Trois ans et éternité
Il y a exactement trois ans, j’arrivais en gare de L. Durant la majeure partie du voyage, j’avais été partagé entre une forte émotion, une vive envie de à rencontrer enfin S. pour de vrai et un stress, une peur de ne pas être à la hauteur, de subir une déconvenue, une déception qui ferait que cela ne pourrait pas « coller »… Quand le TGV s’est immobilisé en gare, j’étais épouvantablement fiévreux. Mes pas me guidèrent vers la sortie. La Bretagne m’accueillait avec un vent presque tiède dont elle a le secret. Après le passage souterrain, j’entrepris la montée des marches lorsqu’il me fut donné d’apercevoir S. en haut des escaliers. Il émanait d’elle une incroyable force. Elle était enveloppée dans un châle dont elle est coutumière. Elle me « ramassa » alors (j’étais très impressionné) et m’emmena jusqu’à la voiture pour rentrer à Q’. Elle ne cessa de me dévorer des yeux durant tout le trajet. Elle avait pris le contrôle et dès cet instant, je fus guidé irrésistiblement vers ce qui fut le début de notre histoire commune.
Aujourd’hui, cet épisode me paraît extrêmement lointain. Il constituait déjà en lui-même un aboutissement. Un aboutissement de plusieurs mois, de plusieurs années de questionnements, de recherches sur moi-même, de souffrances psychiques aussi. Des mois, des années de peurs, d’indécisions, à ne plus savoir trop où on en est. Mais ce 11 novembre 2005 avait été néanmoins bien préparé. Combien de dizaines d’heures de dialogues sur internet ? Combien de fragments de vies échangés, partagés ? Je crois que nous nous sommes réellement bien racontés l’un à l’autre, sans rien nous cacher. Nous avons lu en nous comme dans un livre ouvert. Alors, évidemment, la rencontre physique, c’était autre chose, mais je crois que nous avions fait beaucoup pour que cela soit une réussite.
Que dire de plus aujourd’hui ? Que nous vivons l’un près de l’autre dans une grande sérénité, que nous sommes heureux et que nous nous aimons. Et le mieux, il faut que je le dise : c’est pour la vie et nous faisons plus qu’y croire.
Aujourd’hui, j’avais aussi envie de vous montrer notre châtaignier planté à la Toussaint 2006 près de l’étang Saint-Georges. Il symbolise là-bas notre amour devant l’éternel du miroir aquatique.
Mais ce jeune arbre symbolise aussi le renouveau après la coupe réalisée la même année dont on voit ici les profondes cicatrices qui me font encore bien mal. Un paysage encore bien désolé car la recolonisation a encore du mal à se faire (pour diverses raisons que je ne détaillerai pas ici). Il existe quand même quelques parcelles de choses intéressantes à observer.
Le grand Épicéa commun, malgré un foudroiement dans les années 1970 qui l’avait raccourci d’une dizaine de mètres, reste le roi indétrônable de la forêt. Lui ne semble pas craindre les atteintes parasitaires et constitue toujours mon repère incontournable (il fut mon « phare » quand j’étais gamin et j’étais fier de connaître ce géant, de l’avoir pour « ami »).
Cet arbre est aussi peut-être le témoin de la future forêt qui devrait, au moins en partie, ressembler à ça :
L’éternel, c’est toujours l’étang Saint-Georges qui l’incarne…
...malgré l’apparente fragilité de la Prêle des eaux.