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Cornus rex-populi
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5 septembre 2018

Discrétion (2/2)

Pratiquer consciemment ou inconsciemment une certaine discrétion verbale peut aussi s’accompagner d’une discrétion du corps, sinon visuelle, au moins sur le plan sonore.

J’ai déjà évoqué ici les relations amicales particulières que j’ai longtemps pu avoir avec C. M’observant gamin, il avait dit, amusé, à mon père que je manquais singulièrement de discrétion lorsque je me déplaçais avec mes bottes dans les bois ou le long de l’étang du Dragon terrassé. C’était son instinct d’ancien braconnier qui parlait, mais aussi de maquisard puis de combattant dans l’armée régulière dans les poches de l’ouest de la France en 1944-45. En effet, il avait évoqué (une seule fois sans doute car il ne parlait pour ainsi dire jamais de cela) des combats en forêt (pinèdes du genre de celles des Landes) où Allemands et Français, homme à homme, face à face, se tiraient dessus entre les troncs d’arbres. Il y avait bien sûr participé et indiquait que la discrétion et la vue perçante étaient des éléments déterminants de survie dans un tel contexte. Autrement dit, tirer (et bien tirer) sur l’autre avant de se faire voir. « C’était lui ou moi ». Et il était bien conscient qu’il avait eu de la chance. C’est pourquoi, pour lui la discrétion, le silence du « prédateur » ou du « hors-la-loi » étaient des qualités fondamentales.

Par ailleurs, pendant l’Occupation, il n’avait cessé de braconner des, y compris les cervidés dans l’immense parc du château, siège de la Kommandantur locale, alors que cela grouillait partout de soldats allemands. Il finit par être repéré (par qui, comment ?) et n’eut d’autre choix que de rejoindre un des multiples maquis morvandiaux. Inutile de dire qu’il avait appris ici aussi de sacrées ruses, comme par exemple, croiser des herbes le long d’un vague sentier afin de savoir si une personne était passée à cet endroit durant une période de temps définie et s’il convenait de se méfier plus qu’à l’accoutumée ou pas. Cela impliquait en retour de ne pas laisser la moindre trace visible de son passage ou de sa présence à un endroit donné.

Pour les activités cynégétiques ou halieutiques, la discrétion n’est pas toujours obligatoire dans toutes ses composantes, mais il y a néanmoins des cas où elle est primordiale. C’est notamment le cas de la pêche à poste fixe de certains poissons (carpe) ou itinérante le long des ruisseaux (truite). Pour cette dernière, j’ai appris grâce à lui une technique assez efficace, que j’ai mise à ma sauce (la pêche « au toc » le long des ruisseaux boisés est en effet délicate et finalement assez peu pratiquée).

J’avais donc acquis au fil du temps, des manières discrètes de me faufiler au bord de l’eau (voire sur l’eau) ou dans les bois. Est-ce pour cela que j’ai manqué plus d’une fois d’être renversé par un chevreuil et une fois par un sanglier qui ne m’avait pas calculé ? Que j’ai capturé des brochets à quelques centimètres de la barque ?

Il m’est arrivé de faire des prospections sur le terrain avec des collègues. Est-ce une curieuse habitude ou la peur d’être pris pour un gibier par des chasseurs prompts à tirer sur n’importe quoi, mais nombreux sont ceux qui trainent bruyamment leurs bottes ou chaussures. Et je ne parlerai pas des pêcheurs qui viennent au bord de l’eau avec la radio ou un CD hurlant. Pour ce dernier exemple, Fromfrom m’a rappelé il y a quelques temps la crise que j’avais piquée il y a une dizaine d’année le long de l’étang du dragon où un ancien collègue de mon père passait des chansons en boucles d’un célèbre présentateur de télévision, un sommet de la beaufitude. Les sons de la nature et ses silences ne sont-ils pas mille fois plus intéressants et plaisants ? Le gobage répété d’un poisson, les frictions d’ailes des libellules, le cri du martin-pêcheur, le tambourin du pic-épeiche, les jacasseries du geai, les sifflements de la buse…

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Commentaires
C
Plume> Sans aucun doute.<br /> <br /> <br /> <br /> Calyste> Ceux qui jettent dans la nature n'ont aucun respect, sans doute à commencer pour eux-mêmes. Et il n'y a aucune sanction, et comme "tout le monde fait pareil", alors... Cela m'énerve...
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C
Il y a le bruit, je suis bien d'accord, mais aussi les détritus de tous ceux qui prennent la nature pour une poubelle. Comment peut-on se foutre du monde à ce point ?
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P
Vous eussiez aimé mon campement des bords de l'Aulne... :)
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C
Karagar> Le vent dans les arbres : tremble, pin sylvestre, épicéas, chêne, bouleau, hêtre, frêne... de quoi en faire une symphonie. De temps à autres, j'adore me retrouver seul au milieu d'un lieu sans trace humaine visible ni audible, m'asseoir ou me coucher à terre et écouter le silence occupé de la "nature".
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K
allez dans la nature et amener son vacarme avec soi me hérisse aussi... mais sait-on écouter tous ces bruits de la nature : vent ds les plantes, oiseaux et autres animaux, vagues lointaines qui moi me comblent de plus en plus... nos vies sont de plus en plus "meublées" par les écrans divers + casques au point que tous les interstices (de silence ou d'inoccupation) en angoissent beaucoup...
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Cornus rex-populi
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