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Cornus rex-populi
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7 décembre 2012

Compte rendu de lecture et éclairage partiel sur l'auteur

GENEVOIX M., 1969. – Au cadran de mon clocher. Plon, Paris, 295 p.

Je viens de terminer la lecture de ce livre. Il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un récit autobiographique. J’avais déjà lu des éléments autobiographiques de l’auteur dans la trilogie Tendre bestiaire, Bestiaire enchanté et Bestiaire sans oubli, mais ceux-ci n’étaient évidemment pas cohérents. J’avais trouvé plus de cohérence dans Trente mille jours, publié en 1980, année de sa mort.

Ce récit n’est assurément pas le meilleur livre de Maurice Genevoix, mais on y retrouve les ingrédients classiques de son œuvre. Quelques constructions de phrases peu classiques, un vocabulaire rare et précis invitant à ouvrir le dictionnaire (pas à chaque phrase bien sûr). Mais surtout l’enfance de l’auteur dans son village ligérien, l’indispensable recours à la poésie du fleuve. En clair, j’étais en terrain connu. Les éléments les plus intéressants, ce sont les descriptions des mœurs villageoises, des métiers de l’artisanat, du commerce, de la paysannerie (…) au début du XXe siècle. Certains aspects économiques sont également abordés et sont à mon avis mal connus : les prix agricoles très bas, surtout sur des terres solognotes peu productives, la misère des paysans et de leurs filles, les bûcherons qui se tuaient à la tâche alors que les tronçonneuses n’existaient pas encore… Et puis, la description des mœurs et querelles politiques locales, souvent hautes en couleurs, les confrontations entre Droite et Gauche, d’un autre temps (elles étaient déjà complètement dépassées lorsque le livre a été écrit). Je crois que c’est le seul livre où l’auteur parle de politique même s’il prend garde à ne jamais s’impliquer, s’engager. Il faut dire que le récit montre le ridicule des affrontements, d’un côté comme de l’autre et montre aussi le côté finalement bon enfant de ces querelles, à quelques exceptions près. En bref, pas un grand livre, mais quelques passages intéressants.

A l’occasion des cérémonies du 11 novembre, certains ont évoqué l’éventualité d’un transfert des cendres de Maurice Genevoix (une simple hypothèse à mon avis). Pourquoi cette idée ? L’écrivain a certes participé à la guerre, y a été grièvement blessé, puis a écrit plusieurs romans de guerre qui ont largement marqué leur temps et révélé l’auteur après 1918. Je dois dire pour ma part que je n’ai pas tout lu de cette première œuvre, d’autant que cela n’incite guère à la poésie. D’ailleurs, dès les années 1920, Maurice Genevoix n’a pour ainsi dire plus véritablement écrit sur la guerre. Sa seconde épouse est décédée en 2012, tout comme sa fille Sylvie, qui était mariée à Bernard Maris, économiste universitaire que les auditeurs de France inter doivent connaître. Est-ce que la disparition récente de ces personnes qui explique cette idée de transfert de cendres ?

Maurice Genevoix, issu d’une famille plutôt modeste est normalien, a obtenu le prix Goncourt en 1925 (Raboliot) et est devenu immortel en 1946, avant d’occuper longtemps le fauteuil de secrétaire perpétuel. Est-ce suffisant pour en faire un homme de droite ? C’est pourtant ce que j’ai entendu à la radio, où on l’opposait à Louis Aragon. Je ne suis néanmoins pas d’accord. Je ne connais pas bien les prises de position de Maurice Genevoix lorsqu’il était à la tête de l’académie française (on n’en trouve pas trace), mais ce que je puis dire, c’est que dans l’ensemble de son œuvre littéraire (je n’ai pas tout lu, mais j’en ai quand même beaucoup lu), rien ne permet de classer cet homme à droite. Certes, on ne trouve pas dans cette œuvre des positionnements clairs à gauche. Mais qui ne se positionne pas clairement, caricaturalement à gauche, à un respect des écrivains prétendus à droite, des institutions (…) serait-il automatiquement classé à droite ? Je ne suis pas l’avocat de Genevoix, mais je constate néanmoins que dans son œuvre, on observe des positionnements humanistes clairs et répétés (désintéressés), un refus de l’embrigadement, une liberté certaine, une sympathie pour la philosophie fouriériste (dans Rémi des Rauches il me semble)… Cela ne veut rien dire. Peut-être l’homme votait-il à droite, mais même si c’était le cas, est-ce que cela en fait un écrivain de droite ? Clairement non pour moi. Un homme de droite ? Pas davantage. Alors, Mesdames, Messieurs les journalistes, éclairez nos lanternes avant de mettre des gens dans des catégories qu’ils auraient eux-mêmes refusé. N’avait-il pas lui-même été qualifié d’écrivain régionaliste, ce qu’il avait refusé, à juste titre.

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Commentaires
C
A Karagar 1> Je suis d'accord avec toi et c'est la raison pour laquelle Genevoix avait été agacé d'être ainsi traité. Mais il avait eu le grand tort de ne pas habiter Paris avant l'âge de 50 ans passés.<br /> <br /> Je pense qu'un écrivain régionaliste est souvent assimilé à un écrivain du terroir, donc décrivant des moeurs et traditions locales. Je ne sais pas quoi en penser, car là aussi et comme partout il y a le pire et le meilleur.<br /> <br /> Je sais que tu y es sensible et nous sommes je pense sur la même longueur d'onde : maintenant, on dit moins "en province", mais "en région", mais la condescendance parisienne est la même. Ne va-t-on pas enfin dire qu'on habite ou qu'il se passe quelque chose en Aquitaine, à Bordeaux, en Provence, en Alsace, à Clermont-Ferrand, dans le Rouergue où je ne sais où ? Cela m'énerve copieusement, ce qui se passe hors de Paris est du pipi de chat. L'hyper pondération parisienne n'est-elle pas suffisament excessive pour ne pas en rajouter ? La fédération qui regroupe les organismes homologues à celui dans lequel je travaille organise beaucoup de réunions non parisiennes. Cela ne m'arrange pas vraiment personnellement car du coup c'est souvent plus loin, mais au moins cela permet de se décentraliser un peu de temps en temps.<br /> <br /> <br /> <br /> A Karagar 2> C'est fait, votre honneur ;-)
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K
supprimer 1er message svp !
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K
Moi, j'aimerais bien qu'on m'explique ce qu'est une écrivain régionaliste. j'entends manier ce "concept" très souvent dans la bouche de litterairo-médiatiques, avec il faut bien le dire toujours une pointe de mépris dans la voix. Je soupçonne que ce soit bien là un concept franchouillard-centralo-parisdainidte; Bref, s'il s'agit de situer un roman quelque part et de l'y ancrer, tout roman situé en France et qui le montre est régionaliste à l'échelle de l'Europe ou du monde (après tout un seul état des USA est aussi grand que la France) et tous ces romans qui ont Paris comme cadre, comme personnage sont aussi ,j'imagine, régionalistes?? Qu'on éclaire ma lanterne svp
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C
A Calyste> Si écrivain régionaliste veut dire que l'auteur ancre son oeuvre dans une région déterminée, Maurice Genevoix l'est pour une part. Mais le qulificatif me paraît bien réducteur en général. Pourquoi ne pas le qualifier aussi de naturaliste, de poète ?
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C
Je ne connais de cet auteur que le nom et le classais effectivement dans les écrivains régionalistes, ce qui ne m'attire guère. Tu me le fais découvrir sous un autre aspect.
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C
A Plumequivole> Le livre dont je parle n'est pas un roman et n'est pas représentatif de l'oeuvre de Maurice Genevoix, qui ne décrit pas forcément la vie locale d'une bourgade ligérienne ou autre. Et comme je le laisse entendre, ce livre là est loin d'être mon préféré chez cet auteur. Et ne pas le lire n'a rien à voir avec la paresse, mais je voulais juste dire qu'il ne fallait pas se méprendre sur le contenu de son oeuvre. La plus belle réussite à mon avis reste sans doute "La dernirèe harde" même si d'autres ne déméritent pas.<br /> <br /> Je me fiche aussi que l'auteur soit de droite ou de gauche et c'est justement le fait qu'on dise qu'il aurait été de droite qui me choque comme si cela avait été sa marque de fabrique, ce qui est loin d'être le cas. Et tu as raison, des hommes et des femmes de droite ont fort bien écrit, y compris parfois là où on ne les attendait pas.<br /> <br /> Je ne sais pas ce que c'est qu'un auteur régionaliste (enfin j'ai une idée) et je trouve ça détestable l'attitude que tu dénonces. Et tu as raison de brouiller les pistes quand tu fais croire que tu parles d'une action se passe à un endroit. Le peu que j'ai pu écrire mélange les lieux, car les images qui viennent sont multilocalisées et parce que certains noms de lieux sonnent mieux que celui qui aurait été retracé la réalité géographique
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P
Intéressant tout ça. Je n'ai absolument rien lu de M Genevoix, non à cause d'un quelconque a priori contre mais il n'est tout simplement pas passé devant mes yeux ou plutôt mes yeux ont glissé dessus sans s'arrêter quand je l'ai rencontré dans le grenier-à-livres de la maison paternelle. Il n'est pas le seul ! <br /> <br /> Cela dit, de ce que tu en dis, et ce n'est pas la 1ère fois que tu en parles, je dois avouer qu'il ne me tente pas trop. Je ne suis pas fan absolue des romans qui décrivent la vie locale à une certaine époque, même si cet ancrage ne les empêche pas d'avoir un écho plus large, voire universel, sur la nature humaine. Mais j'essaierai un jour de combattre cette paresse !<br /> <br /> Droite / gauche, perso je m'en contrefiche éperdument. Certains écrivains de gauche ont pondu des romans horriblement chiants et à l'inverse des écrivains de droite ont écrits des livres bouleversants. Ça se saurait si les choix politiques d'un auteur déclenchaient miraculeusement le talent ! Et puis faudrait voir à trouver une définition pertinente de cette notion, et puis c'est quoi cette catégorisation autoritaire ? Pour moi ça équivaut à de la censure ou à un autodafé virtuel.<br /> <br /> Pour ce qui est de l'étiquette régionaliste, il n'est pas le seul à qui ont l'a collé. Ah cette maladie des étiquettes ! Il suffit qu'une intrigue ne soit pas située à Paris, centre du monde civilisé, ou au moins en milieu urbain, pour qu'on te la colle. On a fait le coup à Giono, à Queffelec, et à bien d'autres ! Mais il ne faut pas oublier que les lecteurs ne sont pas les derniers à jouer ce jeu. À ma toute petite échelle je l'ai constaté souvent. Les gens cherchent à savoir "où ça se passe" , se font des hypothèses quand toi-même tu ne situe pas géographiquement tes personnages, épient des détails infimes pour décider du lieu précis où ton histoire se déroule, et tu peux toujours courir pour les en détourner ! Si tu voyais leur tête quand je leur réponds que je m'en fiche et même que les choses se situent "quelque part" !Besoin de repères ? En tout cas c'est chiantissime.<br /> <br /> Bon, eh ben dis donc, quelle tartine !
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Cornus rex-populi
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