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Cornus rex-populi
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13 mars 2022

Décès de mon premier « maître » en botanique

Mon premier véritable « maître » en botanique est décédé la semaine dernière et a été inhumé mercredi dernier. C’était un sacré botaniste (de Tours), exigeant. Avant lui, j’avais connu d’autres enseignants en botanique :

  • à l’IUT, une enseignante, responsable de la formation qui était un peu touche à tout sur le plan naturaliste, exigeante également, mais il ne s’agissait pas d’une « vraie » botaniste puisqu’assez pluridisciplinaire. Elle travaillait avec une autre collègue (une sorte d’adjointe, plus jeune) qui avait un profil assez similaire, mais qui était un peu moins bonne en botanique. A l’époque, mes aptitudes en floristique les avaient étonnées ;
  • toujours à l’IUT, un enseignant que je pourrais qualifier de biogéographe, donnait des cours de pédologie et surtout de phyto*sociologie ; mais un enseignant marqué par une forme d’élitisme un peu surrané avec lequel je n’avais pas eu d’atomes crochus particuliers, même si j’avais apprécié ses enseignements ;
  • lors des « remises à niveau » en botanique lors des cours du diplôme de bac+4, un enseignant issu du monde professionnel, avec lequel cela se passa bien, même si ce n’était pas à mon niveau (bon j’étais le seul dans ce cas). Plus tard, je serai amené à enseigner à sa place et il m’a également succédé lorsque j’étais sur le point de partir de Tours.

Il fut donc celui qui allait faire naître une flamme en moi, tant sur le plan scientifique que sur le plan de l’impérieuse nécessité de préserver le patrimoine végétal sauvage. Je pense que je devais boire ses paroles lors de ses cours illustrés d’un nombre incroyable de diapos. Et les sorties sur le terrain, en bord de Loire ou ailleurs me comblèrent (en revanche, la plupart de mes condisciples étudiants souffraient voire décrochaient). J’eus donc l’occasion de voir ce qu’était un « vrai » botaniste de terrain, en tout cas ce fut le premier. Cependant, à cette époque, il ne me témoigna aucune amitié particulière, ni ne fit mine de s’intéresser à moi. Et pourtant, c’est bien ce qu’il fit en coulisses, mais je ne l’appris que bien plus tard. En effet, c’est en partie grâce à lui que mon service militaire non encore terminé, on (pas lui, l’ancien responsable de ma formation bac+4 qui devint plus tard mon directeur de thèse) me demanda de venir faire des inventaires floristiques dans la vallée de l’Indre et l’automne venu, donner mes premiers cours à des stagiaires de formation continue. L’année suivante, je fus amené à le croiser à nouveau lors d’un séminaire sur la Loire dans lequel je présentais mes premiers travaux. Je craignais énormément ses réactions (cela n’était pas un tendre et je l’ai dit, il était exigeant), mais il n’y eut aucune réaction de sa part. Était-ce une forme de retenue (pas tellement son genre) ou de reconnaissance tacite ? Je l’ignorais à l’époque. Et puis il y eut mon DEA et le démarrage de ma thèse, mais à laquelle il n’était pas associé. Assez logiquement car, il n’était pas titulaire d’un doctorat, n’ayant jamais soutenu sa thèse ; cependant en tant qu’ingénieur agronome ayant fait toute sa carrière en tant que maître assistant (fonction qui n’existe plus aujourd’hui dans les universités), il fut promu officiellement sur concours (dossier + entretien) maitre de conférences environ huit ans avant sa retraite, cas particulièrement rare. Je précise qu’outre ses fonctions universitaires, il était président d’une société de botanique dont je fus membre durant des années. Nous nous retrouvions donc régulièrement sur le terrain à cette occasion pour des sorties d’inventaires et des discussions et c’est dans ce cadre qu’il m’intronisa littéralement comme « le » botaniste montant. En revanche, dans le cadre universitaire (recherche), il me trouvait trop réservé lors des réunions. Mais en même temps, je découvrais ce monde… qui me fit fuir. Autant il avait reconnu mes aptitudes scientifiques, autant il doutait de mes autres attributions professionnelles. Il faut dire qu’après avoir quitté Tours, je ne le vis plus beaucoup pour ne pas dire pas du tout. Ainsi, il fut très étonné d’apprendre que j’étais devenu directeur de ma structure. Et un peu plus tard, je fus amusé de constater qu’il s’était vanté sur les forums et réseaux sociaux d’avoir été mon prof, bref une forme de titre de gloire. Par ailleurs, bien que possédant des connaissances encyclopédiques, il n’était pas sans défauts. S’il n’avait pas soutenu sa thèse, c’est parce qu’il s’était certes fait volé son manuscrit dans sa voiture (il aurait pu à mon sens le reconstituer), mais aussi et surtout parce qu’il éprouvait beaucoup de difficultés à rédiger des articles scientifiques concis. Je m’en suis aperçu lorsqu’on nous avait confié la rédaction de plusieurs articles sur les végétations des grèves de la Loire (qu’il connaissait fort bien) pour lesquels je dus rédiger plus de 99 % desdits articles. Mais peu m’importait, ce fut même l’occasion pour moi de « tuer le père », alors que je m’étais rapproché d’un autre botaniste de la génération précédente (qui aurait 101 ans) et avec lequel je m’entendais merveilleusement bien. En fait, ce n’était pas la question de « tuer le père », mais bien d’avoir d’autres approches, d’autres perspectives et la nécessité que j’éprouvais (et qui était attendue) de tracer son propre chemin innovant en se nourrissant de beaucoup de de choses.

A la retraite depuis 2010, il allait souvent chez son fils en Italie et il continuait d’avoir des activités associatives. A la fin de l’été 2020, il m’apprend qu’il avait été atteint gravement par la COVID-19 au printemps et qu’il était à présent atteint par un cancer du sang. Les nouvelles suivantes furent un long courriel adressé à beaucoup de monde au printemps 2021, indiquant qu’il souffrait beaucoup des traitements de chimiothérapie. Le sachant fort sujet à la dépression (auparavant, il déprimait tous ans à la fin de l’automne et une partie de l’hiver, et le printemps revenu, tout rentrait dans l’ordre), je ne savais pas trop à quoi m’en tenir. Aux alentours de Noël 2021, nouveau message avec que du positif, rien ou presque sur sa maladie, ce qui laissait augurer du mieux. Et lundi, j’apprends son décès de diverses sources. Il n’avait que 74 ans. De la tristesse, bien sûr. Restent des souvenirs de sorties très plaisantes.

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Commentaires
C
Calyste> Pas de photo<br /> <br /> <br /> <br /> Plume> Pas de souci cette année encore.
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P
Calyste > Laisse-leur le temps de digérer le gâteau :) :) :)
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C
Et rien sur l'anniversaire de la Marquise ?
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C
Karagar> Forcément, c'est une histoire vieille de 30 ans...<br /> <br /> <br /> <br /> Calyste> Je pensais quand même le revoir sur la Loire, mais il n'a pas pu attendre.
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C
Bel hommage à un Maître.
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K
au moins autant intéressant pour ce qu'on apprend de Cornus...
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Cornus rex-populi
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