En posant l’hypothèse selon laquelle je ne m’intéresserais qu’aux aspects esthétiques de la floraison des plantes, ce ne serait pas seulement l’anthèse qui m’attirerait, mais aussi tout ce qui précède (la croissance végétative, l’émergence des bourgeons floraux, l’épanouissement progressif des fleurs) et après (fructification, dissémination des graines). Pourquoi évoquer cela ? Parce que si j’apprécie les pleines et parfaites floraisons, j’aime aussi les choses plus bancales ou imparfaites. De la même manière, si je peux apprécier un bon vin irréprochable, constant, comme peuvent le proposer certains Champagnes ou Bordeaux, j’aime plus encore la diversité, les petites « flétrissures », en un mot les surprises, dès lors qu’elles ne sont pas mauvaises. Ces surprises, les différents millésimes les proposent déjà bien sûr, mais au-delà de ça, les terroirs, les micro-terroirs, les vignerons (culture, conditions de croissance et de fructification du raisin), les méthodes de vinification (qui évoluent d’ailleurs en fonction des vignerons, des millésimes, des cuvées, des expériences) et aussi les parcelles.
Les climats de Bourgogne sont délimités au niveau d’un petit ensemble de parcelles (lieux-dits précis, clos…), mais parfois cela se joue à un niveau infra-parcellaire. Autrement dit, des vignerons vinifient des vins de manière spécifique parfois à l’échelle de quelques ares, même s’ils sont propriétaires de parcelles plus grandes. Bien entendu, il faut qu’il y ait une plus-value à le faire, mais on ne voit pas cela que dans des parcelles classées en premiers ou grands crus, mais aussi dans certaines appellations villages. Il est vrai que ce n’est pas non plus une généralité, mais cela me semble néanmoins typique de l’état d’esprit que l’on rencontre en Bourgogne (pas uniquement là, il est vrai) et qu’il s’agit bien là en partie d’un héritage d’origine médiévale. Je précise tout de suite que l’on peut aussi observer le phénomène exactement inverse pour lequel des vignerons ou leurs regroupements pratiquent des assemblages pour tenter de stabiliser certaines caractéristiques organoleptiques des vins. Ces assemblages se font la plupart du temps avec un seul cépage, mais aussi à deux comme dans les Mâcons rouges ou pour des appellations plus « basiques » somme le Bourgogne passe-tout-grains ou le Coteaux-bourguignons (ex Bourgogne grand ordinaire dont le nom n’était pas vendeur). Pour de tels vins, si tout reste équivalent par ailleurs, se sont donc surtout les effets du millésime qui se feront sentir, ce qui peut déjà être important.
Mais de mon point de vue, un des effets les plus remarquable en Bourgogne reste quand même la formidable multiplicité des parcelles dans lesquelles s’expriment localement une extraordinaire diversité des conditions géologiques et édaphiques à laquelle viennent s’ajouter des microclimats différents (exposition, pente, altitude, courants d’air liés à la topographie environnante). Enfin, il faut ajouter les différences culturales, les vendanges et bien sûr la vinification, ce qui est également fondamental. En définitive, pour une seule appellation village, parfois bien peu étendue, on arrive à élaborer des dizaines, voire des centaines de vins différents pour un seul et même millésime. Parmi ces derniers, certains peuvent ne pas être extraordinaires et d’autres particulièrement remarquables. Certains vont se ressembler très fortement. Pour certains millésimes, il arrive que des vins issus de villages différents ne soient pas facilement distinguables. Je me souviens de cela en 2003 où je n’avais pas perçu, pour un même vigneron, de différence entre un Maranges 1er cru et un Hautes-Côtes-de-Beaune, mais cela reste exceptionnel. Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit que certains villages possèdent une variabilité intrinsèque des vins et qu’il existe parfois moins de différence entre deux villages qu’au sein d’un seul village. J’ai justement il y a peu lu un article sur le sujet entre Volnay et Pommard, ce qui ne fait que me conforter dans mes observations des Pommards qui oscillent entre la force brute et une certaine délicatesse soyeuse.
A suivre…