Évocation d'une complicité
En novembre 2002, un ami (C.) a mis fin à ses jours. Il avait un petit peu plus de 80 ans. Il n’était certes pas en bonne santé, il avait depuis longtemps une insuffisance cardiaque et quelques autres problèmes bien réels. Mais au fil des années, il était devenu extrêmement hypochondriaque, à tel point que c’est peut-être ça qui l’a tué. En effet, sa souffrance psychosomatique était devenue telle qu’il avait dû considérer qu’il fallait qu’il en finisse. Cet homme, encore jeune, était rentré dans le maquis pendant la guerre, puis avait servi dans l’armée régulière. Il ne parlait presque jamais de cet épisode terrible de sa vie. Et il avait gardé des « souvenirs », dont une arme de poing avec laquelle il se suicida. Je me souviens très bien que je n’avais pas été surpris plus que ça par son acte, tant il avait évoqué il y a longtemps la possibilité de se supprimer de cette manière, s’il y était obligé et s’il en avait la force physique. Beaucoup de personnes n’avaient pas cru qu’il le ferait ; moi je savais qu’il pouvait le faire. Ce n’est évidemment pas cela que je veux retenir de lui, mais tout ce qu’il m’a apporté par ailleurs.
Au départ, mon père l’a connu comme artisan maçon. Il faisait de la réfection de maisons anciennes ou autres travaux hors constructions neuves. Ils devinrent amis. Ils partageaient des valeurs et des activités communes comme la pêche et la chasse. Pendant et après guerre, il avait pas mal braconné, essentiellement pour se nourrir. Il en avait gardé certaines ruses, certains tours de mains. C’était un homme de la nature, il en connaissait fort bien les cycles et se montrait à cet égard fin observateur. C’est surtout en tant que pêcheur que j’ai le plus appris avec lui, mais aussi la manière de se fondre dans la nature. Car c’était un pêcheur de truites, et dans les ruisseaux forestiers, il n’est pas donné à tout le monde d’aller y ferrer une belle mouchetée sans se faire repérer, sans emmêler sa ligne, sans accrocher de toutes parts son fil dans les arbres et les buissons. Il y a bien entendu des trucs que l’on ne dit pas dans les livres halieutiques. C’est lui aussi qui me fera découvrir les champignons et surtout la manière de les trouver (car le novice ne voit pas les champignons qu’il a devant les yeux), et mêmes quelques-uns de ses coins. En compagnie de mon père, nous ferons aussi de fructueuses récoltes d’escargots de Bourgogne. Enfin, il fut l’un de ceux qui m’initièrent aux vins de Bourgogne. Il faut dire qu’il en avait des bons à la cave.
Voilà, je n’en dirai pas plus. C’était juste pour dire que l’amitié et la gentillesse de cet homme modeste et généreux me manquent. Pensée émue à son épouse, ses enfant et petits enfants.
Et comme cela ne doit pas être triste et que nous sommes le 1er avril voici quelques images.
En compagnie de C. (photo ancienne abîmée) :
Deux de mes prises (ce ne sont pas les plus belles, mais pas négligeables quand même) : une Truite commune (Salmo trutta Linnaeus 1758) et un Brochet (Esox lucius Linnaeus 1758) :