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Cornus rex-populi
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6 février 2016

Mon oncle, mon parrain

Hier matin, alors que j’arrivais à peine dans mon bureau et saluait un collègue au passage, mon téléphone portable a sonné. Quand j’ai vu qui me téléphonait, j’ai immédiatement songé au motif de l’appel. Mon père m’a annoncé le décès de mon oncle et parrain, le mari de la sœur de mon père. Ils habitent près de Valence dans la Drôme.

Ce n’était donc pas véritablement une surprise puisqu’il avait fait un nouveau séjour de quelques jours à l’hôpital, était rentré à la maison depuis une dizaine de jours dans le cadre d’une sorte de formule d’hospitalisation à domicile. Difficile de dire exactement de quoi il est mort, car c’est très certainement multifactoriel : le diabète de longue date, problèmes de régulation rénale, affection broncho-pulmonaire et sans doute d’autres choses. Il y a aussi un état général. Depuis des années, il avait pas mal maigri et était assez « éteint ». Dans la conversation, s’il était assez actif et pertinent au départ, il finissait par lâcher prise et sommeiller.

Depuis des années, il était devenu complètement aveugle, non pas à cause du diabète, mais à cause d’une maladie de la rétine qui a commencé à l’atteindre bien avant l’âge de 40 ans (il avait 81 ans). Sa cécité a été très progressive. Il était receveur à la poste, donc le patron, et si ma tante n’avait pas travaillé avec lui, il n’aurait pas été en mesure d’assumer son travail jusqu’au bout durant ses 15 dernières années d’exercice. Il y voyait encore, un peu comme dans un trou de serrure et arrivait à écrire en gros avec un marqueur. Il compensait par une mémoire extraordinaire, par la parole (dont le téléphone) et par un côté avenant, agréable, très apprécié par la clientèle.

Apprécié pas que par la clientèle d’ailleurs, par beaucoup de monde. Il avait aussi cette facilité de plaisanter avec tout le monde. Comme il avait une culture générale assez étendue, les plaisanteries étaient souvent assez fines, avec son air de ne pas y toucher. Cependant, cela dépendait parfois à plat, parce que ses interlocuteurs étaient parfois assez bas de plafond et comme il ne voyait pas bien clair (puis plus du tout), il ne pouvait pas bien se rendre compte de la réaction de ses interlocuteurs. Mais peu importe, je me souviens bien de fous rires avec des commerçants. Quand nous étions en famille, il arrivait qu’après une interruption, il poursuive une conversation avec moi, alors que j’avais quitté la pièce.

Il était natif du Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire et était de religion protestante. J’avais séjourné là-bas avec mes oncle, tante et cousins, avec ses parents et j’avais pu voir combien ils étaient inféodés à leur religion : pas question de commencer un repas sans certaines simagrées, pas question de passer sous silence la prière du soir. Sinon, ses parents étaient des personnes d’une grande gentillesse. Lui, en dehors du fait qu’il était agacé par les références à la Vierge Marie, je ne l’ai jamais entendu parler de religion.

Depuis une dizaine d’années, je voyais moins mon oncle et ma tante, car ma tante qui conduisait tout le temps, a désormais plus de mal à conduire. Auparavant, je les voyais assez régulièrement à Autun car ils venaient souvent voir ma grand-tante, jusqu’à son décès en 2007. Ils étaient néanmoins venus à notre mariage en Bretagne, avec mon cousin et sa compagne.

A la fin des années 1950 ou au tout début des années 1960, ma tante et son futur mari devaient débarquer en gare d’Autun. Mon grand-père et mon père devaient venir les chercher. Comme les deux compères étaient en avance, ils étaient allés boire un coup au bistrot faisant face à la place de la gare. Ils les ont donc vus débarquer avec des valises à travers les vitres. Avant de sortir du bistrot, mon grand-père avait déclaré un truc du genre : « Tiens, on dirait Gaston » en référence à l’un des personnages du fameux feuilleton radiophonique La famille Duraton qu’incarnait Jean Carmet. Pourtant prénommé en référence au saint patron des boulangers, mon père l’a régulièrement surnommé ainsi et répondait quand on il l’appelait ainsi. Je n’ai jamais entendu La famille Duraton (ni vu les films), mais je puis néanmoins témoigner que mon oncle n’avait ni la façon de parler, ni le vocabulaire supposés de Gaston et pas davantage le physique de Jean Carmet. Au contraire de ce dernier, mon oncle était un homme assez grand et élégant, et préférait le Bourgogne au Bourgueil. D’ailleurs, son élégance était globale : il était toujours aimable avec tous ses interlocuteurs et portait la même attention à tout le monde.

Je n’avais que deux oncles et deux tantes, tous proches, tous des gens bien. En voilà un de moins. Je suis triste parce qu’il va me manquer, je suis triste parce les autres, ainsi que mes parents, sont tous sensiblement du même âge et ne sont, comme tout le monde, pas éternels. Mais il reste aussi des souvenirs qui font que jai limpression de nêtre pas sorti de l'enfance, mais aussi que le temps a inexorablement passé, tant les choses ont bougé depuis.

Les obsèques ont lieu mardi, mais nous partons plus tôt (escale chez mes parents).

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Commentaires
A
Mon père a l'esprit très clair .Mais une mauvaise hernie discale l'empêche de marcher depuis un an.Donc hospitalisation à domicile.<br /> <br /> Bien sûr , 80 ans ce n'est plus "très vieux " comme autrefois .<br /> <br /> Bonne santé à tes parents !
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C
Aln03> Oui, toujours élégant, dans tous les sens.<br /> <br /> Encore jeune, oui d'une certaine manière. Mais son état général s'était dégradé depuis plusieurs années, et il avait de fait vieilli, au contraire de mes parents, sensiblement du même âge et qui se "tiennent" encore assez bien, heureusement.<br /> <br /> 97 ans, c'est bien, et j'imagine qu'il va bien encore.
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A
Je viens de voir la belle photo .Quelle élégance ! perdre un oncle ou une tante interpelle car c'est le départ de la génération qui précède .Que ton oncle repose en paix .<br /> <br /> Moi qui suis beaucoup plus âgée que toi, je trouve encore jeune les gens de 81 ans car j'ai toujours mon père qui a 97 ans .
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P
Très belle cette photo !
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C
Calyste> Merci beaucoup à toi. Je ne pense pas quitter, au moins pour l'instant, mon enfance, sans doute parce que c'est le premier de cette génération proche. Et pour ce qui te concerne, si tu penses avoir quitté cette enfance, tu en gardes des souvenirs vivaces (ce qui me touche d'ailleurs). Certes, les souvenirs n'ont rien à voir avec le sentiment que j'évoquais, que les personnes qui ont (eu) des enfants ne vivent probablement pas de la même manière.<br /> <br /> Je n'ai qu'un souvenir très imprécis du Chambon. Il faudra que nous y allions avec Fromfrom dans tous ces coins qui ont dû conserver un certain charme.<br /> <br /> Tu vas voir qu'on va se retrouver presque cousins nous deux ! :-)<br /> <br /> <br /> <br /> Karagar> Mes oncles et tantes se résument à 4 personnes (si je passe sous silence un oncle jamais connu et pour ainsi dire qui se cachait). Il s'est toujours trouvé que mes parents et moi avons toujours été proches d'eux et nous nous voyons souvent, comme mes 4 cousins et cousines. Si je compare à la famille de Fromfrom avec sa trentaine d'oncles et tantes et ses 45 cousins, dont une grosse majorité de ces derniers sont assez inconnus. Donc ta situation ne m'étonne guère, même si elle n'est pas tout à fait comparable. Cela ne m'étonne pas, mais je la trouve néanmoins singulière. Et moi le fils unique, durant mon enfance, mes cousins pouvaient faire office de frères et sœurs par certains égards. Pour moi en tout cas, cela a eu une certaine importance. J'en ai pris conscience qu'il y a peu. <br /> <br /> 102 ans, à comparer avec les 117 et 111 ans de mes grands-pères.<br /> <br /> <br /> <br /> Plume> Ah oui, c'est comme ça l'endogamie plumière. Pourtant, c'est pas vraiment ça les cousins à la mode de Bretagne !<br /> <br /> Oui, comme je le disais, mon oncle était bien à notre mariage. C'était le seul non-voyant parmi les invités. Pas dit que tout le monde ait vu son handicap. Je poste dans la foulée une photo de lui avec ma tante à la fin de la cérémonie à l'église. Il était encore flamboyant à l'époque.
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P
Un peu pareil pour moi au moins du côté paternel puisque j'ai dû apercevoir mon oncle (et parrain) une fois quand j'avais 5 ans, et jamais ses épouses successives. Je crois vaguement savoir que j'ai des cousins de ce côté-là, mais suis pas certaine. Quand à mes petits-cousins côté maternel je ne suis pas sûre que je les aurais reconnus dans la rue ! On a du se voir 2 fois en 50 ans, quelque chose comme ça.<br /> <br /> Évidemment y a l'exception de ma seule petite-cousine que je vois tous les jours, vu qu'elle est mariée à mon frère ! Eh oui on pratique l'endogamie dans le clan Plumier...<br /> <br /> <br /> <br /> Je me demandais : était-il à votre mariage, cet oncle ?
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K
C'est fou comme la rapport à ma famille diverge du vôtre (j'inclus Calystee). Mes oncles et tantes étaient des personnages si lointains qu'il n'aurait même pas été question que je me rende à leur enterrement. Il reste de la génération de mes parents qu'une tante par alliance (épouse d'un des frères de mon père). Je me demande bien qu'elle âge elle peut avoir, sachant que mon père était le plus jeune de la famille et qu'il aurait cette année.... 102 ans !
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C
Tante dont le fils, mon cousin, habite d'ailleurs Valence.
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C
Nous avons le Chambon en point commun :ma tante (protestante) était de là-bas. Et puis le saint patron des boulangers (mon grand-père). <br /> <br /> Ce que tu dis à la fin, sur la sortie de l'enfance, me touche beaucoup car j'ai eu vraiment le sentiment de la quitter le jour où tous ceux qui m'entouraient de la génération précédente sont partie. <br /> <br /> Amicales pensées.
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Cornus rex-populi
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