Le 1er janvier, nous étions invités pour le café chez mon cousin et sa compagne, paysans dans la ferme que possédaient initialement mes grands-parents maternels puis mes oncle et tante. Comme nous étions en avance, j’avais émis le souhait d’aller nous balader dans la campagne environnante. Hélas, le brouillard, l’humidité et le froid empêchaient toute promenade agréable. Nous eûmes alors l’idée de reprendre la voiture et de nous hisser au dessus de la couverture nuageuse. Malheureusement, celle-ci se trouvait à une altitude supérieure à celle que nous imaginions. Ce n’est que vers 800 m d’altitude que nous trouvâmes enfin de soleil. Parvenus dans un endroit où je n’avais encore jamais mis les pieds (Monts du Lyonnais), nous pûmes apercevoir les sommets du Pilat où nous étions quatre jours plus tôt.
De retour chez mon cousin, après avoir dégusté le dessert maison agréable à souhait, et après le départ de la quasi totalité des convives, nous eûmes droit de la part de la maîtresse de maison à un discours qui ne fut pas sans me faire bouillir intérieurement. Nous eûmes droit à la relation de la récente opération de désenvoûtement de la bâtisse de la cave au grenier. Bien que récemment restaurée, c’est une maison que je connais bien. Des histoires à dormir debout, des fantasmes invraisemblables colportés par des imbéciles subsistent encore dans des mémoires oublieuses ou incultes, notamment au sujet d’un souterrain qui prend naissance dans la cave. Un souterrain dans lequel je me suis rendu gamin et qui n’a rien de mystérieux puisqu’il d’agit du point de départ d’un drain d’évacuation du trop-plein d’un puits. La compagne de mon cousin (lui était absent à ce moment là) m’a posé la question de comment je me sentais quand je me trouvais dans la cave à l’époque où je la fréquentais (mon père y conservais entre autres, du vin : quel scoop). Inutile de dire que je n’ai jamais rien senti là-bas dedans en dehors de la relative obscurité, de la fraîcheur et de l’humidité, ces deux dernières fort agréables en période de canicule. Je n’ai bien entendu jamais vu de fantôme, contrairement à notre interlocutrice. Cette dernière n’a bien entendu jamais connu mon grand-père, ce qui ne l’a pas empêché des s’imaginer des inepties à son sujet qu’elle n’a même pas osé évoquer.
Après cela, nous eûmes droit au procès de la médecine « officielle » ou « chimique » face aux thérapies alternatives à base de plantes, d’huiles essentielles et d’homéopathie. Notez à cet égard le mélange des genres qui ne fut pas sans m’agacer au plus haut point. Mais je n’ai rien dit, rien du tout. Je suis parfois d’un calme olympien. Si je m’étais laissé aller, j’aurais éclaté et elle n’aurait rien compris. Bien sûr, elle n’a pas tort à 100 %, mais son inculture scientifique lui ôte tout sens critique et j’ai bien l’impression qu’elle gobe tout ce que les « gourous » racontent dans des conférences à la noix, même s’il existe quelques rares personnes valables parmi celles qu’elle a pu entendre. S., qui évoquait quelques uns de ces soucis avec sa directrice, fit tomber notre interlocutrice dans un piège dans lequel elle tomba à pieds joints : le remède consistait en des huiles essentielles de Laurus noblis L. (Laurier sauce) et en un travail sur soi pour rester zen (je résume, mais c’est ça, un gamin de dix ans n’eût pas dit plus mal).
Après avoir salué mon cousin, qui était en train de terminer la traite de ses vaches et qui ne partage pas forcément les idées toutes faites et pseudo militantes de sa compagne, nous prîmes congé. Le malaise en moi n’est pas dissipé parce que je ne me suis pas exprimé. Mon absence de réaction n’est certainement pas de l’hypocrisie ni une façon de me défiler. A quoi bon entamer un débat véhément avec des gens que l’on voit quelques heures tous les ans ? Est-ce le début de la sagesse ou de la lassitude ?