Le vaccin à ARN messager (épisode 1)
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, je pense que l’on devrait passer plus de temps à enseigner les sciences et consacrer beaucoup plus de temps dans médias à expliquer les sciences. Pour les médias, on devrait parler moins des compétitions sportives et du « business » qui en découle, des frasques des stars à deux balles et surtout des polémiques politiques stériles. Dans les « grands » médias, de trop nombreux journalistes n’ont même pas cherché à expliquer ce qu’était un vaccin à ARN messager et a fortiori ce qu’était l’ARN messager. D’autres l’ont fait de manière tellement synthétique et convenue que je pense que soit les gens n’ont pas compris, soit ils ont compris de manière biaisée ou notoirement incomplète voire trompeuse. Je pense sincèrement que seules certaines personnes ayant fait des études suffisamment solides en biologie ont compris. Et encore, je n’en suis pas sûr puisque j’ai pu noter avec une certaine stupeur que certaines personnes ayant fait des études en biologie post-bac comme ma cousine (bac + 5, certes pas en biologie cellulaire, mais avec un fort parcours en biologie tout de même), n’ont pas forcément bien compris le mode d’action des vaccins à ARN messager. Je me lance donc, de manière un peu « désespérée » dans une explication inédite et très cornusienne. Pour cela, je propose une petite série en quelques épisodes.
Je commence par la présentation de la cellule. Je vais parler de cellule animale, mais les cellules végétales ont une structure et une organisation assez proche.
Les cellules des eucaryotes (organismes dont nous sommes ayant des cellules à vrai noyau – pour information, les organismes qui n’ont pas de noyau distinct sont des procaryotes comme c’est le cas pour les bactéries). L’être humain est composé de 30 000 000 000 000 (3.1013) cellules qui mesurent généralement de 10 à 100 µm de diamètre (10 à 100.10-6 m soit un dixième de millimètre pour les plus grosses, ce qui les rend visibles à l’œil nu, mais pas pour les autres uniquement visibles au microscope).
Figure 1 – Les cellules sont le siège de nombreuses réalisations, synthèses et beaucoup sont très spécialisées, mais l’immense majorité de ces cellules possèdent une organisation comme le montre la figure suivante (source : Kelvinsong via Wikipedia) dont j’ai commenté la plupart des numéros indiqués sur la figure.
1-2 – noyau (ne pas tenir compte du 1) : lieu de stockage de l’information génétique (ADN – acide désoxyribonucléique – généralement sous forme contractée en chromosomes ; j’y reviendrai).
3-4-5-6-8 – « usine » à protéines
- 3 et 5 – ribosome : lieu de traduction des ARN messager en protéines (j’y reviendrai).
- 6 – appareil de Golgi : lieu de « finition » des protéines.
7 – cytosquelette : « armature » de la membrane des cellules.
9 – mitochondrie : centrale d’énergie de la cellule (lieu de production d’ATP – adénosine triphosphate –, source d’énergie biochimique utile à la division cellulaire, aux métabolismes dont la synthèse de protéines, le mouvement pour les cellules musculaires…). L’ATP est produite notamment via le cycle de Krebs (cycle biochimique complexe) qui utilise notamment des sucres (glucose) ou des lipides ou encore des protéines comme carburant primaire. Les mitochondries contiennent de l’ADN issu de la mère, mais nous n’en parlerons pas cette fois.
11 – cytosol : liquide dans lequel baignent les organites de la cellule.
12 – lysosome : organite spécialisé dans la digestion intracellulaire de différents organites usés/détruits ou divers déchets.
13 – centriole : organite impliqué notamment dans la division cellulaire (faire d’une cellule deux cellules équivalentes).
14 – membrane cellulaire ou membrane plasmique : permet de délimiter la cellule et de l’isoler de l’extérieur. Cette membrane est constituée de deux composants principaux : des phospholipides (tête d’acide phosphorique hydrophile et queues lipidiques hydrophobes) et des protéines qui jouent un grand nombre de rôles dans la membrane cellulaire et bien au-delà.
Voici le décor général posé. A noter cependant que l’organisme comporte des tas de cellules très différentes, parfois hautement spécialisées, parmi lesquelles on peut citer :
- les cellules musculaires (muscles squelettiques) qui peuvent faire plusieurs centimètres de long et possèdent plusieurs noyaux (toutes les autres cellules du corps ont un unique noyau) ;
- les globules rouges ou hématies ou érythrocytes qui constituent la part la plus importante du sang. Chez les mammifères, les globules rouges n’ont pas de noyau (ce sont les seules cellules dépourvues de noyau) ;
- les globules blancs ou leucocytes dont il existe plusieurs formes, assurent la défense immunitaire de l’organisme, seuls (immunité naturelle ou innée) ou via des anticorps (immunité adaptative). Les anticorps sont des molécules (protéines particulières) produites pas une variété particulière de globules blancs : les plasmocytes issus des lymphocytes B. Ces anticorps sont toujours produits de manière très précise de façon à venir lier parfaitement aux antigènes. Les antigènes sont des macromolécules généralement issues d’un organisme étranger (un petit morceau de paroi cellulaire d’un virus, d’une bactérie…). Les anticorps viennent généralement neutraliser les antigènes et par conséquent l’organisme étranger en entier qui peut ensuite être « dévoré » notamment par certains types de lymphocytes (types de globules blancs).