Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cornus rex-populi
Archives
21 janvier 2023

Brèves cornusiennes du samedi 21 janvier 2023

Le début d’année est consacré aux entretiens professionnels annuels d’évaluation… J’en ai un en moins cette année. Du fait de l’inflation et de la convention collective, les hausses de salaires sont substantielles alors que les financements n’ont pas évolué, eux, depuis dix-quinze ans bien souvent. C’est donc très difficile. L’année dernière, sans tenir compte de l’accélération de l’inflation depuis l’invasion de l’Ukraine, nous avions calculé qu’une somme donnée il y a quinze ans nous permettait de financer à présent deux fois moins de jours de personnel scientifique. Un de mes subordonnés, un peu hors sol et nombriliste sur les bords aurait voulu que je l’augmente davantage alors qu’il est déjà mieux rémunéré que d’autres plus méritants. Et il n’est pas mal partagé car il a quand même des augmentations automatiques. Et c’est déjà énorme que nous arrivions à maintenir le cap.


J’a appris hier le décès d’une personne qui a pris sa retraite il y a quatre ou cinq ans. Il travaillait à l’Eau-Aine-Effe et avait 66 ans. Il faisait partie de notre conseil scientifique, mais avait voulu le quitter en prenant sa retraite. J’avais insisté pour qu’il n’en soit rien, mais je n’y étais pas parvenu. Je le connaissais depuis 2002 (peu après mon arrivée dans le Nord) et nous avions rapidement sympathisé. C’était une personne très agréable, d’une grande bienveillance et très gentille et bien sûr compétente dans son domaine. Je pense que d’autres personnes arrogantes et incompétentes devaient régulièrement l’emmerder au sein de son organisme. En prenant sa retraite, je l’avais senti « éteint », triste. Il avait hâte d’être en retraite compte tenu de l’ambiance de merde qui régnait (règne encore) dans son établissement. Et il n’a presque plus donné de nouvelles sauf peut-être auprès de ses proches. Je pense qu’il se sentait malade et je soupçonne un cancer que le faire part de décès laisse penser sans le dire. Cela a été un coup de poing hier. C’est injuste car les mauvaises personnes, elles, ne sont jamais pressées pour lever les pinceaux.


En parlant de retraite, je ne supporte pas que les politiques et les journalistes, lorsqu’il s’agit de parler de l’âge de départ à la retraite, disent en parlant d’une personne « a commencé à travailler » pour les raisons suivantes :

  • quand on est étudiant et que l’on fait tout pour réussir, on ne se tourne pas les pouces, on n’est pas oisif, on travaille (en tout cas, pour ce qui me concerne, c’était ainsi et je n’avais pas beaucoup de loisirs, du fait d’abord de beaucoup d’heures d’enseignement) ;
  • quand on débute ou pour d’autres étudiants, on peut exercer des emplois précaires et mal payés et pourtant on travaille et en plus on cotise et pourtant bien souvent, ce n’est pris en compte ;
  • on confond systématiquement « cotiser » et « travailler », même si comme vu ci-dessus, on peut travailler et cotiser sans avoir de droits.

Je ne vous donne pas la totalité des raisons pour lesquelles je suis contre la réforme de la retraite, alors que la situation est déjà très injuste pour certains. Je ne parle pas de mon cas personnel, de toute manière, ce ne sera pas avant 67 ans, si j’arrive jusque-là.


J’ai appris hier soir que mon père allait enfin recevoir le paiement de « MaPrimRénov ». Enfin, je n’y croyais plus. Les travaux de façade avaient été achevés fin juin 2021, je me suis occupé de faire la demande de paiement sur le site internet dédié début juillet 2021 et après moultes échanges de courriels (une vingtaine facilement), d’appels téléphoniques (4-5 par Fromfom), l’ensemble en pure perte de temps car ce qu’ils nous demandaient de faire ne fonctionnait jamais, j’avais réussi , huit mois après, soit en février 2022, à valider le paiement. J’avais réussi via un dysfonctionnement dans le dysfonctionnement (imaginez le truc, sinon je n’y serais pas parvenu), le problème ayant généré dans un second temps (un mois après) un courriel de leur part en me demandant une pièce (qu’il ne m’autorisaient pas à fournir directement autrement). Et dix mois plus tard, le paiement (ne pas encore crier victoire, l’argent n’est pas sur le compte). Donc presque 19 mois en tout. Ne parlons pas de ceux qui ne peuvent pas avancer l’argent, cherchez l’erreur.

Publicité
Publicité
1 avril 2023

Brèves cornusiennes du samedi 1er avril 2023

Ce jeudi, mes parents avaient rendez-vous avec le médecin-conseil dans l’un des deux EHPAD de les plus proches de la maison. Et après la visite, il s’avère qu’une place pour ma mère sera disponible dans une chambre double d’ici trois semaines. Cette perspective est un soulagement pour mon père, mais il craint de s’ennuyer seul. Il va également falloir faire en sorte qu’il conserve a minima une aide-ménagère quelques heures par semaine. Donc, globalement, cela reste une très bonne nouvelle, ce que confirme la personne qui travaille au Département de la Loire avec laquelle je suis en relation régulière depuis le mois de mai 2022.


Tous les matins, j’ai envie d’étrangler un ministre. Il faudra que je me prescrive quelque chose.


Hier soir, après avoir regarder une vidéo sur You Tube depuis chez Calyste, je suis arrivé de fil en aiguille sur ce vieux sketch de Pierre Dac et Francis Blanche, qui contrairement à d’autres, je ne connaissais pas. Cela s’appelle La recette du water pudding.

 

C’est surréaliste, absurde, très bête, idiot, crétin… si bien que j’ai failli mourir de rire, comme cela ne m’était pas arrivé depuis fort longtemps.

8 avril 2023

Brèves cornusiennes du samedi 8 avril 2023

Parce qu’on en parlait dans les médias au début de l’année (on en encore abondamment parlé ces dernières semaines), j’ai testé le logiciel d’intelligence artificiel de discussion ChatGPT à plusieurs reprises selon plusieurs axes. Un collègue informaticien l’a testé positivement de son côté dans le cadre professionnel pour l’aider à écrire du code informatique, ce qui lui fait gagner beaucoup de temps. De mon côté, tout ce que j’ai essayé a donné des résultats pitoyables. Je l’ai interrogé sur des questions d’architecture, d’écologie (science), d’histoire, de géographie, de littérature et il s’est avéré que dans tous les cas, il était superficiel, convenu, presque caricatural. Et dès que l’on va dans des choses un peu précises, les réponses deviennent vagues voire souvent fausses. Le nombre de réponses fausses est hallucinant et bien sûr inquiétant. Les journalistes n’ont pas beaucoup relayé ce problème que je considère pourtant comme l’un des plus préoccupants. Le souci est que lorsqu’on lui dit qu’il se trompe, il se se corrige en intégrant la bonne réponse qu’on vient de lui donner, mais surtout quand on lui donne une fausse réponse, il l’intègre tout aussi bien. Je parle bien de réponses qui n’ont rien à voir avec l’actualité ou issue d’une interprétation. Bref, la fiabilité en prend un sacré coup. Ensuite, il est vrai que l’outil produit des phrases globalement très correctes et en principe exemptes de fautes d’orthographe. Je pense que c’est sans doute cela qui me paraît le plus remarquable. Il a été dit que les étudiants l’utilisaient et que c’est justement l’absence de fautes d’orthographe dans les copies qui permettait de suspecter son utilisation. On peut aussi le constater quand les copies sont à peu près similaires et surtout parce que la façon de rédiger est toujours la même, manque de personnalité et est donc à ce titre caricaturale, le tout avec une certaine superficialité et sans caractère. Si les enseignants ne s’en rendent pas compte, il faut qu’ils se posent des questions. Toutefois, il est aussi vrai qu’il ne s’agit là que d’une étape et des évolutions futures pourront certainement brouiller les pistes. Sur le fond, il y a quand même de quoi être inquiet, non pas de l’outil en tant que tel mais des utilisations malveillantes qui ne manqueront pas d’être mises en œuvre par des individus, groupes, entreprises, états fort mal attentionnés. Je ne parle pas de cet outil en particulier mais des diverses formes que prennent ou en prendront l’intelligence artificielle. Certes, les technologies ont toujours été utilisées pour des choses utiles ou en principe bienveillantes d’un côté et détournées pour faire le mal de l’autre. Il n’y a rien de réellement nouveau dans l’approche, mais cela donne toutefois le vertige et on a clairement le sentiment que nos espaces de liberté s’amenuisent sans cesse à une vitesse accélérée.


Quand quelqu’un a un pouvoir, la question n’est pas de savoir s’il va en abuser, mais quand il va en abuser. Le pouvoir peut être très modeste, très limité et je pense qu’il peut concerner n’importe qui, y compris des personnes qui sont loin d’avoir une âme de dictateur. Prenons mon cas, certes déjà biaisé car je rêve d’être dictateur, mais prenons-le quand même. J’en ai déjà parlé, quand j’étais au service militaire, il m’est arrivé une fois d’abuser d’une minuscule parcelle de pouvoir qui m’était octroyée en tant qu’armurier. C’était pour rendre la monnaie de sa pièce à un sous-lieutenant et j’avais décidé de faire du zèle sur la propreté des armes. La victime collatérale n’avait pas d’importance, c’était un abruti, certes presque inoffensif.

Certains, beaucoup trop nombreux, argumentent que l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution de la République française est démocratique. Il ne faut pas confondre le respect de la loi et des règles avec l’esprit de la vraie démocratie active et incontestable, surtout quand autant de personnes sont contre une réforme. Ce passage en force pour une réforme engageant un nouveau recul social est un abus de pouvoir caractérisé et est à mon sens réellemnt anti-démocratique.

François Mitterrand s’était engagé, comme candidat à la présidentielle en 1981, à abolir la peine de mort (alors qu’il l’avait fait appliquer en tant que ministre de la Justice et ministre de l’Intérieur dans les années 1950). Y avait-il une majorité dans la France d’avant 1981 pour l’abolition ? Les sondages de l’époque semblaient dire le contraire. Mais à quel point avait-on expliqué la barbarie que cela représentait ? La question se pose. Mitterrand avait-il pris un vrai risque en s’engageant dans ce sens avant l’élection ou était-ce au contraire un calcul pour incarner une rupture, un changement pouvant lui octroyer plus facilement des voix de la part des humanistes ? Pour ma part, j’ai tendance à penser que Mitterrand n’avait pas besoin de parler de l’abolition pour être élu, mais il l’avait fait, et à ce titre, c’est sans doute l’une des choses qu’il a fait de mieux dans son existence. Tout cela pour dire que ce n’est pas parce que le « peuple » est pour ou contre une chose, une loi que le « peuple » a nécessairement raison, mais on ne peut pas aller radicalement contre lui sans en tenir compte de manière extrêmement sérieuse. Et aujourd’hui, cette réforme des retraites ne tient compte de rien. Le compte à rebours de la bombe à retardement est déjà en route.


Le calendrier pour le départ de ma mère à la maison de retraite s’est précisé, ce sera le 19 avril, soit onze mois après avoir formulé la demande dans les premiers établissements. L’établissement, qui dépend de l’hôpital public, a une très bonne réputation de la part des soignants et travailleurs sociaux avec lesquels mon père et moi sommes en relation. Il y a encore des dossiers à remplir pour que mon père puisse bénéficier d’un minimum d’aide. Et on s’aperçoit à cette occasion combien les systèmes sont mal foutus, pas interconnectés, répétitifs. Il devrait y avoir des liens directs et facilités entre les dossiers fiscaux et sociaux (retraites, logement…) et ce n’est pas le cas, on n’a pas de communication directe des bases de données entre elles (on en est à l’âge de pierre d’une certaine façon).

20 janvier 2013

Le confident

GRÉMILLON H., 2011. - Le confident. Éditiond Feryane, Versailles, 370 p.

Calyste avait bien « vendu » ce livre (voir ici). Je ne vais pas refaire le résumé, il suffit de (re)lire ce que Calyste en a dit. Je l’ai trouvé à la bibliothèque municipale dans une édition en gros caracatères. L’édition initiale, de 2010, et indiquée comme chez Plon-JC Lattès, alors que Calyste annonce Gallimard. Curieux.

Alors qu’en dire ? Après une première partie où on ne voit pas trop où l’on veut en venir (c’est voulu et il faut bien poser le décor), les choses se précisent ensuite et on commence à bien rentrer dedans, au point que l’on finit par être gourmand d’en finir. J’avoue que je m’étais douté de l’anguille sous la roche (celle qu’on apprend à la fin), mais ce n’était pas formalisé dans mon esprit. Le style est moderne, simple, coulant. Il aurait pu être plus sophistiqué, plus riche en vocabulaire (c’est dommage, il y avait de quoi), mais l’apparente simplicité a du bon aussi. Aucune lourdeur, c’est excellent. Ce qui ma le plus marqué, c’est cette faculté de décrire des sentiments, de lire des monologues ou des dialogues mentaux intérieurs, des volontés ou des fantasmes ou des options vitales comme si on entrait véritablement dans la peau des personnages et cela est une vraie belle réussite de mon point de vue et je n’avais jamais lu des choses pareilles ailleurs (des équivalents, oui, mais qui ne sont pas aussi naturels qu’ici). Sur le fond, est abordé la problématique de la stérilité féminine et de ses nombreuses répercussions conjugales et sociales qui ne manquaient pas de se faire sentir à l’époque (années 1930-40). J’ai immanquablement pensé à une amie qui en souffre encore aujourd’hui. Et il est également question des mères porteuses dont on parle en ce moment en marge du mariage pour tous. Je n’ai encore rien dit à ce sujet, mais sans rentrer dans les détails, je suis clairement opposé à la « gestation pour autrui », jusqu’à ce qu’on me montre où pourrait être mon erreur d’interprétation.

Pour en revenir au livre. Non Calyste, je n’ai pas été déçu. Merci.

27 janvier 2013

Les vingt ans de Calyste

J’ai été beaucoup touché par la dernière note de Calyste où il évoque ses vingt ans. J’avais amorcé un nouveau commentaire fleuve, mais j’ai préféré en faire une note.

La fameuse phrase relevée par Karagar et Plume ne m'avait pas surpris car Calyste avait déjà évoqué, certes de façon un peu plus diffuse, beaucoup des événements qu’il rappelle. Cette fois, tout est remis en perspective.

Personnellement, à vingt ans, j’étais très loin de là où Calyste en était et je ressemblais beaucoup plus aux vingt ans que Karagar évoque en commentaire. Et cela me pesait pas le moins du monde.

Les vingt ans de Calyste ont été relativement « sexués », comparativement à d’autres expériences, mais je pense que de ce côté là, c’est plutôt Calyste qui était dans la « norme ». En revanche, son orientation l’était beaucoup moins. Calyste ne parle pas de la difficulté de faire des rencontres, à une époque où pourtant les choses ne devaient pas être simples, surtout pour quelqu’un qui « débarquait » à Lyon, mais je me trompe sans doute. Et peut-être que des jalons avait été posés avant Lyon ?

Les années passent et certaines choses demeurent, comme les bonimenteurs auxquels Calyste fait référence. J’y ai été aussi confronté, à petite échelle. Cela m’a marqué, mais cela n’a pas été violent comme les expériences vécues par Calyste. Parce que l’époque est très différente, parce que sans doute, j’étais davantage ubiquiste, parce que cela n’a pas duré et probablement parce que j’ai rencontré, virtuellement, des personnes qui « tenaient la route », dont Karagar en est la première expression la plus aboutie. Je ne parle pas de Fromfrom, cela va de soi, évidemment...

L’idée du suicide ne me paraît hélas pas illogique dans ce qu’a pu vivre Calyste en de telles circonstances. Je n’ai personnellement jamais eu cette idée, mais j’ai été touché de près par le suicide, qui avait un lien avec l’homosexualité. Et puis je me demande toujours comment j’aurais vécu cette période si l’internet n’avait pas existé. Je n’ai heureusement jamais eu le vrai sentiment d’être dans un trou et encore moins au fond de ce trou. Je pensais simplement être ailleurs, comme quelqu’un qui serait inapte à partager des choses intimes, personnelles avec les personnes de mon âge ou à peu près. Et puis on fait des rencontres en grande partie improbables, inattendues…

Et heureusement que Calyste et nombre de personnes sont là pour prouver que l’on ne finit jamais de se construire, que l’on acquière des complexités, des richesses. Pour dire aussi ensemble, que la vie doit encore triompher.

Publicité
Publicité
24 juillet 2013

En attendant...

Une toute petite note écrite pendant les vacances, en attendant les plats de résistance.

Les nageurs avaient terminé leur baignade depuis une grosse demi-heure et avaient regagné leurs pénates lorsque le pêcheur commença son œuvre. Avec sa canne à lancer, il explorait le coin en éventail, lançant sa cuillère alternativement au large ou au plus près de la berge. Il n’était pas très adroit. Pour lancer le plus loin possible, il essayait de projeter le leurre avec le plus de force possible. Hélas, le projectile, retenu par un fil de nylon trop raide, retombait à une distance bien ridicule que ce qui était escompté, après une trajectoire en cloche, du plus bel effet, mais d’une efficacité douteuse, obligeant à rembobiner des mètres de fil excédentaires. Il fallait faire face aux accrochages variés dans les joncs, laîches et autres prêles, mais cela n’était rien en comparaison avec les magnifiques suspensions de poissons-nageurs, virgules et Aglia parmi les branches de bouleaux et de chênes. Résultat des courses : pertes presque irrémédiable des leurres, éraillements, perruques indémêlables du fil, ouvertures d’émerillons et autres casses banales chez un débutant.

Mais cette fois-ci, rien de particulier n’était venu obscurcir prématurément le ciel de cette partie de pêche crépusculaire. L’Aglia « feuille de saule » rouge n° 1 avait plongé à un endroit stratégique, entre l’embarcadère et la bordure frangeante de Laîche en ampoules, puis s’était mise à tourner de manière impeccable, longeant idéalement les grosses pierres immergées de l’ancien lavoir, heurtant négligemment les cailloux du haut-fond, avant de replonger dans l’eau noire. Probablement surgi d’un herbier flottant à comaret et glycérie, le seigneur du lieu fondit sur la cuillère, s’en empara violemment et embarqua le tout en au large en direction de la roselière à massettes sur la berge opposée. Le frein du Mitchell 350 se mit à crisser comme il ne l’avait jamais fait, abandonnant à l’eau des mètres de fil, tandis que la canne courbait furieusement l’échine, formant alternativement une parabole lamentable ou revenant à une position plus dignement rectiligne. Le frein du moulinet ayant été resserré à la hâte afin de récupérer un peu la main sur le poisson qui avait commandé la manœuvre jusque-là, le vrai combat débuta : rushs rectilignes en direction du large, diagonales fendantes dans les profondeurs, et surtout la fabuleuse chandelle hors de l’eau, suivie par la redoutable retombée avec coup de 700 dents, afin de tenter de se libérer de sa laisse de façon définitive. Mais non, rien n’y fit, toutes les tentatives de libération furent vaines, le poisson ne put éviter les mailles du filet de l’épuisette, avant de venir gigoter sur l’herbe de la chaussée.

C’est ainsi que le petit Cornus, alors âgé de moins de dix ans, après une longue série de maladresses et d’échecs, attrapa son premier brochet (60 cm) au lancer. Il y eut encore pas mal de gaucheries par la suite, mais l’affaire était lancée. Mon père n’est pas étranger à cette forme de passion pour le poisson, et c’est peut-être aussi cela qui m’a poussé, des années plus tard, vers le souhait de réaliser des études en lien avec la pisciculture et l’ichtyologie, volonté néanmoins contrariée par une autre rencontre.

22 août 2013

Brèves cornusiennes (8)

Deux fois n’est pas coutume. Après Nostradamus des Landes, il me semble que c’est la seconde fois où je fais un appel « écolo ». Il ne s’agit pas à proprement parler d’une pétition, mais d’une initiative citoyenne européenne visant à faire reconnaître pénalement l’écocide (destruction de la nature). Je ne me fais guère d’illusions, mais cela ne coûte pas cher d’essayer. Il faut néanmoins se munir d’une carte d’identité (n’importe laquelle).

Lien


Juste pour rire, un article du Coin coin qui montre que dans la région comme ailleurs et comme souvent, la bêtise règne.

Coin_coin

22 août 2013

Concours œil pour œil : les réponses

Comme on ne se bouscule pas énormément pour donner toutes les bonnes réponses, voici les résultats des Concours œil pour œil :

n° 1 : cathédrale (ancienne collégiale) Notre-Dame-de-l'Annonciation de Moulins (Allier)

n° 2 : église romane Sainte-Marie-Madeleine de Taizé (Saône-et-Loire)

n° 3 : un col romain porté par les certains curés catholiques

n° 4 : la roseraie de La Celle-en-Morvan (Saône-et-Loire)

n° 5 : à la Voie lactée (facile, non ?)

n° 6 : conduite forcée de l’usine hydroélectrique de la Canche (Roussillon-en-Morvan, Saône-et-Loire)

n° 7 : église romane Saint-Nazaire de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire), actuellement un musée

n° 8 : une algue macrophytique de la famille de Characées : Nitella flexilis (L.) Agardh Entre chaque entre-nœud, il n’y a qu’une seule cellule végétale, géante.

n° 9 : église romane Saint-Laurent de Châtel-de-Neuvre (Allier)

n° 10 : Salix purpurea L. (Saule pourpre), semble-t-il appelé localement verdiau (sans doute aussi verziaux au pluriel)

29 novembre 2013

Critique cinématographique

Dimanche dernier, nous sommes allés voir le film Il était une forêt de Luc Jacquet [qui a réalisé La marche le de l’empereur] sur une idée du botaniste Francis Hallé [l’homme du « radeau des cimes »]. Il y « joue » d’ailleurs un rôle. Il s’agit d’un film tout à fait grand public. J’aurais pu en être frustré (certains documentaires télévisés vont parfois plus loin dans l’approche scientifique), mais j’ai été pris par de splendides images. Il n’y avait guère de surprise car le scénario reposait essentiellement sur le déroulement du cycle sylvigénétique des forêts tropicales. Je n’ai pas appris beaucoup de choses, mais j’ai néanmoins retenu trois petites choses intéressantes. Des images réelles puissantes, mais aussi des images de synthèse omniprésentes et surimposées qui peuvent surprendre au début. Pour moi, ces images sont assez extraordinaires du point de vue technique et pour leur apparence assez réaliste. Il y en a peut-être un peu trop à mon goût. Toutefois, et assez exceptionnellement, poiur le rendu de ces images, je pense que le film aurait beaucoup gagné à être réalisé et visualisé en 3D.

30 juin 2013

Les escaliers vont encore devoir attendre

En février 2011, je joue la boule de billard et le camion m’expédie dans un fossé antichar (pour mémoire, c’est ici et ). C’est la piteuse fin de la voiture japonaise, achetée d’occasion un peu moins de quatre ans plus tôt. Au revoir la possibilité d’un escalier. La remplaçante sera une féline 308 (voir ici).

En ce mois de mai 2013, suite à non pas une, mais deux infractions au code de la route (j’ai découvert la seconde après coup), je ne peux éviter une voiture (voir ici). Résultat, un devant bien abîmé : coût probablement stratosphérique, mais aucun centime dépensé (ouf !). Tout a été bien réparé.

En 1998, j’avais acheté une lionne 306 essence neuve. Eh oui, j’avais les moyens à l’époque. Outre mes petites économies, j’avais profité de remboursements de frais de déplacements presque confortables de la part du bureau d’études « écran » pour lequel je travaillais (non, je ne pratiquais pas d’activités illégales ni n’occupait un emploi fictif) et d’un don de ma grand-mère maternelle à ses petits enfants. Je n’avais néanmoins pas les moyens de me payer une voiture diésel du même gabarit. C’est avec cette voiture que je parcourus environ 100 000 km pendant mes un peu plus de trois années de thèse (je faisais des visites de terrain été comme hiver sur plusieurs centaines de kilomètres de fleuve).

Il y a une dizaine de jours, Fromfrom part pour l’école avec la presque antique 306. A peine a-t-elle parcouru quelques dizaines de mètres, qu’elle ressent un dysfonctionnement majeur dans la direction, avec des craquements très inquiétants. Elle ramène le véhicule devant la maison. Le soir, je me rends compte que c’est un problème d’ « affaissement » de la suspension et le lendemain, je constate qu’en vérité, c’est le ressort de suspension qui s’est cassé (il me semble que c’est relativement rare, surtout quand on n’a pas joué au rodéo avec sa voiture). C’est un coup à avoir un gros accident sur la route. Ce mercredi en début d’après-midi, pour faire l’économie de la dépanneuse, je tente de mener le véhicule à l’hôpital au garage. Fromfrom me suit avec l’autre voiture. Il y a une fumée blanche (normal pour un pape) qui s’échappe du pneu avant. Je ne m’en inquiète qu’à moitié, pensant que c’est le pneu qui doit frotter sur le garde boue. On continue notre parcours et d’un coup, le pneu éclate tel un coup de fusil. Je précise que ces pneus ont quand même un âge canonique de plus de 11 ans (nous avions « fini » des pneus hiver entre temps). Évidemment, ce devait être un morceau de ressort qui devait dangereusement frotter sur le pneu. On appelle la dépanneuse (60 € non économisés) et on nous emmène la voiture une demi-heure plus tard.

Le lendemain, je reçois l’appel du garage qui m’annonce la douloureuse qui tient ses promesses. Une voiture essence de 200 000 km et de 15 ans, toujours entretenue correctement (en partie par mes soins), mais qui présente quelques faiblesses et autres usures qui finiront par coûter d’autres bras. Et à la fin, on a encore la même voiture où certaines pièces peuvent lâcher à tout moment.

Après avoir pas mal regardé ce qui est sur le marché et les prix pratiqués, on décide de profiter de la promotion et des conditions de reprise actuelles en investissant sur l’entrée de gamme des 207+ essence. Pour Fromfrom qui conduit surtout en ville, cela devrait bien aller. Et une voiture qui pourra avaler aussi les kilomètres pour aller beaucoup plus loin si Fromfrom devait s’exiler à partir de la rentrée 2014 ou que je pourrais prendre pour lui laisser l’autre. J’ai un temps pensé à la petite 107, mais ayant eu par deux fois l’engin comme voiture de prêt, je n’ai pas été spécialement convaincu : une sorte de jouet strictement citadin et qui me fait un peu peur côté résistance aux chocs sur la route. Mauvaises expériences aidant et fréquentant quotidiennement une route singulièrement accidentogène, j’ai fini par accorder pas mal d’importance aux résultats des « crash tests ».

Nos escaliers ne sont pas prêts d’être remplacés…

23 juin 2013

De l'enseignement à tous les niveaux

Jeudi, j’étais invité à un jury de sélection d’un futur thésard à la « catho » de Lille. Invité parce que nous connaissons bien le directeur de thèse et parce que nous sommes partie prenante. Le matin, nous avons auditionné deux candidats respectivement âgés de 40 et 38 ans. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit des gens de cet âge se présenter, surtout qu’ils prennent un petit peu un risque puisqu’ils ont un boulot et sont déjà « installés » dans la vie. Ils ne se sont pas montrés d’un niveau exceptionnel sur le plan scientifique, comme leur âge aurait pu le laisser présager. L’après-midi, nous attendions d’abord une jeune femme qui ne s’est pas présentée (je n’ai pas su pourquoi). Enfin, ce fut le tour d’un candidat de 23 ans. Cela tranchait avec les candidats de la matinée (singulièrement le premier), qui étaient bien plus à l’aise et nettement plus « professionnels » dans leur présentation. Son niveau scientifique n’était hélas pas exceptionnel par rapport à ce qui lui sera demandé, mais d’un autre côté, il semble posséder un certain potentiel dans le domaine de la recherche et on peut également penser qu’il sera en capacité d’engranger pas mal de choses nouvelles que son encadrant principal lui fera ingurgiter. C’est donc lui qui a été finalement choisi, même si on n’a pas été des masses épatés. C’est un franc-comtois.

Cette journée a été l’occasion de me remémorer l’émergence de ma thèse, qui n’avait rien de comparable. En effet, contrairement à ce qui se pratique dans l’immense majorité des cas où ce sont les universitaires qui définissent un sujet de thèse en lien avec leurs thématiques de recherche, c’est moi qui avait défini précisément mon sujet en lien avec les institutionnels (diverses administrations publiques), avant de le proposer (pas loin de l’imposer) aux universitaires. Autre différence majeure : ici, on a choisi un candidat pour faire une thèse.

Sinon la thèse en question est très intéressante et je ne comprends pas trop pourquoi les candidats auditionnés n’ont pas essayé de décortiquer le sujet ou d’expliquer plus avant la façon dont ils voyaient les choses, même s’il est vrai que d’une autre côté, le sujet est très directif.


 

Je ne suis pas instit, ni même enseignant. Même si j’ai une expérience non négligeable pour avoir enseigné dans le cadre universitaire, cela n’a rigoureusement rien à voir. Pour moi, l’enseignement primaire et secondaire est une autre planète. Je ne suis donc pas compétent pour pouvoir dire de façon correcte ou adéquate si un enseignant est mauvais, moyen ou bon. Néanmoins, je ne suis pas complètement idiot non plus, et il y a des éléments d’appréciation que j’arrive à percevoir. Je ne suis pas neutre non plus pour porter un jugement objectif sur Fromfrom, mais cela ne doit pas m’empêcher de le dire tout de même : Fromfrom est une excellente enseignante, de loin la meilleure de son école. Pourquoi je dis cela ? D’abord, ce n’est pas une découverte récente, c’est une évidence pour moi depuis bien longtemps. De plus, ses très nombreuses expériences en Bretagne, en tant que suppléante et en tant que titulaire dans de nombreux établissements, à tous les niveaux de la maternelle au CM2, avec toutes sortes d’élèves, ont fait d’elle une enseignante ultra-adaptative avec des capacités fortes de sortir des sentiers rebattus. Et puis de vraies compétences et un sens de l’enseignement et des élèves que tout le monde ne peut pas avoir.

Je ne suis pas en train de dire que les collègues de Fromfrom sont tous nuls. Elle a quelques (très rares) collègues très valables et en a eu de bons (bien plus nombreux) dans d’autres écoles. Il n’en demeure pas moins vrai que la majorité de ses collègues sont des enseignants bien moyens voire carrément mauvais. Voici quelques éléments pour dire en quoi sont-ils mauvais :

  • ils n’ont aucune autorité et tolèrent une certaine « foire » ou insolence au sein de leur classe ;
  • ils appliquent des programmes à la virgule près, à la minute près, considèrent les manuels scolaires comme des évangiles indépassables ;
  • ils préfèrent le respect de la forme des « fiches pédagogique » à la qualité du fond de l’enseignement ;
  • ils pratiquent un enseignement strictement indifférencié quand ils ont une classe double ;
  • ils se fichent éperdument de savoir si certains élèvent ne captent pas ce qu’ils racontent, parce que l’objectif, ce ne sont pas les élèves, mais de finir le programme ;
  • ils ne sont pas capable de trouver des moyens alternatifs pour faire comprendre des notions aux élèves qui n’auraient pas compris ou qui seraient lents ou faibles ;
  • ils sont jaloux de leur ombre, égoïstes, refusent de partager leur expérience ou leur matériel pédagogique et vont même jusqu’à s’approprier du matériel collectif ;
  • ils n’ont aucune imagination, sont incapables de faire face à une situation inédite ;
  • ils sont souvent incapables de s’imaginer faire classe à un autre niveau que celui qu’ils pratiquent (mal) depuis plusieurs décennies ;
  • ils sont incapables d’imaginer de faire des sorties scolaires en dehors des rares lieux habituels ;
  • ils sont incapables d’organiser quoi que ce soit, sauf à se reposer sur les autres ;
  • ils râlent sur les autres et sont incapables de se prendre en charge, etc.

J’arrête là, mais la liste est loin d’être exhaustive. Je n’ai bien sûr rien constaté par moi-même, mais je rapporte ici les propos de Fromfrom. A quelques petits détails près, je n’entendais rien de tel quand elle officiait dans d’autres écoles.

A la rentrée prochaine, il y aura encore une fermeture de classe dans l’école. Mais grâce au départ en retraite, longtemps incertain, d’une enseignante (bon débarras), Fromfrom échappe cette année encore au couperet. S’il n’en avait pas été ainsi, elle aurait encore dû être obligée de partir (pour où ?). Par miracle, compte tenu des effectifs, l’année prochaine, elle devrait récupérer une classe « simple » de CM1 (contre un CM1/CM2 cette année), mais quel ne fut pas le psychodrame entretenu depuis de longs mois où la majorité des enseignants voyaient bien Fromfrom comme le bouche-trou qui prendrait la classe dont personne ne voudrait. C’est ce qui s’était produit l’an dernier. On avait feint de la plaindre et on lui avait fait des promesses pour l’aider de diverses façons. Résultat : aucune aide, aucune promesse tenue.

Si j’étais à la place Fromfrom (hypothèse quand même hautement improbable), certains instits auraient appris à leurs dépens ce que c’est qu’une teigne enragée.

Sinon, hier c’était la kermesse de l’école. J’y suis passé, involontairement et furtivement, le temps de récupérer une clé oubliée auprès de Fromfrom. Je n’aime pas cette ambiance.

6 décembre 2013

Brèves cornusiennes (14)

Je l’ai dit je ne sais combien de fois, je n’aime pas beaucoup Paris, en particulier les longs couloirs du métro, le métro lui-même bondé voire carrément débordant de toutes parts, la foule anonyme, excitée, parfois violente, les rues bruyantes et encombrées. Tout cela me procure un fort sentiment d’étouffement, car en plus, je suis toujours pressé pour me rendre d’un endroit à un autre pour des réunions et autres séminaires. Et depuis quelques années, je suis souvent malade ou très fatigué en revenant de la capitale. Hier, cela a été encore le cas. Je suis revenu en pensant avoir récupéré une angine. Et finalement, non, tout allait mieux ce matin. A se demander si je ne serais pas la victime d’un syndrome cornuso-parisien. J’y retourne mardi. Cette fois, j’espère passer entre les gouttes.


Ce matin, la directrice administrative m’a « convoquée » pour un examen du contenu de la cave de la propriété du « patriarche » dans laquelle se trouvent encore de sacrées vieilles bouteilles (un patriarche qui est toujours du monde, mais qui n’a jamais récupéré ses flacons depuis qu’il vit dans la Somme depuis 12 ans). Nous avons déniché des blancs alsaciens de 1991 à 1998 et des rouges, la plupart des Bourgognes de haute extraction de 1988, mais qui sont un peu à marée basse dans les bouteilles. Le but est de les déguster au pot de Noël de lundi. Mais j’ai prévenu, si nous arrivons à en avoir en tout deux de bonnes sur douze, il faudra nous estimer heureux.

8 décembre 2013

Brèves cornusiennes (15)

Mon collègue Normand supporte bien son traitement anticancéreux et la tumeur a régressé. Il se peut néanmoins que son affection demeure chronique.

En revanche, une autre personne que j’avais en quelque sorte remplacée quand je suis arrivé dans le Nord et qui travaillais désormais en Auvergne dans un organisme homologue, est très gravement atteinte d’un cancer du pancréas. Je savais depuis des mois qu’il était malade, mais j’ai appris que récemment la nature de sa maladie. Ce n’est ni un ami ni une personne particulièrement proche, mais il s’agit d’une personne que j’apprécie beaucoup, avec de réelles qualités tant professionnelles qu’humaines.


Bien que le fait de discuter d’histoire ne constitue pas un sujet de prédilection pour la plupart des mes collègues de travail, singulièrement les plus jeunes, il m’arrive avec eux de lancer des sujets sur la question. Et c’est ainsi que je me suis aperçu, non seulement que j’avais pris quelques années et surtout que je faisais partie des derniers représentants d’une génération. Quelle génération ? Celle qui a appris jusqu’en terminale au lycée, des choses bien ancrées, indéboulonnables, comme l’URSS et l’apartheid en Afrique du Sud. L’une comme l’autre se sont effondrées immédiatement après. Et des tas de choses ont suivi ces événements, qu’on a un peu du mal à délimiter. Des choses positives, certes, mais parfois beaucoup moins.

Tout cela pour dire, alors que je ne my attendais pas véritablement, que j’ai été fortement ému par la mort de Nelson Mandela, des témoignages dans les médias et autres reportages. Ce n’est bien sûr pas aujourd’hui que je découvre les immenses choses faites par cet homme. Cest idiot, mais je songe qu’il manque des tas de personnes comme lui. Pas que lui d’ailleurs. Il n’était pas seul, ni dans son camp, ni dans celui de ses adversaires. En 1988, j’ai vu en salle à sa sortie en France, le film Cry freedom, qui relate notamment le combat et la mort de Steve Biko, militant noir anti-apartheid. Encore à l’époque, on pensait que le régime raciste d’Afrique du Sud ne tomberait jamais. Il y avait bien eu des signes précurseurs que je n’avais pas captés à lépoque, mais l’arrivée de Frederik de Klerk au pouvoir puis l’ouverture de négociations avec l’ANC et la libération de Mandela en 1990 m’avaient bien entendu réjoui. Bien des murs étaient tombés en quelques années, ce qui laissait penser que bien des choses impossibles étaient devenues possibles. Bien sûr, il y a eu énormément de déceptions par la suite, mais je ne veux retenir que le positif aujourd’hui. Et si les meilleures actions de Mandela ou de certains de ses prédécesseurs comme Gandhi, Martin Luther-King et bien d’autres, nous inspiraient tous un peu plus tous les jours ?

15 décembre 2013

Le statut de mon travail

Voici une note que je voulais rédiger depuis un certain temps. L’actualité chaude du moment à mon travail où nous montons des dossiers en catastrophe pour tenter d’assurer notre avenir m’y pousse, mais également, une note lue chez Christophe.

Je travaille dans une structure privée, une association de quatre collectivités territoriales (Commune, deux Départements, la Région), ce qui est une bizarrerie assez rare et qui ne pourrait probablement plus se constituer à l’heure actuelle. Une association qui a reçu un agrément de l’État qui lui confère un statut particulier et officialisé dans le Code de l’Environnement. Cela prend la forme notamment de délégations de services publics. Nous sommes une cinquantaine de salariés, répartis sur trois régions.

A noter qu’il existe actuellement dix structures analogues à la mienne agréées en France métropolitaine, permettant de couvrir le territoire, à l’exception de l’Alsace et de la Lorraine qui n’ont pas encore complètement émergé. Ces structures sœurs ont des statuts divers : association, syndicat mixte, service de parc national, service d’établissement public de recherche. Or, il s’avère que pour les associations surtout, c’est particulièrement difficile financièrement, surtout certaines années, parce qu’elles sont soumises aux aléas budgétaires et avec un financement de l’État insuffisant et qui est resté bloqué depuis de nombreuses années. Ce qui nous oblige, les uns et les autres, à aller à la chasse aux financements, notamment européens, lesquels demandent beaucoup de ressources propres, des tonnes de justifications à la limite de l’inquisition. Je suis pour ma part persuadé qu’une bonne part du zèle actuel du contrôle des institutions européennes vient des malversations agricoles passées, qui n’ont jamais eu de conséquences sur ceux qui en ont bien profité et abusé durant des décennies. De plus, les règles changent d’une région à l’autre, d’un projet à l’autre, ce qui a de quoi rendre dingue nos comptables. Cela leur demande un travail considérable et mobilise beaucoup de ressources humaines, même lorsque les financements sont assez modestes. Pour illustrer cette inquisition, je prends l’exemple d’une collègue au début de l’année qui était allée à une réunion en voiture et qui, compte tenu des problèmes de neige, avait préféré passer par l’autoroute moyennant un très léger détour. Les contrôleurs européens ont estimé que nous avions abusé, car elle avait dû faire 10 kilomètres de trop : à peine quelques euros largement justifiés sur une subvention européenne de quelques dizaines de milliers d’euros sur plusieurs années. On n’ira sûrement pas demander des comptes à ceux qui engrangent de l’argent de façon indue à pleines brassées.

Qui plus est, aucune somme d’argent n’est versée à la « commande » (il n’y a pas que l’Europe qui procède ainsi, les collectivités le font régulièrement avec toutes les associations de France), ce qui est franchement dur pour les associations avec des salariés qui ne peuvent pas constituer de réserves, ce qui implique de contracter des emprunts et enrichit donc les banques, ce qui est un scandale de plus. Bref, on se fait avoir sur toute la ligne, mais on n’a pas le choix.

L’autre façon de s’en sortir, ce sont les commandes et appels d’offres, qui ont bien augmenté chez nous ces dernières années. Mais nous ne sommes pas un bureau d’études, ce qui ne nous facilite pas la tâche non plus. Du coup, les tâches administratives nous mobilisent plus que de raison, uniquement pour se donner la chance de récupérer du fric, jeu où nous ne gagnons pas à chaque fois. J’aimerais parfois avoir la sérénité de certains de mes homologues d’autres structures qui n’ont pas ces contraintes. Pour moi, chaque fois que je (ou mon équipe, ou quelqu’un de la structure) dois passer du temps sur une quelconque activité, je dois savoir comment cela va être rémunéré. Certaines personnes fonctionnaires ou titulaires d’établissements publics (attention, je ne généralise pas) nous regardent avec des yeux ronds quand on ose leur dire que nous ne travaillons pas à l’œil, que tout temps passé sur un projet doit être rémunéré. Ces mêmes personnes ne se posent pas ce genre de question car en général, quoiqu’ils fassent, ils auront toujours la garantie d’être payés à la fin du mois, et l’argent qu’ils récupèrent à droite ou à gauche, par exemple au sein d’un laboratoire de recherche universitaire, c’est « juste » pour acheter du matériel supplémentaire, des analyses à l’extérieur, gratifier un stagiaire, payer un thésard, embaucher un CDD. C’est très bien, mais on voit bien qu’on ne vit pas tout à fait dans le même monde. Et quand je les entends se plaindre, ça me dégoûte quelque peu. Il est vrai en revanche que la pesanteur de l’administration universitaire est absolument redoutable (j’y ai goûté). On passe pour des radins, des mal élevés, quand on ne veut (peut) plus participer à des réunions qui se multiplient. On ne veut pas comprendre que nous devons gagner notre salaire, comme une « vulgaire » boite privée, néanmoins interdite du moindre bénéfice.

Au niveau national se prépare la création d’une agence française qui rassemblera plusieurs organismes de la « biodiversité », surtout des établissements publics, mais aussi notre fédération qui est une association. Il s’agirait, sur le papier, d’une bonne nouvelle, permettant de pérenniser cette jeune structure au parcours chaotique sur le plan financier.

Au niveau (inter)régional, on parle de la création d’établis*sements pub*lics de coop*ération environ*nementale, sur la base des établis*sements pub*lics de coop*ération culturelle, que l’on rencontre notamment pour des théâtres ou des orchestres. Ces organismes, intègrent directement l’État, ce qui a au moins l’avantage de le rendre responsable sur le plan financier, ce qui n’est pas le cas pour nous en ce moment. Mais il n’intègre pas que l’État, mais aussi des collectivités territoriales ou leurs regroupements. Cela nous permettrait d’être moins sur la brèche pour aller à la recherche de subsides, de passer plus de temps à des tâches davantage scientifiques et non administratives et d’être un peu plus sereins sur notre devenir à court terme. Avec le risque toutefois d’une certaine perte d’indépendance dans les écrits ou les paroles, même si nous ne sommes pas totalement libres à ce niveau non plus. Mais rien n’est fait et de toute manière, il y a bien longtemps que j’ai appris à ne plus croire au Père Noël.

15 janvier 2014

De 2013 à 2014 (3) : de Funès [hors série]

Rappel : cette notes et les suivantes de la série ont été écrites pendant ces dernières vacances. Celles qui concernent les événements qui se sont produits à cette occasion ont été écrites immédiatement après lesdits événements.

 

Ce lundi soir passait sur Arte un film de 1963 avec Louis de Funès, Carambolages, qui ne me disait rien, même si cette fois, c’est plutôt Jean-Claude Brialy qui en était l’acteur principal. Et effectivement, je ne l’avais jamais vu. N’ai-je point vu en cette année pas moins de trois films avec Louis de Funès que je n’avais jamais vus ? Et pourtant j’en ai vu beaucoup. Pas des chefs d’œuvre non plus, mais cependant une certaine curiosité d’y retrouver l’acteur et le témoignage désuet des mœurs de périodes révolues.

« J’aime pas de Funès ! ». Combien de fois ai-je entendu cela ? D’abord de la bouche de ma mère parce qu’elle préférait et elle préfère encore Bourvil. Et de la part d’un grand nombre de personnes. Eh bien moi, le nain grimaçant, égocentrique et surexcité, j’en ai toujours été fan, depuis gamin et encore maintenant. Je suis encore capable de regarder un de ses films pour la nième fois. Tous ces films ne sont pas du même niveau, mais il reste des incontournables dont je ne me lasse pas.

Après le film sur Arte, il y avait une émission consacrée à l’acteur (trente ans qu’il est mort) où on tentait d’analyser les raisons de son succès, d’ailleurs très tardif et des difficultés qu’il avait eues à s’imposer. Mais aussi les critiques assassines des « intellos » des journaux de son temps. Oui, parce que ce fut un acteur populaire, qui a rempli les salles de cinéma à l’époque et c’était forcément un peu vulgaire. Effectivement, ses films ne volent pas très haut. On a beau essayer de décortiquer le personnage qu’il incarnait, sa personne privée, les aspects artistiques et psychiques, rien ne permet d’expliquer jusqu’au bout le fait que ce comique fonctionnait et visiblement fonctionne encore sur les jeunes générations.

J’aime bien d’autres acteurs comiques. Y compris ceux qui jouaient à peu près aux mêmes époques comme Fernandel (en partie) et Bourvil, lesquels sont largement intemporels à mes yeux ou ont un charme désuet qui me plaît. Mais pour moi, de Funès l’emporte. Peut-être aussi parce qu’il n’était déjà plus à la mode aux temps où j’ai découvert ses succès. Ou parce que ce sont les caractères mesquins et délicieusement méchants incarnés par les personnages de l’acteur qui ressortent dans mon moi profond ?

18 février 2014

Hier, c'était concert (2)

Hier, c’était soirée Wagner à l’orchestre national de Lille où nous avions pris place. Sous la direction de Jean-Claude Casadesus, la première partie était consacrée à La Walkyrie, avec le Prélude de l’acte I, la scène 3 « Ein Schwert verhiess mir der Vater », « Schläfst du, Gast », « Der Männer Sippe sass hier im Saal », « Winterstuerme wichen den Wonnemond », « Du bist der Lenz, nach dem ich verlangte », « War Wälse dein Vater, und bist du ein Wälsung » et « Siegmund heiss’ich, und Singmund bin ich ».

La seconde partie était consacrée à Tristan et Isolde, le Prélude le acte I, l’acte II - scène 2 « O sink hernieder Nacht der Liebe », « Lausch, Geliebter », le Prélude de l’Acte III et « Mild und leise wie er lächelt ».

L’interprétation était assurée par Anja Kampe, soprano allemande et par Robert Dean Smith, ténor américain, remplaçant Gary Lehman, souffrant.

Les présentations étant faites, que dire ? Eh bien pour commencer que cela nous a plu. Nous n’étions pas aussi idéalement placés que la fois passée (au quatrième rang en face les contrebasses), mais cela n’était pas gênant grâce à la qualité acoustique exceptionnelle.

Les chanteurs, certes spécialistes du répertoire de Wagner ont « envoyé » de manière admirable, à un niveau que je n’osais espérer et oserais-je dire à un niveau déjà très difficile à égaler. Et bien que le ténor ait dû être remplacé au pied levé, ces deux là s’accordaient admirablement bien. Elle était extrêmement puissante, sans aigus excessifs. Bref, c’était magnifique et impeccable.

L’orchestre a été également parfaitement au rendez-vous, avec une mesure, une retenue extraordinaire. Je veux dire par là que c’était propre, sans bavure, sans excès de sons « traînants » ou d’effets de styles « langoureux » ou « obséquieux » ou « racoleurs » qui auraient été bien malvenus.

Nous avons été surpris dans La Walkyrie par un instrument imitant le vent qui nous a fait croire un instant que l’on venait de mettre en route la ventilation.

Autre surprise dans Tristan et Isolde quand un hautboïste quitte la scène seul pour aller je ne sais où. Nous comprendrons ensuite qu’il était parti s’isoler quelque part pour aller jouer un morceau en solo avec une virtuosité extraordinaire. Je n’imaginais pas qu’un hautbois pouvait seul être aussi émouvant.

En bref, une belle soirée de musique que nous avons appréciée tous les deux.

20 février 2014

Une bataille gagnée

Longue et dure journée que celle d’aujourd’hui. Presque cinq heures de route pour aller et revenir du fond du département, en comptant les bouchons, surtout ce matin. Sept heures pleines de réunion où il fallait être attentif jusqu’au bout pour éviter qu’un margoulin en profite pour dire des âneries et qu’elles passent pour argent comptant. Je redoutais un peu cette réunion, mais globalement cela s’est bien passé de mon point de vue. Cela dit ce n’est qu’une étape, la guerre n’est pas finie car les forces de la réaction reviendront à la charge lors des prochaines batailles de mai et de juin. J’ai pu m’exprimer sans m’énerver et faire de la pédagogie. Les forces neutres et celles de l’État ont apprécié. L’élu qui présidait les débats a fini par décrocher dans la dernière heure. Il voulait coûte que coûte décrocher des consensus et s’inquiétait qu’on n’y arrive pas. Il ne sait pas encore à quel point je saurai ouvrir de nouveaux fronts la prochaine fois.

15 mai 2014

Hier, c'était concert (3)

Hier soir avait lieu la dernière des quatre représentations des « Must du classique » à l’orchestre national de Lille sous la direction de Fayçal Karoui. L’an dernier, les places pour cette opération où nous avions découvert la nouvelle et fabuleuse salle du Nouveau siècle, étaient très bon marché. Cette année, c’était complètement gratuit. Mardi, Fromfrom y a emmené ses élèves, en même temps qu’elle leur a fait découvrir un peu les vieux quartiers de la capitale régionale. Nous ne connaissions pas le programme à l’avance, d’autant que ce sont les personnes qui réservaient leur place qui choisissaient en partie le programme. Fromfrom est venue écouter le même programme qu’elle avait entendu la veille, et pourtant le chef s’est amusé à nous donner quelques explications en faisant jouer de très courts extraits de thèmes, en faisant jouer les instruments de façon indépendante. De la pédagogie et de l’humour.

Voici le programme auquel nous avons eu droit. Certaines de ces symphonies seront jouées dans leur intégralité par l’orchestre la saison prochaine (une forme de produit d’appel en tête de gondole).

  • Ludwig van Beethoven, Symphonie n° 3 « Héroïque », 3e mouvement
  • Johannes Brahms, Symphonie n° 3, 3e mouvement
  • Arthur Honegger, « Pacific 231 »
  • Piotr Ilitch Tchaïkovski, « Manfred », 2e mouvement
  • Felix Mendelssohn, Symphonie n° 4 « Italienne », 4e mouvement

Cela nous a beaucoup plu. Je ne vais pas commenter ces morceaux. Les cordes étaient au top, brillantes. Je trouve que les cors d’harmonie ce sont particulièrement illustrés, notamment dans l’Héroïque de Beethoven. Mais la grande découverte et très belle surprise fut la « Pacific 231 », du nom de cette locomotive retranscrite dans cette œuvre atypique et fort plaisante. J’ai fait une recherche pour en proposer ici une version qui a priori n’est pas mauvaise et ressemblante à celle que nous avons entendue (d’autres s’en éloignent un peu, je ne sais pas pourquoi).

HONEGGER.- PACIFIC 231

13 avril 2014

Séjour nivernais (1)

Comme je l’avais laissé entendre, j’ai donc passé une partie de la semaine dans le Nivernais occidental. Trois jours pleins pour une formation de sylviculture axée sur la futaie irrégulière de chênes. Une formation, non pas pour une reconversion professionnelle comme cultivateur d’arbres, mais pour mieux comprendre les arguments des sylviculteurs dans le cadre de mon travail. Je pense avoir évoqué à plusieurs reprises les soucis que l’on a avec certains représentants des forêts publique et privée (souvent malhonnêtes intellectuellement) et je suis souvent en première ligne.

Cette formation était axée sur un point particulier : le traitement irrégulier des forêts de chênes, autrement dit le fait d’avoir dans un peuplement forestier, presque en permanence, toutes les classes d’âges d’arbres, du jeune semis jusqu’au très gros bois susceptible d’être exploité. Cela signifie qu’en futaie irrégulière, il n’y a jamais de coupe rase, ni de grande trouée dans la matrice forestière. Il s’agit donc d’un mode d’exploitation qui ne génère pas de « catastrophe », de traumatisme à la forêt comme on l’observe en futaie régulière. Le problème n’est pas le traumatisme en lui-même, car il s’observe d’une manière ou d’une autre dans des forêts naturelles, mais c’est la fréquence de l’événement et la surface sur laquelle cela se produit, bien plus importantes.

Le traitement en futaie irrégulière est un peu plus proche de ce qui s’observe dans la nature, mais n’a néanmoins rien à voir avec une forêt naturelle. En effet, on recherche ici la qualité des bois, et on élimine les arbres brogneux ou mal fichus. On peut conserver des arbres mourants s’ils n’ont pas une grande valeur commerciale (sur pied ou à terre), mais on retire presque tout le bois coupé. On cloisonne le peuplement pour y accéder plus facilement (il vaut mieux cela plutôt que de ne passer jamais au même endroit, surtout sur des sols sensibles au tassement). Comme en futaie régulière, on exploite les arbres quand ils sont sains et de valeur, ce qui fait que l’on coupe rarement des arbres au-delà d’une certaine taille, mais ce mode d’exploitation autorise néanmoins de conserver de très gros bois bien au-delà de la taille d’exploitation. Enfin, ce mode d’exploitation nécessite de fréquents passages en forêt, pour la surveillance, mais aussi pour des interventions et des coupes (tous les 7-8 ans bien souvent), mais l’avantage de cette fréquence est que l’action est très peu traumatisante, y compris d’un point de vue paysager.

Je considère que ce mode de sylviculture reste « intensif », et à conditions environnementales équivalentes par ailleurs, très intéressante sur le plan économique : revenus bien moins importants que lors d’une coupe rase, mais ils sont réguliers et cela nécessite peu d’investissements en travaux car on laisse davantage faire la nature. Certains traitements en futaie irrégulière peuvent donc être assimilés à l’équivalent de l’agriculture biologique. Cela nécessite néanmoins des compétences différentes pour les gestionnaires forestiers (mais également chez les propriétaires et les bûcherons). Des compétences différentes et j’irai jusqu’à dire supérieures (ou oubliées), comme en agriculture biologique.

On l’aura deviné, même si cela ne représente pas l’idéal forestier absolu, je suis favorable depuis longtemps à la futaie irrégulière comme mode d’exploitation sylvicole, et je voulais en savoir plus. Car cette sylviculture reste très peu pratiquée, surtout dans certaines régions et avec certaines essences. Dans le nord de la France, lorsque j’ai osé prononcer les mots « futaie irrégulière » avec les responsables de la forêt publique ou privée, je me suis presque fait insulter, ces derniers n’hésitant pas, comble d’hypocrisie, à avancer un argumentaire de biodiversité. Évidemment, en futaie irrégulière, il y a peu (pas) d’espèces de milieux ouverts ou de coupes forestières : quel scoop, quelle mauvaise foi !

A suivre.

15 février 2014

Plaisirs d'enfance

A la suite de Calyste et de Plume, je me lance dans cet exercice. Voici une liste non exhaustive mais importante.

  • Partir chez le père d’un ami d’enfance de mon père, lui-même un ami, pour aller ramasser des cerises. Grimper dans les arbres pour croquer ces fruits merveilleux.
  • Aller passer une journée ou deux à la ferme de mes oncle et tante avec mes cousins, parmi veaux, vaches, cochons, poules, lapins, fumier, foin, paille, pâture, moissons…
  • Aller me promener avec ma grand-mère maternelle (seul ou avec mes cousins) et ramasser des bouquets de fleurs sauvages des prairies, pelouses, talus, friches, bords de champs et des lisières forestières.
  • Le puissant parfum de l’immense et vieux rosier du jardin de mes grands-parents.
  • Arriver en vacances à A., pour retrouver la vieille maison avec son atmosphère si caractéristique et retrouver là-bas des gens à l’accent si particulier et heureux de nous revoir.
  • Mettre ma main dans l’eau de l’étang quand la barque emmenée par ma mère glissait sur le miroir.
  • Aller à l’étang embêter les têtards et les grenouilles et faire en sorte de faire passer l’eau systématiquement au dessus des bottes.
  • Pêcher sur l’ancien embarcadère de l’étang et attendre que cela morde en contemplant le reflet des arbres et prendre un beau poisson au moment où on s’y attend le moins.
22 mars 2014

Revue des troupes en présence

Contrairerement aux élections municipales précédentes où il n’y avait que deux listes concourant pour le poste de maire, il y en a quatre cette fois. Et surtout, si la campagne avait été presque silencieuse, sans grand enthousiasme en 2008, les tracts pleuvent cette année, s’enchainent à une fréquence incroyable. Et des dépliants détaillés.

Il y a un candidat qui s’est trompé d’élection puisque sa propagande ne parle que d’enjeux nationaux, comme le front dont il est issu. Je pense que le nom de la commune n’est jamais cité dans aucun de ses torchons (oui, j’ai eu le courage de parcourir les âneries de ce jeune tête à baffes qui doit avoir un cerveau bien plus insignifiant que celui d’une linotte pas mélodieuse du tout).

Un autre candidat qui se présente comme d’opposition municipale, comme si sa vocation était effectivement de rester dans l’opposition. C’est effectivement le bord divers droite du maire d’avant 2008, qui avait fait s’endormir la ville. Rien de bien enthousiasmant ni d’original.

Le troisième candidat se dit sans étiquette. Et effectivement, il n’y a rien de clairement et bêtement partisan. Il ne s’agit pas d’une candidature fantaisiste et comporte des éléments intéressants. Et chose rare, on n’y a lu aucune critique de l’équipe sortante ou de ses actions.

Le maire sortant, élu pour la première fois en 2008 et devenu député depuis 2012, ne se représente pas comme maire, mais restera élu municipal. J’ai appris hier que son fils ne m’était pas inconnu puisque je travaille un peu avec lui, car il est fonctionnaire à la Région. Il faut dire que son patronyme n’est pas rare dans le coin. Bien que pas complètement à mon goût, il s’agit bien de la candidature la plus intéressante et la plus crédible.

Aux élections présidentielles de 2012, l’extrême droite avait fait des scores assez considérables dans les villages de Flandre et était parfois en tête. C’est bien entendu extrêmement inquiétant de connaître le taux global d’abrutis qui peuple le coin. En ville, c’est moins clair, mais le parti de l’intolérance avait néanmoins fait des scores très importants. Certes, les élections locales ne résonnent pas de la même manière que les scrutins nationaux. En France, il y a seulement 600 communes (sur 36 000) où l’extrême droite présente des candidats, dont chez nous et dans la commune où je travaille. En tout 56 communes dans les deux seuls départements de la région, principalement dans le bassin minier (ce qui est plus « compréhensible », même si cela reste tout autant inquiétant). Ce n’est certainement pas par hasard.

12 octobre 2014

Brèves cornusiennes (30)

Ce jeudi, je participais à une réunion impliquant administrations d’État et élus au sujet d’un futur ouvrage d’écrêtement des crues. Le sous-préfet de D. présidait la réunion. C’est un petit homme, barbu, tout blanc capilairement parlant et qui semble probablement plus âgé que son âge calendaire. Il ne connaissait manifestement pas son dossier et visiblement, personne ne lui avait expliqué tout les tenants et aboutissants. Il a donc posé des questions à côté de la plaque pour « bien comprendre ». Renseignement pris auprès d’un collègue, il semble être régulièrement à côté de ses pompes. Le président du syndicat de rivière local a changé. L’ancien n’était probablement le mieux que l’on puisse rêver, mais il connaissait bien ses dossiers et de manière très concrète. L’actuel m’a semblé techniquement assez dépassé et assez théorique dans sa prise de parole. Comme ils n’étaient pas en mesure de comprendre exactement ce que ma structure faisait dans cette galère (c’est eux qui nous avaient sollicités), j’ai dû prendre la parole à deux reprises pour expliquer le travail que nous menions et là où nous comptions en arriver.


Cet après-midi, j’ai planté pas moins de 156 bulbes de jonquilles, jacinthes et tulipes. J’ai eu la main lourde sur ces dernières, n’ayant vu qu’après coup que parmi elles, j’avais acheté un sachet deux fois plus gros que prévu. C’est pas grave, comme Karagar et Plume adorent ça, je leur en ferai de beaux bouquets ! ;-)

16 septembre 2014

Louvre-Lens estival (3)

On poursuit avec la guerre d’Espagne.

Robert Capa, Mort d’un soldat républicain près de Cordoue, Espagne (5 septembre 1936), épreuve gélatino-argentique. On pense que cette photo, particulièrement célèbre et reproduite, a probablement été posée. Je l’avais appris peu de temps avant de la voir.

 

André Masson, La gloire du général Franco (1938), plume et encre de chine sur papier vergé.

 

Seconde Guerre mondiale.

Édouard Goerg, Le Parachutiste bonne année (1939-1940), huile sur toile.

 

Markus Lüpertz, Exekution [Exécution] (1992), huile sur toile, métal. Encore une œuvre qui rappelle clairement celle de Goya.

 

Marie Cerminova dite Toyen, Cache-toi guerre ! (publication en 1944-194?), série de 9 dessins.

 

Arie Van de Giessen, Buchenwlad (1945), crayon sur papier.

 

Raymonde Thys, Première mouche en cellule (1946), gravure sur cuivre.

 

Guerre d’Algérie.

Jean-Jacques Lebel, Enrico Baj, Guðmundur Guðmundsson dit Erró, Roberto Crippa, Gianni Dova, Antonio Reclati, Grand tableau antifasciste contre la torture (exposé en 1961 à Milan), technique mixte sur toile. Le tableau a été immédiatement censuré par les autorités italiennes et n’a été rendue à ses propriétaires qu’en 1987.

 

André Fougeron, Sakiet – Étude [pour le massacre de Sakiet Sidi Youssef] (1958), huile sur toile.

 

Guerre du Vietnam.

Guðmundur Guðmundsson dit Erró, Goodbye Vietnam [Au-revoir Vietnam] (1975), huile sur toile.

 

Guerres de notre temps.

Robert Combas, Terrible feu d’artifice (2004), acrylique sur toile.

 

Hors champ.

Rudolf Schlichter, Blinde Macht [Puissance aveugle] (1937), huile sur toile.

 

Voilà pour l’exposition temporaire, très riche en réalité, et qui, je le répète, n’a pas été sans nous émouvoir.

28 novembre 2014

Manichéismes

Quoi de plus laid qu’une friche sur remblais industriels ?

Quoi de plus beau qu’une friche sur les sables ligériens ?

 

Quoi de plus laid qu’une pelouse calaminaire à Armérie de Haller ?

Quoi de plus beau qu’une pelouse à Armérie maritime d’une falaise armoricaine ?

 

Quoi de plus laid qu’un terril conique de schistes noirs de froid ?

Quoi de plus beau que les collines du Pilat baignées de douceur ?

 

Quoi de plus laid qu’un bord de route poubelle aux abords de Lille ?

Quoi de plus beau qu’une berme routière tourangelle à orchidées ?

 

Quoi de plus laid qu’une peupleraie plantée sur une prairie humide de fauche ?

Quoi de plus beau qu’une hêtraie à jacinthes ?

 

Quoi de plus laid qu’une haie de thuyas coupée au cordeau ?

Quoi de plus beau que les haies vives du bocage berrichon ?

 

Quoi de plus laid que la raffinerie de pétrole du Havre ?

Quoi de plus beau que les forges de Buffon ?

 

Quoi de plus laid que le plan d’eau croupie de la zone commerciale ?

Quoi de plus beau que le doux miroir de l’étang du Dragon terrassé ?

16 mars 2014

Stagiaire Cornus

Il y a quelques temps, j’avais parlé des stagiaires « directs » et de longue durée que j’avais eus. J’aborde cette fois le cas du stagiaire Cornus.

De mon temps, contrairement à la pratique actuelle, il n’y avait pas de stage de découverte en entreprise. Donc, je n’ai jamais véritablement mis les pieds dans une entreprise en dehors de celles de mes parents. Ma mère, après avoir travaillé dans la même société que mon père en tant qu’infirmière du travail et avoir été mise au chômage suite à des réductions d’effectifs, a terminé sa carrière dans une maison de retraite communale médicalisée. Ma mère a toujours refusé que je fasse des « jobs » d’été dans l’entreprise paternelle, tant elle connaissait les risques qui n’avaient rien de théoriques (le nombre d’accidents qui s’y produisait était impressionnant et surtout parfois extrêmement graves, sans parler des morts).

Après le bac, je n’ai rien fait. L’année suivante (bac + 1) sans stage obligatoire, je n’ai rien fait non plus. J’ai utilisé mon été à me faire opérer des ongles (pas si bénin que ça, d’autant que ça a duré) et à confectionné mon premier et seul herbier qui nous était réclamé. Je n’ai pas eu la meilleure note d’ailleurs, mais seulement la seconde, certes de peu. Je m’étais fait doubler par un de mes camarades qui avait passé l’été à herboriser dans les Alpes. L’année suivante, ce jeune présomptueux fut remis à sa place dans tous les compartiments du jeu végétal.

Mon premier stage obligatoire pour l’obtention de mon Diplôme universitaire de technologie fut à l’Institut Pasteur de Lyon (IPL) lorsque celui-ci se trouvait, dans un bâtiment moderne et assez haut de gamme non loin de la halle Tony Garnier. Je travaillais sur des petites daphnies, ces êtres crustacés planctoniques. Une bestiole, Ceriodaphnia dubia, qui adulte ne dépasse guère un millimètre dans sa plus grande dimension. Je travaillais en écotoxicologie, pour tester des milieux d’élevages et surtout des produits en toxicité chronique : inhibition de la reproduction. Je ne rentre pas dans les détails scientifiques et techniques, ce n’est pas la question.

Je travaillais avec l’ensemble des autres techniciennes (que des femmes) au sous-sol, dans une atmosphère et une lumière complètement et rigoureusement contrôlées. Au plus chaud de l’été en sortant le soir de ma serre à endives, j’étais saisi par la chaleur et la vivacité de la lumière. J’étais un véritable petit rat de laboratoire. Mes collègues avaient presque toutes un bac + 2, mais je dois dire qu’en  trois mois de stage, j’avais fait le tour de la question et je pense qu’en moins d’un an, j’aurais fait le tour de toutes les questions du laboratoire. Il faut dire qu’à un poste de laborantin de ce niveau, on est un « simple » exécutant. A l’époque, je n’avais pas encore de certitude sur mon avenir, mais ce stage m’a ouvert les yeux : je n’aurais pas été longtemps heureux dans un poste similaire, qui de plus, tout bien réfléchi, n’était pas (plus) à la hauteur de mes ambitions.

La maître de stage, la chef du labo, avait son bureau à part, à la lumière. Elle était pourtant petite et menue et avait le même teint que les endives. C’était une bosseuse, discrètement souriante, mais qui ne riait pas tous les jours. Vu avec le recul, elle était rentrée dans la science laborantine comme on entre religion. Mais je dois dire que c’était quelqu’un de bien. Au sein de l’IPL, c’était du sérieux et on y était quelque peu coincé. Et je n’ai jamais tapé la discute avec le directeur de département et jamais vu le directeur général. Un système très hiérarchisé où on ne se mélange pas. Même à l’époque, cela m’avait un peu chagriné.

La soutenance de stage avait été mon premier véritable grand oral. Mon travail avait été loué et j’avais eu de bonnes notes. Cela n’a pas été sans m’encourager et me donner confiance pour la suite.

A l’occasion de ma troisième année post-bac, pas de stage obligatoire, mais la volonté tout de même de tester un nouvel organisme. Ce fut donc le Mus*é*um d’hi*sto*ire natu*relle d’Au*tun pour un peu plus d’un mois. Il était dirigé par une forte personnalité chaleureuse et sympathique. Il m’avait confié un inventaire des haies de la commune à partir de photos aériennes. Comme j’avais fait le travail à une vitesse qu’il ne s’était pas imaginée, il m’avait demandé de faire des synthèses sur la faune dont les oiseaux (pauvre de moi) et j’avais aussi réalisé des inventaires floristiques sur de petits sites. Il m’avait demandé d’assister une stagiaire (en stage obligatoire de bac + 2) pour ses inventaires floristiques. La pauvre ne reconnaissait pas trois plantes sur le terrain. Avec la super voiture de service, je n’avais pas le droit de sortir de la commune pour des raisons d’assurance. Il s’agissait d’une vieille Acadiane (une 2 CV fourgonnette) à trois vitesses au tableau de bord. Une fois, revenant du terrain alors que l’orage menaçait, la conductrice a calé en ville au feu rouge : le moteur était noyé au sens propre et au sens figuré. Je m’étais bien amusé pendant ce stage. J’avais fait aussi une après-midi et une première partie de nuit de chasse aux papillons à quelques dizaines de kilomètres de là en compagnie de l’un des meilleurs spécialistes français de la question. Un type incroyable, auteur de deux thèses sur le sujet, électron libre de l’entomologie, d’une extrême orthodoxie scientifique, aigri et vivant de petits boulots dans son domaine (encore aujourd’hui). Au retour de la chasse de nuit, avec la fameuse Acadiane, il se mit à dériver sur la voie de gauche car il s’endormait. Pour le reste du chemin, inutile de dire que je l’ai surveillé de près. A d’autres reprises durant le même été à l’occasion de l’étude qu’il menait, il avait quand même réussi l’exploit de faire deux excès de vitesse avec l’Acadiane (c’était en 1993, il n’y avait pas de radars automatiques). Je suis resté en bons termes avec le conservateur et surtout celui qui lui a succédé que je revois périodiquement.

L’année suivante, c’était plus sérieux : un stage obligatoire d’un peu plus de trois mois à l’occasion de ma Maîtrise de sciences et techniques. Je l’ai réalisé à la Direction départementale de l’Équipement de la Loire à Saint-Étienne (actuellement Direction départementale des Territoires). J’étais dans un service qui s’occupait notamment d’aménagements, d’assainissement, d’hydraulique et de contrats de rivières, notamment celui du Gier qui m’avait amené jusque là.

Mon maître de stage était le chef de service (un important service), mais j’étais affecté dans une cellule dirigée par un jeune ingénieur, que je voyais peu car il suivait de près (sur le terrain) plusieurs importants chantiers simultanés sur l’Ondaine (le nom d’une autre rivière, car je pense que cela ne parlera qu’à Calyste). Au jour le jour, j’étais en interaction avec un jeune technicien (jeune, mais bien sûr moins que moi à l’époque, évidemment) avec lequel je m’entendais bien et que j’avais impressionné.

C’était une époque à laquelle on fumait encore dans les bureaux et je témoigner que c’était terrible, car il y avait quand même trois ou quatre fumeurs dans l’ensemble de bureaux. Le matin en arrivant, mon premier travail était d’ouvrir les fenêtres au grand large avant que le jeune technicien en question n’arrive (son bureau était en face du mien).

Dans cette cellule, il y avait aussi une « vieille » secrétaire qui avait déjà plus de 60 ans, mais n’avait pas encore ses années pour partir. C’était une dame charmante, soucieuse de bien faire, qui s’était mise à l’informatique avec courage. Je l’aimais bien. Elle avait tapé une bonne partie de mon rapport de stage et elle avait beaucoup aimé le faire (le texte lui plaisait, car cela changeait de ce qu’elle tapait habituellement). Il y avait aussi deux dessinateurs et deux autres techniciens. Un des dessinateurs et le jeune technicien mangeaient systématiquement avec moi. Après une phase d’observation et m’avoir testé, en s’assurant probablement de ma discrétion auprès des chefs, ils en étaient arrivés à m’offrir presque systématiquement l’apéritif au bistrot le midi avant d’aller au restaurant administratif. Il y a des choses que l’on ne peut pas refuser, surtout quand l’intention est généreuse. Ils n’ont jamais voulu que je paye ma tournée. Il faut dire que je n’étais pas rémunéré. En dehors de la première partie de mon stage, il y avait encore un peu de boulot (je pèse mes mots), mais à partir de fin juin, c’était vacances pour eux alors qu’ils n’y étaient pas encore. La perruque foisonnait dans tous les coins, mais surtout, en l’absence de la secrétaire, on se relayait sur son ordinateur pour faire des parties effrénées de Solitaire (le chef n’était presque jamais là, comme je l’ai dit). Les deux vieux techniciens et les dessinateurs commençaient le travail tôt le matin (7 h ou 7 h 30). Le plus gros du travail consistait, dès leur arrivée, à lire le journal, plus ou moins à tour de rôle, en commençant d’abord par les gros titres. Puis, il était question de travailler (ben oui, quand même, mais il fallait pas se casser l’os du foie et ne pas risquer le surmenage). Vers 10 h ou 10 h 30, c’était la pause café, et à cette période de l’année, elle pouvait facilement durer trois quart d’heure à une heure, en faisant des haltes et en tapant la discute aux différents étages. Ne généralisons pas, tout le monde ne faisait pas ça, à commencer par « mon » jeune technicien. Ensuite, il fallait finir de lire en détail le journal. Il était alors l’heure d’aller prendre l’apéritif. Souvent, durant la pause, on « oubliait » de dépointer. L’après-midi, on bossait quand même un peu. Un peu, car les bons jours, l’ordinateur de la secrétaire chauffait. Comme ils avaient commencé tôt le matin, ils ne finissaient pas tard l’après-midi, voire carrément tôt. Je me demande ce qu’ils avaient boutiqué. L’un des techniciens au moins partaient en voiture DDE pour rentrer chez lui (il habitait assez loin), alors qu’il n’avait rien de spécial à faire sur le terrain ou sur un chantier. C’était peut-être autorisé, mais cela continue de me défriser. Pendant ce temps là, je faisais mon boulot. Une fois, comme je n’avais pas le droit de conduire un véhicule DDE moi-même, j’ai demandé à ce qu’un dessinateur m’emmène en réunion ou sur le terrain. On m’a accordé cette faveur une fois, mais la fois suivante, on m’a dit : « j’ai du boulot, Machin m’a demandé de faire ça, je ne peux pas ». Tu parles, Charles, il y avait tout au plus deux heures de boulot pour la journée où mon homme s’était déclaré débordé. Et de fait, j’ai été obligé d’utiliser ma voiture personnelle pour faire mes investigations sur la rivière objet de mon stage. Le grand chef n’était pas dupe de l’oisiveté qui régnait dans une partie de son service et il aurait souhaité y mettre de l’ordre avant de passer la main et d’être muté dans un autre département pour se rapprocher de sa famille. C’était un vrai daltonien qui écrivait et signait en vert, dandy, adepte d’Yves Saint-Laurent, inondé de parfum (lui serrer la main le matin transmettait l’odeur pour la journée). Je m’entendais bien avec lui. C’est d’ailleurs moi qui lui avais dicté mon sujet de stage (en fonction du problème qu’il avait à traiter, bien sûr). Il avait relu mon mémoire avec attention et lors de la soutenance, le peu de bien que la présidente du jury (une garce incompétente et frustrée) avait trouvé à dire n’était autre que ce que mon maître de stage lui avait expliqué. J’ai déjà raconté un peu cette soutenance de stage, et je n’ai toujours pas digérée ma note d’oral, qui n’était pourtant pas mauvaise. Comment peut-on juger ce qu’on ne comprend pas ? Comment peut-on contredire les autres membres du jury, qui affirmaient que je n’étais pas mauvais et à l’aise à l’oral en disant que je donnais l’impression de l’être, mais qu’en réalité je ne l’étais pas du tout ? Elle qui était quand même d’une nullité achevée à l’oral (en cours) et qui a fini par décrocher sa thèse par protection.

J’avais travaillé pour de vrai entre temps, mais mon dernier stage, qui ressemblait encore à peu près à un stage fut celui de mon Diplôme d’études approfondies, pour lequel l’établissement public auquel j’étais administrativement  rattaché (Age*nce de l’E*au Loi*re-Bre*ta*gne) me servait une indemnité de stage, royale pour l’époque, puisque cela équivalait à 90 % du SMIC. Un stage de sept mois à Orléans, avec une personne qui allait beaucoup compter et avec laquelle j’avais déjà tissé des liens amicaux durant l’année précédente et avec laquelle j’allais travailler les années suivantes. Rien de spécial à dire, tant ce stage était sur mesure, axé sur la végétation du fleuve royal. L’autre maître de stage, universitaire cette fois, était un professeur de l’université de Grenoble, et qui lui, avait fait de mémorables travaux sur la végétation du Rhône. Mon objectif était de tenter de commencer à faire la même chose sur la Loire, cependant avec beaucoup moins de moyens. Cela irait mieux ensuite avec ma thèse. Pas d’anecdote particulière à conter si ce n’est le directeur de la petite structure où je travaillais, très catho, qui respectait le Carême en s’abstenant, entre autres (mais je n’en ai pas la preuve), de boire du café le matin et à midi jusqu’à Pâques.

Publicité
Publicité
Cornus rex-populi
Publicité
Derniers commentaires
Publicité