On est tombé bien bas
Trois affaires dans lesquelles on a entendu énormément de bêtises (pour ne pas dire des propos parfois scandaleux et irresponsables) de la part des journalistes, des « intellectuels » (je crois que même avec les guillemets, c’est encore très excessif) et des politiques. Reprenons les choses dans l’ordre chronologique (du moins dans l’ordre dans lequel on en a parlé dans les médias ces derniers temps). Pour que cela soit bien clair, je le dis avant : s’il y a des liens entre ces trois affaires, il est bien évident que pour ma part, je ne fais aucun amalgame. Certains auraient été bien inspirés d’en faire autant.
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Tout d’abord, l’arrestation de Ro*man Pola*nski. Beaucoup de gens en vue se sont hâtés, notamment en France, de prendre sa défense. Les faits qu’on lui reproche remontent à une trentaine d’années. Ces faits concernent, selon les informations partielles que j’ai cru percevoir, des relations sexuelles avec une gamine de 13 ans, notamment sous l’emprise de l’alcool. Les défenseurs du cinéaste ont argumenté que la gamine avait déjà eu des relations sexuelles avant ça, qu’elle posait nue pour une revue, qu’elle avait retiré sa plainte, qu’elle ne voulait plus entendre parler de cette affaire et qu’elle « s’en était bien sortie ». J’ignore quel était le degré de maturité de la gamine de l’époque, mais il semble qu’il ne fait aucun doute qu’un homme de plus de 40 ans au moment des faits n’aurait pas pu la confondre avec une femme majeure et que dans ces circonstances, il était en mesure de lui nuire. On ne connaît pas la réalité des faits, on ne sait pas ce qu’il y avait dans la tête de ces deux là il y a 30 ans à ce moment là, mais la responsabilité au moins de l’artiste est engagée. Il s’est ensuite soustrait aux poursuites judiciaires américaines. La fille aurait-elle profité de la célébrité de l’artiste ? Peu importe, je considère qu’on ne couche pas avec une gamine de 13 ans, même si on ne peut pas parler, à mon avis, de pédophilie, qui me semble bien éloignée des faits. La justice américaine se révèle parfois coriace, la justice suisse, subitement vertueuse. C’est évidemment suspect. C’était il y a plus de 30 ans qu’il fallait demander des comptes à l’artiste, d’autant qu’on savait très bien où le trouver. Mais aujourd’hui, sans le dédouaner, cela me paraît bien tard. Le talent de l’artiste a aussi été mis en avant pour le défendre. Bien sûr, quand on a du talent, on peut faire n’importe quoi, on sera innocent de tout. Moi-même, je reconnais volontiers qu’il en a. Je me souviens en particulier de l’un de ses films que j’ai vu à la télévision alors que j’avais une quinzaine d’année. Il s’agissait du « Bal des vampires » et il s’agissait du premier film dans le genre que je voyais. Cela m’avait beaucoup marqué, mais je n’avais pas eu peur vu qu’il y avait énormément d’humour et de pirouettes dans ce film. Je me souviens aussi que peu après la sortie du film, un déséquilibré avait assassiné l’actrice principale, pensant qu’elle avait été vampirisée pour de bon.
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L’affaire de Milly-la-Forêt m’a pas mal émue car nous avons vécu quasiment en direct l’enlèvement de la randonneuse qu’elle avait signalé avec son téléphone portable, l’arrestation de son agresseur ainsi que les circonstances abominables de sa mort. Le meurtrier était un pédophile libéré avant la fin de sa peine et qui était revenu habiter près de son ancienne victime. Avant même son déclenchement, j’étais sûr qu’il y aurait une polémique politico-judiciaire. Cela fait au moins 20 ans qu’on entend le même refrain politique, les mêmes réactions conjoncturelles. Et au moins 20 ans qu’on ne fait rien pour y remédier, toutes tendances politiques confondues. De qui se moque-t-on ? Il existe sans doute des solutions médicales ou autres, et en tout cas des moyens pour empêcher ce type de personnes de nuire, de tuer. La castration chimique ? Sans doute, mais pas comme une possibilité, mais comme une contrainte (ça ou d’autres moyens alternatifs pour ne pas mettre la santé en cause de la personne concernée), avec suivi et obligation de résultats.
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J’en viens à la polémique au sujet de Fré*déric Mitt*errand. Celui-ci a soutenu Ro*man Pola*nski et on a redécouvert qu’il a publié un livre il y a quatre ans où il parlait, semble-t-il, avec peu de précision (je n’ai pas lu le bouquin), de relations sexuelles avec des hommes prostitués. Le fait que le ministre défende l’artiste, admettons que c’est dans ses cordes, mais la façon dont il l’a fait est pour le moins maladroite (le talent et la célébrité n’excusent rien). Le fait qu’on s’en prenne à ses écrits en les sortant de leur contexte et en les tronquant est purement scandaleux. Je sais pour l’avoir vécu : dans une affaire bien moins polémique et plus scientifique, j’avais été interviewé par un journaliste radiophonique. Je lui avais tout bien expliqué, avait mis des limites claires à mes propos. Eh bien qu’a-t-on fait ? On a coupé, tronqué, « décontextualisé » et avec ce petit jeu, on m’a presque fait dire le contraire de ce j’avais exprimé. Une honte à mon niveau car le journaliste ne pouvait pas faire valoir un problème d’incompréhension, il l’avait fait exprès, pour faire du sensationnel à peu de frais. Pour en revenir au ministre, on ne sait pas exactement ce qu’il a fait ou pas fait, mais ça ne regarde que lui. S’il faut lui reprocher quelque chose, ce n’est pas ça, c’est son ambition malsaine, son empressement à dire n’importe quoi sur n’importe quoi ou n’importe qui, ses compétences surestimées, son arrivisme… Il a sans doute des qualités, mais je ne les ai jamais vues. Mais son histoire de bouquin, sa sexualité ne sont pas des raisons pour l’attaquer de cette façon. Ses adversaires d’aujourd’hui sont-ils irréprochables ? Ont-ils le droit de l’attaquer sur des choses aussi personnelles, même s’il les a rendues publiques ? Non, ceux qui hurlent au loup feraient mieux de se taire, ils sont sans doute pires.
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Encore une fois, je ne fais aucun amalgame, mais je constate que notre classe politique et « intellectuelle » a perdu la raison, encore plus que d’habitude. Ce qui me fait peur aujourd’hui, c’est de voir à quel point on est tombé bas.