Vacances de Toussaint 2011 (1)
Samedi 22 octobre
Nous nous levons à 5 heures. Mon ancien collègue et ami (D.), arrivé depuis moins de deux jours est encore là. Il était venu en train pour assister le vendredi à une réunion d’experts sur le nouveau catalogue de la flore septentrionale (il fut un des artisans principaux des inventaires). Nous emmenons D. à la gare d’H. et nous partons pour A. à 7 heures.
Aparté n° 1 : la notion de spécialiste me semble complètement usée. Il y a quelques semaines, lors d’une réunion d’un groupe scientifique, nous nous interrogions sur le « niveau » que devait avoir un écrit sur la tra*me ver*te et ble*ue, en particulier des fiches descriptives des milieux naturels régionaux et à qui s’adresseraient ces documents. Il me fut répondu par les services de l’État que cela s’adresserait à des spécialistes en citant quelques exemples de techniciens de collectivités en « environnement et aménagement du territoire » (pour simplifier). J’ai répondu que pour moi, il ne s’agissait pas de spécialistes, mais de généralistes. Et on m’a répondu, qu’il fallait les considérer comme des spécialistes et que les scientifiques qui étaient au tour de la table étaient des spécialistes experts. Je l’ai admis par convention mais je n’ai pas été convaincu.
Nous arrivons à A. peu après 13h30. Après avoir débarqué les bagages, bu un café, je vais chercher les voisins et amis pour qu’ils emmènent le matériel à l’étang à l’aide d’un tracteur et d’une remorque :
- un plancher pour disposer au fond de la pêcherie ;
- une grille pour empêcher que les poissons ne s’enfuient en fin de pêche ;
- une table de tri (artisanale) du poisson ;
- de grosses bottes de paille et un film plastique pour confectionner deux bassins pour conserver les poissons ;
- des futs de 200 litres et des grands baquets pour stocker et transporter les poissons ;
- une motopompe pour remplir les bassins et les futs ;
- des outils divers et variés pour lever la pelle, etc.
On l’aura compris, il faut une sacrée logistique pour envisager la vidange et la pêche d’un étang de cette surface, d’autant que le « jeu », dans notre conception actuelle, consiste à faire le tri des poissons, éliminer les indésirables (Perche soleil) et les gros Brochets et de relâcher tout le reste immédiatement après. Je reviendrai plus tard sur les détails des opérations.
Aparté n° 2 : la pelle est la vanne de fond de l’étang qui a en gros une forme de pelle coulissante de haut en bas comme une guillotine.
Aparté n° 3 : l’étang est régulièrement vidangé pour le poisson. La production piscicole n’est ici pas extraordinaire compte tenu de la relative pauvreté des eaux en minéraux et nutriments. La productivité pourrait être améliorée avec des engrais et autres amendements, mais mes parents n’avaient pas les moyens et lors de mes études dans le domaine de la flotte et les milieux naturels, j’ai pris conscience qu’il fallait conserver l’étang en l’état et tant pis pour la croissance des poissons.
Aparté n° 4 : dans la seconde partie des années 1960 et au début des années 1970, mon père avait cependant voulu faire un peu de production piscicole (pas avant car l’étang avait des fuites importantes qui avaient nécessité de lourdes réparations). Au début des années 1970, il avait donc fait empoissonner l’étang par un pisciculteur et en octobre 1974 ou 1975 (bien que très jeune à l’époque, je me souviens bien de l’événement, mais pas de l’année et mes parents encore moins). Mon père s’attendait à une pêche assez miraculeuse et comme la vente de poissons sur la chaussée (sur la digue) ne suffirait pas à épuiser le stock, le pisciculteur emmènerait le reste. Quand l’étang fut vide, force fut de constater qu’il n’y avait presque plus de poissons dans l’étang. Il avait été braconné, passé au peigne fin. D’après le pisciculteur, c’était l’œuvre de professionnels très bien équipés, notamment avec des filets, un camion et tout ce qu’il faut. Mon père était vert de rage. Du coup, il avait décidé d’équiper l’étang d’un puissant dispositif anti-braconnage : 150 piquets en fer à T et plusieurs kilomètres de fil barbelé, le tout invisible lorsque l’étang est plein. Il avait cependant prévu une zone dépourvue d’engins de guerre pour pouvoir pêcher à la ligne en paix et se baigner tranquillement. Au début des années 1980, un ami a « repêché » un morceau de filet complètement décomposé, montrant que le dispositif avait fonctionné. En 1988, lorsque j’ai convaincu mon père de vidanger à nouveau, les fils barbelés avaient tous disparu (corrosion). Nous avons pu vendre un peu de poissons, mais ce fut la dernière fois où il y a eu vente de poissons aux particuliers. Lors des vidanges suivantes (1993, 1997, 2004), nous nous sommes contentés de remettre le poisson à l’eau.
Une fois les principaux équipements installés, j’ai levé la pelle. La vidange, a pu commencer. Celle-ci dure en général une petite semaine, mais tout dépend des sorties et des arrivées d’eau. Tout est donc une question de dosage de l’ouverture de la pelle et de surveillance des niveaux.
En images (photos fromfromiennes pour l'essentiel) :
L’aval de l’étang avant de lever la pelle, avec au premier plan, la pêcherie.
Nettoyage sommaire préalable de la pêcherie avant d’installer le plancher et la grille.
Des bidons, bassines, plancher, table de triage…
Les grosses bottes de paille pour confectionner des bassins (idée cornusienne piquée à un marchand de truites), avec un film plastique. On remplit le tout avec une motopompe antédiluvienne qui fuit comme un panier.
Le plancher et la grille sont en place.
Je lève la pelle (non sans mal).
Cela commence à « cracher » à l’arrière. Une rivière temporaire renaît (dernière photo prise deux jours plus tard).