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Cornus rex-populi

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3 juillet 2008

Cheminée fleurie

Madame Fromfrom est une instit extrêmement mal aimée de ses élèves. C’est pourquoi, pour la fin de l’année, au moins vingt élèves (et leurs parents) lui ont fait un cadeau. En voici un échantillon (incomplet) devant notre cheminée. Comme nous devrions partir en vacances samedi, qui va arroser les fleurs ?

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1 juillet 2008

Grand non-concours de l'été 2008

Il ne s'agit pas là d'un nouveau concours, mais de photos de plantes en fleurs prises que pour les yeux. Par conséquent, cette fois, je ne donnerai pas le nom des espèces. Je ne dirai rien, même sous la torture la plus abominable que les lecteurs pourraient imaginer.

Enfin, on peut quand même jouer, je dirai juste si c'est juste ou faux.

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30 juin 2008

Modeste entrée en matière

Le Sieur Karagar m’a demandé des photos, alors je vais commencer, modestement, à en délivrer quelques-unes.

En premier lieu, il convient de revenir sur un épisode précédent, lorsque après avoir signé la vente chez le notaire, nous avions fêté cela le lendemain (à notre ancienne adresse) : des brochettes de Saint-Jacques arrosées d’un crémant de Bourgogne.

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Puis, le lendemain encore, une charlotte au chocolat. Le tout, bien sûr, magnifiquement concocté par Madame.

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Je livre quand même ce soir deux photos de notre nouveau logis que je viens de prendre. A commencer par un « vitrail », sorte de puits de lumière de la cuisine. Je sais, c’est plutôt moche.

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La seconde, du jardin où Madame K remarquera que le fer à cheval a disparu, et pas de mon fait : les anciens propriétaires ont dû le juger trop précieux.

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29 juin 2008

Fin de déménagement

Le déménagement est donc terminé. Mardi, j’avais passé ma journée à emballer des cartons, à en devenir dingue. Je les avais empilé jusqu’au plafond et malgré ça, on avait du mal à circuler dans l’appartement. Cette même journée, se déclarait un incendie dans un collège à deux pas : sirènes de pompiers toute la matinée jusqu’en début d’après-midi (une des rues principales de la ville est d’ailleurs bloquée compte tenu des risques d’effondrement, à mon avis exagérés).

Mercredi, l’arrivée des déménageurs étaient programmés à 8 h, mais compte tenu des travaux sur la route et de la déviation fort mal conçue pour cause de collège incendié, ils arriveront avec ¾ d’heure de retard. Ils arrivent à 3 au lieu de 4 : j’explique au téléphone le chemin pour que le quatrième arrive jusqu’à nous. Après ça, on ne s’occupe plus de rien, sauf de répondre aux questions diverses. La table de salle à manger ne passe pas par la porte : il faut démonter les roulettes que j’avais montées a posteriori. Pas d’outils chez les déménageurs : Heureusement, j’ai tout ce qu’il faut. Je précise que le démontage/remontage de certains meubles comme le lit et les armoires faisait partie de la prestation, et ils le feront d’ailleurs ensuite, avec succès. Ils se chargent aussi d’emballer le fragile (dont la vaiselle). Bref, tout s’est bien passé.

Pour le lieu de destination, la mise en place des meubles et des cartons a été plus rapide. Pour le remontage, j’ai mis un peu la main à la pâte. Bien que je n’aie quasiment rien porté, j’étais néanmoins épuisé en fin de journée. Le déménagement d’il y a deux ans avait été déjà un supplice et comme là, nous sommes beaucoup plus équipés qu’auparavant, j’avais considéré que c’était une mission impossible sauf à emmerder des gens sur 2 jours complets, sans compter les risques de casse…

Après une première nuit passée dans notre nouveau domicile, jeudi matin, j’emmène S. en concours sur le campus de la faculté des sciences lilloise. Bien que partis de bonne heure, nous tombons sur des bouchons et je crains que nous arrivions en retard, mais l’expérience que j’ai de ces bouchons me fait dire que ça devrait aller. S. arrive avec 15 min d’avance mais sur le lieu de concours, une annonce faite au dernier moment indique qu’il faut se présenter 15 min avant, ce qui ne figurait pas sur la convocation. Il y a des claques qui se perdent !

Retour à domicile, et alors que S. retourne à l’école, je passe l’après-midi à nettoyer et remettre en ordre l’ancien appartement : 7 h de boulot ! Je fignolerai le vendredi.

Samedi matin, nettoyages et pose de meubles au nouveau domicile. Samedi après-midi, achat d’accessoires, notamment à caractère électrique.

Bref, une semaine bien remplie qui ne ressemblait pas vraiment à des vacances. Mais dans une semaine, je serai de nouveau en vacances, alors je ne me plains pas. En attendant, il va falloir que rangions et que nous apprivoisions un peu plus notre maison, et cela ne sera pas sans plaisir.

28 juin 2008

Connexion rétablie

Les Messieurs du téléphone nous ont fait peur car jeudi, ils nous affirmaient que cela devait fonctionner et rien n'allait. Ils devaient passer lundi. Et hier, je constate que finalement ça marche. Hier matin, on nous annonce que l'ADSL devrait fonctionner. Mais ça ne marche pas. Mais je reçois dans l'après-midi un message qui dit que l'ADSL fonctionne. Et ce matin, je constate qu'ils n'avaient pas tort. J'ai l'impression qu'ils font juste des effets d'annonce pour dire que ça va marcher. Enfin, ça a été plus rapide que la dernière fois : 3 jours au lieu d'un mois. A bientôt (pas immédiatement, ce n'était qu'un effet d'annonce de mon retour, j'ai plein de choses à monter).

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23 juin 2008

Déménagement

Pour cause de déménagement, notre connexion internet risque désormais d'être coupée à tout moment, pour un temps indéterminé (15 jours maxi m'a-t-on promis, mais je suis extrêmement méfiant). Et si ça dure trop, c'est aussi que nous pourrions être partis en vacances.

A très bientôt.

22 juin 2008

Le Cépiau (4)

En ce matin de mai, le jour se levait à peine dans la vallée, entièrement baignée d’une brume épaisse. Seuls le Laré, le Mizieux et au loin, la silhouette du Bois du Roy émergeaient de ce voile de ouate inconsistante. Ces monts, assombris par les sapinières et autres pessières sommitales, imposaient une ambiance austère et lugubre à cette scène alluviale. Après le méandre, la rivière s’élargissait, courrait sur radier de galets et de graviers avant d’entamer une chute, provoquant en aval une vaste mouille ombragée par une ripisylve dominée par les frênes1 et les chênes2.

Encore blottie sous une souche d’aulne3 où elle avait passé la nuit, la truite4 alla se dégourdir les nageoires. Elle fit le tour complet de la mouille et de ses annexes, ne dédaigna pas un traîne-bûche5 pour se mettre en appétit. Ayant terminé l’inspection de son territoire, la mouchetée alla se poster face à la cascade. Elle était de taille honorable, dans la pleine force de l’âge et affronter les pires tourbillons, remous, vortex et autres bouillonnements du courant ne l’impressionnait guère, d’autant que la belle avait trouvé un lieu idéal derrière une grosse pierre où comme par magie, le courant s’annulait. Elle était donc positionnée dans l’un de ses postes de prédilection où elle pouvait, dans un confort certain, attendre la manne d’éphémères qui n’allait pas tarder à se manifester. Le festin matinal allait donc pouvoir commencer.

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Le soleil commençait à envoyer quelques rayons derrière le Mizieux. Au fur et à mesure qu’il montait sur l’horizon, la brume qui pesait parmi la vallée se réduisait comme si l’astre du jour venait rétablir l’ordre que les démons de la nuit étaient venus mettre à mal. Les gouttes de rosée perlaient au soleil, reflétant à la fois la silhouette conique des houppiers d’aulnes et les panicules rassurantes des vulpins6. Un chevreuil, qui avait passé une bonne partie de la nuit à brouter parmi les prairies du comte, terminait son dessert de jeunes pousses des fayards7 qui se risquaient dans un pian qui prolongeait le versant de la grande forêt. Maintenant que la lumière n’était plus suspecte de la présence de spectres fugitifs alliés, il lui fallait penser à s’éclipser en regagnant le cœur de la forêt, mais les jeunes pousses sucrées et fermentescibles l’avaient enivré. Aussi, lorsqu’il eut enfin décidé d’aller se mettre à couvert, ses bonds quelque peu désordonnés et sa lucidité altérée par son ivresse ne lui permirent pas de remarquer la présence du collet qui l’étouffa dans un râle de désespoir qui résonna jusqu’à la Forêt de Glenne.

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La truite, d’habitude si rusée, méfiante, goûtant tout avant de se décider à avaler, vit enfin arriver les éphémères dont elle se gava avec une délectation non mesurée. Quelques mètres plus haut, venait de se poser à la surface de l’onde, une espèce particulière de mouche de mai. Aussitôt, l’insecte se mit à dériver librement dans la veine de courant, et malgré les perturbations chaotiques diverses du courant, elle arriva exactement en face de la pierre qui ornait le fond de la mouille. La mouchetée, à qui rien n’échappait, l’avait vue venir. Elle lui paraissait d’une taille supérieure à ses congénères, mais il lui fallait profiter en toute hâte de cette manne exceptionnelle. D’un coup de nageoire caudale fulgurant, elle décolla du fond pour bondir sur la proie, sortant à moitié de l’eau pour l’occasion. Elle se saisit de l’éphémère avec une vigueur incroyable. Mais à cet instant précis, alors qu’elle s’apprêtait à l’engloutir, une résistance se fit sentir, comme si l’insecte voulait lui échapper. Alors qu’elle cherchait à regagner le fond au plus vite, la résistance se fit plus forte encore et elle ressentit une forte douleur dans la mâchoire. Elle comprit vite qu’elle était perdue et qu’il lui fallait trouver une parade au plus vite. Avec la célérité de l’éclair, elle se rua vers l’aval dans la plus forte veine de courant, démultipliant ainsi sa force. Ce fut une réussite, la résistance était devenue bien moindre. Mais le répit fut bref et elle ressentit à nouveau une violente traction de l’amont. La truite eut donc moins d’une fraction de seconde pour tenter de rejoindre son abri sous l’aulne où elle pourrait à loisir se défaire de sa laisse en faisant quelques tours morts autour des racines. Elle progressait donc lentement vers sa cache, mais la résistance était terrible et les forces commençaient à lui manquer. Voyant qu’elle ne pourrait jamais atteindre son objectif, elle décida d’un coup d’éclat pour tenter de détourner l’attention. Au lieu de tirer dans le sens où on voulait l’empêcher d’aller, elle rendit du mou, effectuant un saut splendide hors de l’eau avant de replonger rageusement en direction des remous les plus terribles sous la cascade.

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A cet instant, on entendit une clameur monter parmi les feuilles d’aulnes et de benoîtes8. Cette clameur, c’était un juron du Cépiau. Jusqu’à présent, rien ni personne n’avait pu soupçonner sa présence. La situation était suffisamment délicate pour qu’il s’autorise à quitter son poste pour rejoindre la berge en contrebas de la chute d’eau. La truite était d’une taille assez exceptionnelle et se défendait avec une vigueur inhabituelle. Et voilà qu’elle était littéralement collée au fond. Elle pouvait à tout moment rompre la ligne en érodant le fil de nylon le long des pierres. A force de tirer sur la gaule, le Cépiau finit quand même par ressentir de lourds mouvements de fond qui augmentait d’amplitude. Un nouveau départ sournois dans le courant se produisit. Le Cépiau laissa filer avant de contrôler le mouvement avec une vigueur autoritaire. Il décrocha alors son épuisette raquette et malgré des débats et autres nouveaux essais de fuite, il réussit enfin à diriger le poisson vers l’engin qui allait la mettre au sec.

Malgré ses nombreuses expériences passées, le Cépiau ne se lassait jamais de ses poussées d’adrénaline lorsqu’on ignore jusqu’au dernier moment si sa proie, dans un dernier sursaut ou une ultime ruse, va lui échapper ou non. La mouchetée rejoignit ses congénères dans le panier d’osier, mais comme elle en dépassait assez largement, il la disposa sur un lit de fougères9 dans sa poche dorsale. Il ramassa le chapeau qu’il avait perdu dans la bataille et dit : « Toi, ma carne, tu m’en a fait baver. Depuis le temps que je te convoitais. Tu m’as obligé à me lever depuis Saint-Patriare-Jacquet10 et tu m’as tombé le chapeau. Tu finiras donc en filets pour le repas de dimanche ».

A suivre.

1 : Fraxinus excelsior L. (Frêne commun)

2 : Quercus robur L. (Chêne pédonculé)

3 : Alnus glutinosa (L.) Gaertn. (Aulne glutineux)

4 : Salmo trutta Linnaeus, 1758 (Truite commune), souvent dénommée Truite fario, il s’avère que les truites de rivière (fario), de mer ou de lac, appartiennent à la même espèce et ont le même patrimoine génétique. Les différences morphologiques ne correspondent qu’à des formes liées à leur habitat, à leur lieu de vie, à leur caractère migratoire optionnel.

5 : larve d’insecte de l’ordre des Trichoptères (phryganes), dont la plupart portent un fourreau plus ou moins cylindrique à conique, fait de débris organiques ou minéraux dans lequel ils s’abritent. On les appelle aussi porte-bois ou porte-faix.

6 : Alopecurus pratensis L. (Vulpin des prés)

7 : Fagus sylvatica L. (Hêtre)

8 : Geum rivale L. (Benoîte des ruisseaux)

9 : Athyrium filix-femina (L.) Roth (Fougère femelle)

10 : potron-minet, très tôt le matin, avant la pointe du jour

20 juin 2008

Propriétaires !

Ce soir, nous avons mis un point final à la procédure d’acquisition de notre nouveau logis : joyeuse « cérémonie » de signatures chez le notaire et remise des clés. Nous sommes désormais propriétaires, état dont nous ignorions tout jusqu’à présent et que nous avions encore du mal à concevoir il y a encore quelques mois. Notre approche en vue de l’achat a été globalement assez pragmatique eu égard à nos possibilités financières. Durant toute la démarche, nous n’avons pas voulu nous enthousiasmer trop vite afin d’éviter les éventuelles déconvenues ultérieures. Mais ce soir, c’est avec beaucoup de lucidité que nous voyons les choses. Nous attendons le week-end pour le fêter dignement. En attendant, voici une photo de le la première fleur de la seconde floraison de l’orchidée de mars 2007. Nul doute qu’elle saura se plaire dans la nouvelle maison.

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15 juin 2008

Le Cépiau (3)

Le Cépiau avait hérité de son père toutes les ruses, toutes les astuces de la braconne. Du vivant de son père, ils avaient berné la maréchaussée à plusieurs reprises. Il se souvenait souvent de cette fois où traquant les lièvres sur les terres enneigées du comte, ils avaient utilisé des chaussures à semelles inversées. L’adjudant Emmanuel s’y était cassé les dents et s’était juré de ne plus jamais se faire avoir. Seulement voilà, les Raboliots frappaient toujours là où on ne les attendait pas, et surtout, c’était de vraies anguilles insaisissables. Emmanuel dut se contenter de vulgaires seconds couteaux du braconnage. C’est vrai qu’en ce temps là, nombreux étaient les paysans qui pratiquaient le braconnage pour vivre, pour améliorer l’ordinaire, enrichir les repas de protéines sauvages.

Le Cépiau, lui, gagnait parfaitement sa vie et le braconnage n’était que la face cachée de son statut de chasseur et de pêcheur. Il ne braconnait que par habitude, par le simple côté pratique et rapide pour trouver son repas de la semaine. Mais il braconnait aussi et surtout pour braver les interdits et aller défier les nantis sur leurs terres. Bref, il s’agissait d’une forme de sport.

Le Cépiau était du genre anarcho-communiste et bien sûr, il était en guerre contre l’Église, en particulier le curé de la paroisse, le père Jean. Ce dernier, issu de la droite la plus réactionnaire, ne se gênait pas d’intervenir activement dans les campagnes électorales. Ses prêches lors des messes étaient bien connus, mais l’évêque d’A. fermait les yeux. Le père Jean avait toujours soutenu le comte qui était maire de la commune déjà depuis une vingtaine d’années. Le Cépiau n’était pas le seul ennemi du curé mais il incarnait le mal : il n’allait jamais à la messe, moquait ouvertement la religion et surtout, on l’avait vu à plusieurs reprises complètement ivre, écumant les bistrots. Une fois, on l’avait même retrouvé endormi le long d’un fossé, complètement soûl. Ceci dit, le Cépiau était très rarement en veurde. Il n’en demeurait pas moins que le curé lui vouait une haine féroce depuis le jour où le Cépiau l’avait ridiculisé en public.

Le Cépiau avait réussi à se tisser un cercle de relations et d’amitiés fort utiles. Bien sûr, cela n’était pas gratuit. Il était copain avec le capitaine de gendarmerie, cela valait bien de temps en temps, un lièvre, un beau brochet ou une bourriche de truites. En revanche, avec Robert, l’ingénieur des eaux et forêts, il s’agissait d’une véritable amitié. Une amitié vieille de dix ans : à cette époque, Robert venait d’être nommé à A. Ils s’étaient connus le jour où Robert, averti par un de ses gardes, avait débarqué chez le Cépiau, aux Ravatins. Une simple visite de courtoisie, mais Robert voulait se rendre compte par lui-même. Le Cépiau accueillit Robert en grandes pompes, il lui offrit un verre de Pommard. Cela ne pouvait pas mieux tomber, Robert était un amateur éclairé des nectars bourguignons. Alors qu’ils discutaient, Robert entendit un bruit qui venait du dessous de la table. Un bruit qui se répéta. Le Cépiau se sentant pris, mit immédiatement cartes sur table, il se pencha et posa sur la table une grosse bourriche remplies de truites qui venaient à peine d’être prises et frétillaient encore. Robert éclata de rire. Ils trinquèrent et Robert repartit avec sa friture. Ils devinrent de grands amis. Deux fois par an, ils partaient en veurde sur la Côte : une fois pour la Saint-Vincent tournante et une fois juste avant les vendanges. Ils en profitaient pour aller se ravitailler en vin chez des propriétaires connus de longue date.

Le Cépiau coulait donc des jours heureux. Seulement son adresse, son insolence attisait pas mal de jalousies au village.

A suivre.

* en veurde : en fête, tournée joyeuse et arrosée

* Côte : côte bourguignonne, en particulier les Côte de Nuits, Côte de Beaune, Côte chalonnaise.

15 juin 2008

Le Cépiau (2)

Le Cépiau était un excellent ébéniste. Il fabriquait des meubles dans des styles assez différents. Lorsqu’il avait besoin de sculpter des éléments plus sophistiqués, il faisait appel à son ami Maurice, qui lui, travaillait à la ville. Ils s’étaient connus il y a bien longtemps lorsqu’ils avaient sillonné la France lors de leur compagnonnage. Seulement voilà, notre homme, aussi doué fut-il, ne travaillait qu’en fonction de ses humeurs, de son inspiration et surtout dans le temps libre que lui laissait ses autres occupations. Il travaillait vite et bien. Sa rapidité d’exécution, sa dextérité avaient toujours étonné ses maîtres et ses collègues. La vitesse de réalisation faisait partie intégrante de l’œuvre qu’il réalisait. Les morceaux de bois étaient choisis avec un soin méticuleux, voire tatillon. Mais lorsque le choix était enfin arrêté, le bout de bois brut se transformait en un tiroir ou une porte de buffet à une vitesse stupéfiante. L’homme maniait ses outils avec une assurance incroyable, l’œil acéré guidant l’outil à chaque fraction de seconde. Il était très exigent vis-à-vis de ses outils, il fallait qu’ils soient toujours à leur tranchant maximal, il en était même maniaque. Grâce à la petite forge qui occupait l’arrière de son atelier, que seule une petite fenêtre éclairait, il avait créé ou adapté un grand nombre d’outils inédits qui lui facilitaient la tâche. Maurice, qui connaissait lui-même bien le métier en était stupéfait ; il lui arrivait même de venir le voir pour créer ses propres outils.

Les clients du Cépiau devaient savoir à quoi s’en tenir. S’ils voulaient des délais de réalisation suffisamment courts, ils devaient venir le harceler chaque lundi matin. En revanche, ils étaient assurés d’une chose, le travail était d’une qualité irréprochable et les meubles et autres objets d’une rare solidité.

Un jour, Charles, le régisseur du comte se pointa à l’atelier. Que pouvait-il bien faire là, lui qui ne lui avait jamais rien commandé ? Charles venait ici un peu comme à reculons. Il était très embêté. Le Cépiau, lui, ne se souciait guère de son visiteur, occupé qu’il était à manier la varlope sur un large plateau de noyer. Charles finit par accoucher :

- Voilà, Monsieur le Comte avait acheté l’an dernier une grande table de cérémonie en chêne à l’usine de Dijon. Et voilà que la semaine dernière, elle s’est partagée par le milieu. Bref, elle est fichue. Je me suis fait engueuler. J’avais cru bien faire en achetant cette table, moins chère qu’une table d’artisan. Et maintenant, il faut que je trouve une solution, sinon, je suis viré.

- Que veux-tu que j’y fasse ? Je n’y peux rien si vous n’êtes même pas capables de vous fournir dans les bonnes maisons. Ta table, elle a sûrement dû être fabriquée avec un mauvais chêne qu’on avait tout simplement oublié de faire sécher. Bref, les beusenots qui l’ont fabriquée sont plus cons que les souliers que tu portes.

- Mais oui, ne remue pas le couteau dans la plaie. Je voudrais que tu voies…

- Pas question !

- Mais on te paiera le prix que tu demanderas, dussé-je y mettre un peu de ma propre paye.

Le Cépiau avait lâché son rabot et réfléchissait. Puis après avoir réajusté son chapeau :

- Voilà ce que je te propose. Pour la table, tu ne me paieras que le bois et je te fais cadeau de la main d’œuvre. En échange, il faudra que tu fasses un effort pour me faciliter les choses sur les terres du comte.

- Mais…

- Il n’y a pas de mais ! C’est à prendre ou à laisser.

Charles grommela car il ne s’attendait pas à ça. Il pensait qu’il allait lui faire payer la table le double du prix habituel, mais là… Là, l’affaire était délicate, mais elle avait l’énorme avantage de ne point grever ses finances. La protestation n’était donc là que pour la forme. Il n’avait en effet d’autre choix que d’accepter le marché.

- Bon, d’accord, Cépiau, je vais voir ce que je peux faire. Il faudra quand même rester discret.

- Ne t’inquiète pas pour ça, jamais personne ne me verra.

Le marché fut donc conclu. Charles lui versa immédiatement une avance. Le régisseur avait à peine quitté l’atelier que le Cépiau se mettait en route pour A. pour aller voir Robert, l’ingénieur des eaux et forêts, qui avait fini par devenir son ami. En effet, réaliser une table de dix mètres de long en chêne nécessitait des bois spéciaux et Robert allait l’aider.

A suivre.

* beusenot : imbécile, niais, idiot du village…

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