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Cornus rex-populi

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3 avril 2007

Électrochoc

Il y a tout juste deux ans, un mercredi matin, en arrivant le premier au travail (dans un bâtiment isolé), je faisais la découverte d’une collègue qui s’était suicidée par pendaison dans son bureau. J’avais vu son corps depuis le haut des escaliers à une distance de 5-6 m. Pris de panique et totalement incrédule après ce que je venais de voir, je me retrouvais d’un bond dans le bureau d’une collègue d’un autre bâtiment en train de lui dire (je ne sais comment ?) ce que je venais de voir et d’aller vérifier si je n’avais pas eu des hallucinations. Elle s’exécuta immédiatement. Il m’était totalement impossible de remettre le pied dans le bâtiment où j’avais découvert le drame. Suivirent le déclenchement de l’alerte, l’arrivée de pompiers et de la police. Entre temps, je m’étais réfugié dans le bureau d’autres collègues. Je n’avais jamais été autant abattu. Au bout de quelques dizaines de minutes, la police me fit demander. Constatant que je n’étais pas tout à fait en état, on me fit monter dans l’ambulance, on me donna un calmant ou je ne sais quoi d’autre et c’est là que l’inspecteur de police m’interrogea. A cet instant déjà, la police savait déjà ce qui s’était passé, que ma collègue s’était donnée la mort la veille au soir ou dans la nuit et qu’il n’y avait aucune espèce d’ambiguïté sur son suicide tant il y avait profusion de preuves : plus d’une dizaine de lettres qu’elle avait laissée sur son bureau dont une qui m’était adressée. Constatant que le risque d’évanouissement était écarté, je fus libéré. Mes collègues prirent soin de moi (je n’oublierai jamais comment certaines personnes peuvent révéler des qualités en certaines circonstances). Le reste de la matinée fut consacrée à une réunion d’information pour l’ensemble du personnel à laquelle je ne devais pas participer, vu mon état. Pour les principaux témoins, l’après-midi fut consacrée à une déposition au commissariat, puis, revenu sur le lieu de travail à une entrevue avec un psychologue qui se révélera plus tard assez peu utile. La suite de la soirée se déroula chez des collègues, parmi les plus proches de la victime. Une soirée passée à s’interroger, à ne pas comprendre ce geste, malgré des explications pas très cohérentes. La soirée terminée, n’osant pas avouer l’état intérieur dans lequel je me trouvais alors qu’on me proposait le gîte, je rentrai, seul chez moi. Juste un nouvel appel à mes parents qui ne s’imaginaient pas nécessairement l’état réel dans lequel je me trouvais. Et puis une nuit de cauchemar éveillé. Les images d’un corps quasi désarticulé tel un pantin, d’une corde, surtout d’une horrible corde. Des images obsédantes. Le psy nous avait dit qu’il fallait parler, ce que nous fîmes, toujours pour échafauder des hypothèses ou à la quête de vaines explications. Les jours qui suivirent, je ne pus travailler. Heureusement, le week-end qui suivit, je me rendis à un stage à Rennes avec des collègues, ce qui permit de me dépayser un peu. Les semaines qui suivirent ne furent pas extraordinaires, tant les souvenirs majoritairement mauvais remontaient régulièrement à la surface. Quand j’arrivais le premier au bureau le matin, j’ai eu longtemps l’appréhension de découvrir un nouveau pendu. Cependant, au fil des semaines, la douleur s’estompa. Elle ne revit le jour qu’un peu plus tard lorsque je dus aller sur le terrain à des endroits que j’avais parcouru avec ma collègue disparue. Les larmes me venaient régulièrement lorsque je me trouvais seul, comme si elle avait été encore avec moi. Et qu’on le veuille ou non, malgré toutes les dénégations, toutes les preuves que toute action pour la sauver auraient été infructueuses, on finit par culpabiliser à nouveau, on n’arrive pas à faire le deuil.

Et parallèlement, à la suite de son suicide on apprend qu’elle était atteinte d’une dépression masquée, qu’elle savait toujours donner le change, qu’elle avait préparé son suicide minutieusement de longue date, qu’elle n’avait probablement jamais ouvertement pleuré de sa vie. On sait déjà qu’elle vivait seule, qu’elle avait une vie extrêmement stricte, réglée comme du papier à musique, qu’elle a votre âge, qu’elle a probablement un problème d’identité sexuelle. On se rend compte que par certains côtés, on était bien proche d’elle. Qu’on est peut-être passé à côté de quelque chose qui aurait peut-être évité tout cela, si on avait été moins timide, si on avait osé révéler ses émotions, voire plus… On souffre de tout cela, c’est le grand remue ménage intérieur, on se remet en question, on s’interroge sur le sens de sa vie, on a le vertige. On sait que l’on n'a pas une âme suicidaire, mais on a peur du vide, de l’avenir, de finir vieux con.

Alors, un processus se met en place, avec pas mal de chaos tant il y avait de murs à faire tomber, de timidités à domestiquer, d’identités à révéler… Bien sûr, sur le chemin, il y eut des imbéciles, des profiteurs et de fieffés menteurs. Mais on finit par faire des connaissances désintéressées et bienveillantes. Le destin finit par vous sourire, et à la suite d’un ultime pied au derrière paradoxalement amical, on fait la connaissance de sa moitié, mais là, il s’agit d’une autre histoire…

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1 avril 2007

Évocation d'une complicité

En novembre 2002, un ami (C.) a mis fin à ses jours. Il avait un petit peu plus de 80 ans. Il n’était certes pas en bonne santé, il avait depuis longtemps une insuffisance cardiaque et quelques autres problèmes bien réels. Mais au fil des années, il était devenu extrêmement hypochondriaque, à tel point que c’est peut-être ça qui l’a tué. En effet, sa souffrance psychosomatique était devenue telle qu’il avait dû considérer qu’il fallait qu’il en finisse. Cet homme, encore jeune, était rentré dans le maquis pendant la guerre, puis avait servi dans l’armée régulière. Il ne parlait presque jamais de cet épisode terrible de sa vie. Et il avait gardé des « souvenirs », dont une arme de poing avec laquelle il se suicida. Je me souviens très bien que je n’avais pas été surpris plus que ça par son acte, tant il avait évoqué il y a longtemps la possibilité de se supprimer de cette manière, s’il y était obligé et s’il en avait la force physique. Beaucoup de personnes n’avaient pas cru qu’il le ferait ; moi je savais qu’il pouvait le faire. Ce n’est évidemment pas cela que je veux retenir de lui, mais tout ce qu’il m’a apporté par ailleurs.

Au départ, mon père l’a connu comme artisan maçon. Il faisait de la réfection de maisons anciennes ou autres travaux hors constructions neuves. Ils devinrent amis. Ils partageaient des valeurs et des activités communes comme la pêche et la chasse. Pendant et après guerre, il avait pas mal braconné, essentiellement pour se nourrir. Il en avait gardé certaines ruses, certains tours de mains. C’était un homme de la nature, il en connaissait fort bien les cycles et se montrait à cet égard fin observateur. C’est surtout en tant que pêcheur que j’ai le plus appris avec lui, mais aussi la manière de se fondre dans la nature. Car c’était un pêcheur de truites, et dans les ruisseaux forestiers, il n’est pas donné à tout le monde d’aller y ferrer une belle mouchetée sans se faire repérer, sans emmêler sa ligne, sans accrocher de toutes parts son fil dans les arbres et les buissons. Il y a bien entendu des trucs que l’on ne dit pas dans les livres halieutiques. C’est lui aussi qui me fera découvrir les champignons et surtout la manière de les trouver (car le novice ne voit pas les champignons qu’il a devant les yeux), et mêmes quelques-uns de ses coins. En compagnie de mon père, nous ferons aussi de fructueuses récoltes d’escargots de Bourgogne. Enfin, il fut l’un de ceux qui m’initièrent aux vins de Bourgogne. Il faut dire qu’il en avait des bons à la cave.

Voilà, je n’en dirai pas plus. C’était juste pour dire que l’amitié et la gentillesse de cet homme modeste et généreux me manquent. Pensée émue à son épouse, ses enfant et petits enfants.

Et comme cela ne doit pas être triste et que nous sommes le 1er avril voici quelques images.

En compagnie de C. (photo ancienne abîmée) :

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Deux de mes prises (ce ne sont pas les plus belles, mais pas négligeables quand même) : une Truite commune (Salmo trutta Linnaeus 1758) et un Brochet (Esox lucius Linnaeus 1758) :

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29 mars 2007

Primevères

C'est de saison, et bien entendu, cela résonne en moi, même si, bizarrement,  je n'ai pas trop le loisir d'en profiter. Voici les trois principales espèces de primevères que nous rencontrons en France. Et ne me dites pas que c'est encore du jaune, d'abord parce que cela n'est pas le cas !

Primula vulgaris Hudson (Primevère acaule) :

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Primula veris L. (Coucou, Primevère officinale) :

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Primula elatior (L.) Hill (Primevère élevée) :

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24 mars 2007

Illumination printanière

Kleger a dit qu’elle aimait. Voici donc quelques photos de cette magnifique plante de la famille des Renonculacées. J’ai nommé Caltha palustris L. (Populage des marais, Souci des marais). Ce n’est pas une rareté, mais en ce printemps, avec les jonquilles, elle illumine littéralement les bois et les zones humides.

Je crois que nous ne sommes pas les seuls à aimer cette plante. Personnellement, elle évoque un souvenir très particulier de mon enfance (encore à Saint-Georges), quand j’ai pris conscience que les espèces se répartissaient en familles et que celle-là faisait incontestablement partie des renoncules, des boutons d’or. Longtemps avant de me mettre à la botanique, j’avais déjà une systématique dans la tête…

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22 mars 2007

Printemps loin des jonquilles

Un bois de trembles (Populus tremula L.) avec des dizaines de milliers de jonquilles (Narcissus pseudonarcissus L.), ça n'existe pas ? Eh bien si, la preuve ! Je ne vous cache pas que cela va furieusement me manquer cette année de ne pas pouvoir aller voir ce spectacle. C’est à Saint-Georges.

TJ

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18 mars 2007

Châteaux de Brancion et de Châteauneuf

Voici deux châteaux forts bourguignons que j’avais parfois aperçus de loin, mais que je n’ai visité qu’au cours de l'été 2005, quelques semaines ou mois avant de faire la connaissance de celle qui partage ma vie.

Le premier (Brancion, Saône-et-Loire), je l’ai visité avec de charmants amis que je « traîne » tous les ans à la découverte du patrimoine bourguignon. Cette visite s’est faite à une période de doute parmi les plus terribles de ma vie. Ce n’est pas que je souffrais affreusement, mais je ne savais pas trop où j’en étais. Immédiatement après avoir vécu une expérience intime inédite, mon séjour bourguignon arriva à point nommé pour reprendre mes repères habituels et tenter de comprendre ce qui m’arrivait. Cette période fut mise à profit pour faire un point et pour déterminer que j’étais l’objet d’une manipulation. Le retour au domicile septentrional permit de rendre un jugement sans appel. Toutefois, je n’étais qu’en convalescence : mon doute n’était pas éteint.

Ma « fièvre » reprit peu à peu ; elle devait durer tout l’été. C’est dans cette disposition que se fit mon second séjour estival en Bourgogne. Ainsi, la visite du second château (Châteauneuf, en Auxois, Côte d’Or) se fit dans un contexte totalement désincarné, comme si mon esprit se détachait de mon corps. Je crois qu’à cette période, je n’étais plus moi-même. Une vie moralement et physiquement épuisante, remplie de tas de questions existentielles qui durera jusqu’à ce que je prenne la décision de rencontrer S. Le « mal » qui me rongeait fut vaincu quand, quittant la Bretagne après avoir fait la connaissance physique de S., je vis pour la première fois mon horizon personnel s’éclaircir. Est-ce un hasard si le soir même de mon retour de Bretagne, je fus pour la première fois de ma vie, victime d’un étourdissement ? Était-ce la conséquence d’un coup de foudre à effet retardé ? Je me plais à le croire…

Château de Brancion :

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Château de Châteauneuf :

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17 mars 2007

4) Programme « environnement » du Ministre Cornus : politique des milieux naturels

A cause de Monsieur Ar valafenn, voici le quatrième (et dernier ?) volet du brouillon de mon programme ministériel. Comme pour le troisième volet, c’est également un domaine que je connais un peu, voire parfois un peu plus… Il est bien évident que je vais rester superficiel.

Rappel :

La politique des milieux naturels doit tout d’abord s’appuyer sur la réalisation d’un état des lieux précis, ce qui n’a scandaleusement jamais été fait correctement en France, même dans le cadre de l’application de la directive européenne « Habitats-Faune-Flore » de 1992. Cet état des lieux devra commencer le plus tôt possible, avec une cartographie globale de la végétation de la France à l’échelle du 1/25 000. Suivront la mise en œuvre d’inventaires pour l’ensemble des compartiments biologiques. Afin de cadrer cette démarche, le Muséum national d'histoire naturelle devra faire l’objet d’une profonde réforme qui se traduira notamment par la mise en place de cadres et de personnels réellement compétents et spécialistes dans tous les domaines concernés. Cette réforme devra être terminée au plus tard dans 3 ans et la première phase de cartographie et d’inventaires globaux devra être achevée pour 2012.

Toujours par rapport à la directive « Habitats-Faune-Flore », l’État reprendra l’ensemble des sites d’intérêt communautaire proposés en les élargissant et en désignera de nouveaux, afin que les arguments scientifiques en terme de conservation puissent enfin l’emporter. Des désignations autoritaires seront à prévoir et les mesures de gestion conservatoire, parfois coercitives seront imposées si la contractualisation est insuffisante ou inefficace.

La loi littorale sera réformée et renforcée. Des cartographies précises définiront d’un point de vue strictement scientifique les différentes zones à protéger. Ce zonage s’imposera à toutes les collectivités. Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres sera réformé. Il prendra en charge l’acquisition de l’ensemble des milieux naturels ; à ce titre, il se substituera aux conseils généraux (espaces naturels sensibles) et aux Conservatoires régionaux d’espaces naturels. Les personnels de ces derniers seront intégrés dans la nouvelle structure (qui sera en grande partie décentralisée). La politique d’acquisition foncière ne devra se faire que sur des critères environnementaux scientifiquement avérés.

La loi sur la protection de la nature sera révisée, clarifiée et renforcée. Les listes de protection faunistiques et floristiques seront revues sur la base des nouveaux inventaires et ces protections prendront un caractère obligatoire absolu. Des listes d’habitats naturels strictement protégés seront également établies. Les études d’impacts seront conduites par des bureaux d’études agréés et contrôlés par une instance dirigée par l’État et des scientifiques dans les diverses spécialités. Les mesures compensatoires vis-à-vis des dommages causés aux milieux naturels ne pourront désormais concerner que des actions de conservation ou de gestion des milieux naturels. Tout nouveau projet, quel que soit son montant (y compris un simple permis de construire pour un particulier) devra faire l’objet d’une étude d’incidence et d’inventaires précis.

Les documents d’urbanisme devront prendre en compte les milieux naturels de façon accrue et l’État devra prendre toutes les mesures qui s’imposent en terme de contrôle.

Un nouveau réseau de réserves naturelles et de parcs nationaux sera créé. Ils devront permettre une conservation efficace et durable des milieux naturels.

L’Office national des forêts sera refondé. Il n’aura plus pour première vocation de produire du bois et de le vendre, mais de protéger les forêts. Il visera à mettre la moitié des surfaces des forêts domaniales et communales en réserve biologique intégrale.

De nouvelles mesures sur la chasse seront prises afin de faire enfin appliquer les textes existants en tout point du territoire. Si besoin, des mesures autoritaires devront être prises. De nouveaux partenariats seront noués entre l’État et ses représentants, les collectivités et le monde de la chasse afin de viser, notamment à réguler certaines populations d’espèces de la faune sauvage, notamment celles qui témoignent de déséquilibres biologiques et écosystémiques. D’autres règles plus strictes seront prises dans l’organisation de la chasse et dans les introductions de gibiers.

Le monde de la pêche en eau douce sera également réformé. En particulier, les empoissonnements devront suivre des recommandations strictes.

Enfin, l’administration du ministère de l’environnement et de ses services déconcentrés sera réformée. On veillera notamment à ce que les personnels qui occupent des postes spécialisés devront faire la preuve de leur compétence.

Voilà, c’est tout, au moins pour aujourd’hui...

15 mars 2007

15 mars : anniversaire

Narcissus_pseudonarcissus

Il fallait que cela se sache : mon amour a pris un an de plus aujourd'hui, ce qui fait qu'elle est toujours très jeune. Ma chérie, je te souhaite un bon courage et une bonne chance pour tout ! Et une longue vie heureuse avec toi !

15 mars 2007

La mort d'un vieux loup

Ce lundi, j'apprenais, plus six mois après, la mort d'un homme, un naturaliste, médecin à la retraite que j'avais pas mal côtoyé et que j'avais particulièrement apprécié pour des tas de raisons. Je devais apprendre qu'il s'était suicidé, ce qui n'a pas manqué de me rappeler d'autres suicides de proches... J'ai été abasourdi par la nouvelle et je l'ai fait savoir. Je n'étais pas intime avec lui mais j'ai appris que c'est lui qui avait choisi partir dans la discrétion. J'ai su également qu'il s'était fait incinérer et que ses cendres avaient été dispersées dans un site qu'il affectionnait particulièrement et qu'il m'avait fait découvrir, à ma demande, il y a quelques années. J'ai été frappé par ce choix parce que c'est un site que j'apprécie aussi tout particulièrement. Des collègues ont parlé de courage dans son choix. Je ne sais pas trop quoi en penser tant cela me dépasse. Un autre collègue a parlé de Vigny, du coup je me suis souvenu de la Mort du loup.

I

Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,
Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,
Nous avons aperçu les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués.
Nous avons écouté, retenant notre haleine
Et le pas suspendu. – Ni le bois, ni la plaine
Ne poussait un soupir dans les airs ; Seulement
La girouette en deuil criait au firmament ;
Car le vent élevé bien au dessus des terres,
N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,
Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés,
Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.
Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête,
Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête
A regardé le sable en s'y couchant ; Bientôt,
Lui que jamais ici on ne vit en défaut,
A déclaré tout bas que ces marques récentes
Annonçait la démarche et les griffes puissantes
De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.
Nous avons tous alors préparé nos couteaux,
Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,
Nous allions pas à pas en écartant les branches.
Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,
J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,
Et je vois au delà quatre formes légères
Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,
Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux,
Quand le maître revient, les lévriers joyeux.
Leur forme était semblable et semblable la danse ;
Mais les enfants du loup se jouaient en silence,
Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,
Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.
Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,
Sa louve reposait comme celle de marbre
Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus
Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.
Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées
Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.
Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,
Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ;
Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,
Du chien le plus hardi la gorge pantelante
Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,
Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair
Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,
Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,
Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,
Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.
Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,
Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ;
Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.
Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.

II

J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre
A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve
Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
A ne jamais entrer dans le pacte des villes
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher.

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
– Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !
Il disait : « Si tu peux, fais que ton âme arrive,
A force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. »

10 mars 2007

Un an - vingt mois

Il y a à peine plus d’un an, S. m’annonçait à la table d’un restaurant au pied de la cathédrale de Laon, sa volonté de me rejoindre, de venir vivre avec moi. Non pas une annonce tranquille, mais un véritable cri du cœur. J’ignore encore si cette annonce avait été préméditée, mais je me souviens de la fébrilité avec laquelle S. l’avait proclamée. A l’évidence, cet événement restera bien imprimé dans mon cœur. D’autant que je ne méconnaissais pas à l’époque les sacrifices que cela allait lui imposer, même si elle dirait plus tard qu’il ne fallait pas voir cela sous cet angle. La suite confirmera qu’il s’agissait quand même d’une preuve supplémentaire d’amour.

Il y a à peine moins d’un an, S. m’annonçait par les moyens de communication modernes, sa volonté de se pacser avec moi. Je ne fus pas à proprement parlé surpris, puisque dès les premiers jours de notre rencontre virtuelle, nous avions évoqué la possibilité d’une union. Pour ma part, au stade où nous en étions, il était évident que la case du PACS était superflue, et que nous étions mûrs pour le mariage. C’est exactement ce langage que je lui tins. Elle fut, me semble-t-il, assez bouleversée. Elle me confiera peu après qu’elle m’avait proposé, dans un premier temps le PACS plutôt que le mariage, de peur que ce dernier ne m’engage trop vis-à-vis d’elle. Il s’agissait en fait encore de sa part d’une preuve supplémentaire d’amour.

Alors, pourquoi je vous raconte ça ? D’abord parce que nous sommes mariés depuis six mois et demi, que nous nous aimons et que tout va bien. Parce que cela fait moins de 20 mois que nous nous connaissons, c’est-à-dire moins de 20 mois (sur les quelques 440 de mon existence) que j’ai connu l’amour de l’Autre, le seul amour. Enfin, il faut que je vous dise : ce n’est qu’un commencement !

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