Noms vernaculaires trompeurs
Je reviens sur un sujet relatif à une note que Plume avait faite cet été à propos des noms vernaculaires des êtres vivants. En tant que naturaliste, je suis souvent agacé par la façon dont on (les journalistes et autres présentateurs divers) nomme les êtres vivants, sans aucun respect de la classification et de sa hiérarchie. Cette lacune repose assez souvent sur une grande méconnaissance de la taxonomie. Dans la population générale, on ne connaît souvent que le terme « variété » de manière très souvent impropre puisqu’il désigne soit des espèces soit des cultivars soit encore une forme de diversité. Cela ne me dérange pas. En revanche, quand il faut parler de manière précise, ce pose de sérieux problèmes et il faut faire attention. Sans aller dans les détails de la définition, la notion d’espèce est souvent assez inconnue alors qu’il s’agit d’une unité fondamentale de classification. La notion de genre est, elle, encore moins connue, alors qu’on nomme (trop) souvent des organismes par un nom de genre : saule, laitue, zèbre, bolet… Cela n’aurait pas d’importance si un genre considéré était représenté par une unique espèce dans une région, une localité donnée. Mais bien souvent, cela n’est pas le cas. Il y a peu, je constatais dans un rapport d’étude d’un collègue en relecture qu’on mentionnait un « trèfle » sans redire lequel, alors même que deux espèces étaient citées plus haut, mais il fallait que le lecteur devine duquel on parlait.
Même des scientifiques ou prétendus tels font des erreurs manifestes avec des noms vernaculaires qu’ils pensent traduire du latin. L’exemple typique que j’ai vécu est le Quercus robur [syn. Q. pedunculata] traduit en Chêne rouvre alors que par ce nom, les forestiers pensent en réalité à Quercus petraea [syn. Q. sessiliflora] qui est le Chêne sessile. À noter que le premier devrait être nommé correctement et exclusivement Chêne pédonculé. En écrivant cela, je jette un œil sur l’internet et stupeur : dans le dictionnaire du CNRTL, je vois à la définition de « Rouvre », « Chêne moins haut que le chêne commun ». Eh mais c’est quoi le « chêne commun » ? Le chêne pédonculé ? Certainement pas, c’est n’importe quoi ! Deuxième erreur : la feuille du « rouvre » sur la photo de cette définition est celle d’un Chêne pédonculé. Je n’ai pas regardé plus loin, mais il est évident que les confusions sont nombreuses, alors même qu’à de rares exceptions près, la distinction phénotypique (morphologique) entre les deux espèces, ne pose aucun souci, même pour un botaniste ou un forestier débutant. On n’est pas sorti de l’auberge ! Pour être tout à fait clair, je précise les choses suivantes :
- « rouvre » est bien la traduction du latin « robur » ;
- les deux espèces de chênes mentionnées sont largement dominantes voire exclusives à l’état spontané en France, en dehors des zones subissant d’influences méditerranéennes et les changements climatiques ;
- les deux espèces s’hybrident très souvent et sont elles-mêmes toutes deux très introgressées génétiquement, mais conservent le plus souvent leurs caractères propres morphologiques et surtout écologiques car les deux cohabitent assez rarement à l’état spontané.
Je n’évoque pas le cas des tas de noms vernaculaires utilisés notamment dans le commerce dont certains sont trompeurs.