Compte rendu de lecture et éclairage partiel sur l'auteur
GENEVOIX M., 1969. – Au cadran de mon clocher. Plon, Paris, 295 p.
Je viens de terminer la lecture de ce livre. Il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un récit autobiographique. J’avais déjà lu des éléments autobiographiques de l’auteur dans la trilogie Tendre bestiaire, Bestiaire enchanté et Bestiaire sans oubli, mais ceux-ci n’étaient évidemment pas cohérents. J’avais trouvé plus de cohérence dans Trente mille jours, publié en 1980, année de sa mort.
Ce récit n’est assurément pas le meilleur livre de Maurice Genevoix, mais on y retrouve les ingrédients classiques de son œuvre. Quelques constructions de phrases peu classiques, un vocabulaire rare et précis invitant à ouvrir le dictionnaire (pas à chaque phrase bien sûr). Mais surtout l’enfance de l’auteur dans son village ligérien, l’indispensable recours à la poésie du fleuve. En clair, j’étais en terrain connu. Les éléments les plus intéressants, ce sont les descriptions des mœurs villageoises, des métiers de l’artisanat, du commerce, de la paysannerie (…) au début du XXe siècle. Certains aspects économiques sont également abordés et sont à mon avis mal connus : les prix agricoles très bas, surtout sur des terres solognotes peu productives, la misère des paysans et de leurs filles, les bûcherons qui se tuaient à la tâche alors que les tronçonneuses n’existaient pas encore… Et puis, la description des mœurs et querelles politiques locales, souvent hautes en couleurs, les confrontations entre Droite et Gauche, d’un autre temps (elles étaient déjà complètement dépassées lorsque le livre a été écrit). Je crois que c’est le seul livre où l’auteur parle de politique même s’il prend garde à ne jamais s’impliquer, s’engager. Il faut dire que le récit montre le ridicule des affrontements, d’un côté comme de l’autre et montre aussi le côté finalement bon enfant de ces querelles, à quelques exceptions près. En bref, pas un grand livre, mais quelques passages intéressants.
A l’occasion des cérémonies du 11 novembre, certains ont évoqué l’éventualité d’un transfert des cendres de Maurice Genevoix (une simple hypothèse à mon avis). Pourquoi cette idée ? L’écrivain a certes participé à la guerre, y a été grièvement blessé, puis a écrit plusieurs romans de guerre qui ont largement marqué leur temps et révélé l’auteur après 1918. Je dois dire pour ma part que je n’ai pas tout lu de cette première œuvre, d’autant que cela n’incite guère à la poésie. D’ailleurs, dès les années 1920, Maurice Genevoix n’a pour ainsi dire plus véritablement écrit sur la guerre. Sa seconde épouse est décédée en 2012, tout comme sa fille Sylvie, qui était mariée à Bernard Maris, économiste universitaire que les auditeurs de France inter doivent connaître. Est-ce que la disparition récente de ces personnes qui explique cette idée de transfert de cendres ?
Maurice Genevoix, issu d’une famille plutôt modeste est normalien, a obtenu le prix Goncourt en 1925 (Raboliot) et est devenu immortel en 1946, avant d’occuper longtemps le fauteuil de secrétaire perpétuel. Est-ce suffisant pour en faire un homme de droite ? C’est pourtant ce que j’ai entendu à la radio, où on l’opposait à Louis Aragon. Je ne suis néanmoins pas d’accord. Je ne connais pas bien les prises de position de Maurice Genevoix lorsqu’il était à la tête de l’académie française (on n’en trouve pas trace), mais ce que je puis dire, c’est que dans l’ensemble de son œuvre littéraire (je n’ai pas tout lu, mais j’en ai quand même beaucoup lu), rien ne permet de classer cet homme à droite. Certes, on ne trouve pas dans cette œuvre des positionnements clairs à gauche. Mais qui ne se positionne pas clairement, caricaturalement à gauche, à un respect des écrivains prétendus à droite, des institutions (…) serait-il automatiquement classé à droite ? Je ne suis pas l’avocat de Genevoix, mais je constate néanmoins que dans son œuvre, on observe des positionnements humanistes clairs et répétés (désintéressés), un refus de l’embrigadement, une liberté certaine, une sympathie pour la philosophie fouriériste (dans Rémi des Rauches il me semble)… Cela ne veut rien dire. Peut-être l’homme votait-il à droite, mais même si c’était le cas, est-ce que cela en fait un écrivain de droite ? Clairement non pour moi. Un homme de droite ? Pas davantage. Alors, Mesdames, Messieurs les journalistes, éclairez nos lanternes avant de mettre des gens dans des catégories qu’ils auraient eux-mêmes refusé. N’avait-il pas lui-même été qualifié d’écrivain régionaliste, ce qu’il avait refusé, à juste titre.