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Cornus rex-populi
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11 octobre 2006

DÉVASTÉ

Mon père, dans la seconde moitié des années 1960 a été conseillé par des forestiers, en particulier par des ingénieurs et techniciens de l’administration des Eaux et Forêts (maintenant, c’est l’Office National des Forêt qui gère des forêts domaniales et de celles des collectivités ou conventionnées). Ce conseil visait à abattre un boisement de 5 ha de feuillus composé en majorité par un peuplement de bouleaux ou de trembles, et de le remplacer par une plantation d’épicéas (essentiellement de l’Épicéa de Sitka (Picea sitchensis (Bong.) Carr.). Une opération non rentable à l’époque puisque le bénéfice lié à la vente du bois servit à la fourniture des plants puis au débroussaillage de la plantation pendant plusieurs années. Moi-même, dans la première moitié des années 1980, j’ai apporté ma contribution pour permettre aux épicéas de pousser dans de meilleures conditions. Une opération pas très futée non plus sur le plan sylvicole, puisque la parcelle se situe en grande partie sur des sols tourbeux et humides. Enfin, une opération écologiquement pas terrible du tout. En effet, sous un tel boisement, la flore est particulièrement peu diversifiée et il est probable que la faune s’en ressent également. En revanche, un collègue mycologue y trouva son compte il y a quelques années en découvrant ici une espèce de champignon qui n’était alors connue, en France, que dans le massif de Fontainebleau.

Les scolytes représentent diverses espèces d’insectes de l’ordre des Coléoptères qui pondent au niveau de l’écorce des arbres. Leurs larves creusent des galeries sous l’écorce, ce qui mène à une mort rapide des arbres touchés. Jusqu’à présent, la plantation d’épicéas fut épargnée par cette « épidémie » galopante. Mais peut-être à cause de la canicule de 2003, certains arbres ont été fragilisés dans la région et les scolytes se sont propagés encore plus rapidement, jusqu’à atteindre la plantation cette année. Alerte rouge ! Décision de faire venir le technicien forestier (pas l’ONF cette fois) et même conclusion que celle que je redoutais : abattre l’ensemble des épicéas. Décision prise immédiatement en août. Travaux commencés la première quinzaine de septembre, et le week-end dernier, constat des dégâts.

Lorsque je découvris la chose, je fus à la fois impassible, car résigné, mais réellement ému. La forêt, même très artificielle, n’était plus. Mon environnement familier avait disparu. Ces arbres que j’avais vu pousser au fil des ans se retrouvaient bêtement entreposés le long de la route, sans branches, saucissonnés. Surtout, les histoires intimes que j’avais eues avec ce lieu semblaient être englouties avec les arbres. Quel pincement au cœur. A ce moment là, j’avais l’impression d’être le seul à m’émouvoir d’une telle situation, à m’inquiéter aussi des capacités de régénération forestière et enfin de la vitesse de cicatrisation de cette plaie ouverte. Comme si, moi aussi, je portais cette plaie. Heureusement, sans que j’éprouve le besoin de m’exprimer, lorsque, le même jour, je fis découvrir la scène à S., cette dernière comprit d’emblée ma meurtrissure. Heureusement encore, je me plut à penser que cette parcelle allait, in fine, retrouver un boisement spontané et diversifié et que j’allais en être le témoin privilégié. Et qu’en dehors d’une parcelle plantée au début des années 1990 en Sapin de Douglas (Pseudotsuga menziesii (Mirb.) Franco), il n’y aurait plus de « conneries ». Plus de telles inepties comme ces coupes à blanc traumatisantes à la fois pour l’écosystème forestier et pour moi-même. Du moins, je m’y engage, à moins que mon paternel ne m’écoute pas, mais le risque est assez faible, tant je suis entêté, parfois…

Avant, un jour de neige :

SGAv

Et après...

SGAp1

SGAp2 

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Commentaires
C
A Laouen> Effectivement, les coupes à blancs, quitte à me répéter, sont une catastrophe à la fois sur le plan émotionnel et sur le plan écologique, même si sur ce dernier point, la catastrophe soit davantage relative quant il s'agit de monocultures de conifères exogènes (= non indigènes = allochtones = non autochtones = exotiques*) : pineraies (# pinèdes), sapinières, pessières (= boisement d'épicéas*)<br /> <br /> * ces précisions sont plus pour Ar valafenn :-)<br /> <br /> Autrement, c'est bien s'il y a de beaux chênes dans le bocage.<br /> <br /> A Ar valafenn> Je ne connais pas bien entendu ces espaces. J'ai des collègues à Brest qui doivent connaître ça par coeur, j'imagine...<br /> Autrement bravo, Ar valafenn, tu as découvert la prénom de ma chère forêt ! ;-)
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A
Laouen> Ahhh, je connais bien les landes de Lanvaux pour avoir habité quelques années sur ses contreforts. Massif très intéressant à mon avis pour Cornus. Il y a de superbes espaces naturels, même si c'est souvent des pins maritimes. Je pense aux landes de Pinieux à Sérent, aux tourbières de Kerfontaine, au Cours et à Molac, à St-Guyomard... Plus à l'ouest, les landes de Lanvaux s'achèvent sur les superbes forêts (de grands sapins surtout) de Camors et Florange... <br /> Cornus> Je viens de réaliser quelque chose d'amusant concernant le prénom de S. Un prénom qui était fait pour ravir un botaniste, non, vue sa signification ?
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L
je connais bien le phénomène raconté par Kleger...<br /> on repasse à un endroit aimé, ou simplement connu, et hop, plus rien.<br /> Les traces d'une forêt devastée.<br /> j'en connais une, exploitée, du coté de Saint Goazec. Un beau jour, ils ont abattu les sapins, ont trainé les gros troncs le long de la pente.<br /> Ce faisant, tous les jeunes arbres ont été massacré par la chute des géants<br /> des années après, il reste encore des branches mortes partout, meme si la forêt a repris le dessus. quand aux champignons.. ils font ce qu'ils peuvent<br /> dans mon nouveau chez moi, le pin est partout.<br /> je ne sais pas si c'est "logique" dans ce coin de Bretagne (est morbihan, lanvaux)<br /> les fougères tapissent le sol, les chataigniers et les chênes s'incrutent parfois, et les champignons pullulent.<br /> La forêt est magnifique, meme si elle est "peut être" mal plantée, par des espèces non bretonnes.<br /> Et ici, elle s'étale sur des dizaines de km.<br /> partout, les talus ont survécu, et au milieu de certaines patures, des chênes géants demeurent, epargnés par les tracteurs.<br /> je rêve.. j'espère que çà durera
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C
A Pierre> Bienvenue. Au delà de la poésie, c'est assez vrai. Mais plus que l'arbre, c'est la forêt qui compte. Pour s'en convaincre, il faut lire le livre d'Annik Schnitzler sur l'écologie les forêts naturelles et semi-naturelles d'Europe publié chez Tec & Doc en 2002. J'aurai l'occasion, là aussi de revenir sur ce sujet.
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C
A Kleger> Mais non, tu n'es pas vieille ni encore moins l'autre mot que tu prononces. Oui, il existait de bons champignons sous la pessière qui a été anéantie. Je ferai un jour une note où je détaillerai les problèmes écologiques liés aux plantations monospécifiques de conifères.
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P
L'abre devarit être le meilleur ami de l'homme
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K
De retour dans mes montagnes je vais faire un tour champignons. Puisque le panier était généreusement garni en bolets et cèpes, direction une sapinière qui me donnait chaque année gentiment quelques poignées de fausses girolles, et paf, plus de sapinière. Et en rentrant je tombe sur ta note. Du coup, moi qui ait toujours maudit les sapinières dont le pays est inondé (enfin, inondation super sèche!!), ben ce soir je modère ma malédiction. Je vieillis ou je deviens moins con ? Ou les deux, hihihi ! Merci pour la réflexion suggérée par ton texte.
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C
Ar valafenn, oui, en Bretagne (je m'adapte à tout). Je te laisse le choix du terrain aussi ! L'époque : forcément le printemps ou le début de l'été pour être plus "parlant" !
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A
Oh, l'idée est intéressante. Il faudra envisager cela un jour, de préférence en Bretagne, mais peut-être ailleurs aussi. :)
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C
A Atanane> C'est exact. Quand on voit tomber une forêt que l'on connaît mal, on s'en remet assez facilement, quand elle nous est familière, on se sent mal.<br /> <br /> A Karagar> Je me doutais bien que cela te toucherait. Moi, je m'y étais habitué psychologiquement depuis longtemps, mais de voir le résultat in situ, c'est terrible. Mais il y a pire, et je vivrai assez longtemps, je pense, pour voir l'écosystème se reconstituer.<br /> <br /> A Ar valafenn> Tu n'es pas nul, puisque déjà tu t'y intéresses et tu es sensible. Ecoute, je ne sais pas si je vais me transformer ici en professeur de botanique et d'écologie forestière, car cela pourrait devenir un peu monotone, mais j'aurais presque aimé te faire des propositions de sorties en forêt, mais tu es loin. Encore que, rien ne soit immuable là dessus... Mon paradis n'est pas perdu : le coeur en demeure intact, même si le pourtour en a été meurtri. J'espère que tout va se reconstituer et que d'ici 40 ans, on aura quelque chose de mieux encore, sauf si d'autres atteintes environnementales majeures et/ou globales viennent tout saccager, ce qui n'est malheureusement pas impensable.<br /> <br /> A Patriarch> Je vois très bien de ce dont tu parles, même si ce que je vois moi est davantage motorisé par rapport à toi. Pas plus tard que pendant mes vacances de Toussaint il y a près d'un an, je me suis transformé, avec mon père et des amis, en vilain abatteur d'arbres pour faire du bois de chauffage : des chênes à moitié secs et sur quelques centaines de m² à peine.<br /> <br /> A tous> Vous me faites grand plaisir en venant commenter cette note avec une telle compréhension.
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P
Ado, j'allais avec mon oncle, le frère à ma mère,faire notre coupe de bois.Le garde forestier marquait les arbres que nous devions laisser,et tout le reste était à abattre et la souche à ras le sol.J'aimais ses jours là, d'abord,parce que j'avais le droit de rouler à côté de lui,avec une pétrolette (100cm) et lui avec sa Terrot. Et aussi, le lard et les patates cuites dans la cendre. La confection des fagots à ma charge, lui abatter et ensuite nous débitions à la scie passe-partout,il ne faut que tirer sur la poignée et jamais pousser. Jamais, je n'ai vu faire une coupe totale.C'était de bonnes journée de jeudi, malgré le froid !
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A
Moi aussi, je suis peiné. J'adore les forêts (d'où aussi mon intérêt pour en savoir plus sur les variétés des arbres, car je suis paradoxalement très nul là dessus) et je n'aime pas non plus voir de telles images.<br /> Espérons, effectivement, que cela soit une occasion pour toi de faire à nouveau quelque chose de bien de ce paradis perdu. C'est peut-être un signe, une chance à saisir, effectivement.
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K
c'était pas super économiquement ni écologiquement mais cette perte me touche... voilà un propos nuancé et sensible auquel je suis ... sensible.
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A
voir tomber un arbre me fait de la peine; quand c' est toute une forêt c' est une tragédie; je suis profondément peiné pour toi, ej comprends ta tristesse.
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Cornus rex-populi
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