). Je précise aux futurs éventuels visiteurs qu’ils n’ont aucun intérêt à prendre cette option dans la mesure où cela n’apporte quasiment rien et qu’il y a plus de choses à découvrir avec le dépliant que l’on vous « offre » à l’entrée. Ainsi tout est organisé pour vous faire dépenser un maximum : bars, restaurant, souvenirs, et fin du fin, toilettes payantes.
Autrement, chose que vous ne trouverez pas dans les dépliants touristiques ou les sites internet généralement dédiés, je vous précise que ce château est privé, ce qui pourrait paraître curieux. En effet, il faut savoir que le Cher, sur lequel est construit ce pont-château, est une rivière domaniale, c’est-à-dire qu’elle appartient à l’État (domaine public fluvial). Ce caractère domanial est hérité de l’Édit de Moulins (février 1566) : à l’époque, les cours d’eau navigables et flottables furent rattachés à la couronne de France. L’un des buts de la manœuvre était de favoriser la navigation sur les cours d’eau du bassin de la Loire (entre autres) en limitant le racket des seigneurs locaux qui imposaient des péages de plus en plus nombreux tout au long du fleuve. D’ailleurs, on voit combien aujourd’hui nous sommes dans une phase de grave régression avec nos péages (autoroutes, ponts, tunnels). Il y eut des exceptions : les ouvrages fondés sur titre et en particulier les moulins souvent détenus et exploités par le clergé, mais également ce château. Dans les années 1990, quand on a voulu rétablir la navigation de plaisance sur le Cher et donc la possibilité, et même l’obligation de passer sous le château, le propriétaire s’y opposa formellement, arguant de son caractère privé : l’espace sous les arches du château lui appartient alors que nous sommes sur le domaine public. Évidemment, la crainte du propriétaire était, entre autres, que l’on puisse bénéficier de la vue du château sans payer. Il fallut une décision ministérielle pour trouver un compromis et permettre une libre circulation sur la rivière.
Reste néanmoins le magnifique château meublé de Diane de Poitiers et de Catherine de Médicis…