Échanges bilatéraux
Après le week-end de l’Ascension, nous sommes allés en Angleterre (Kent) dans le cadre des échanges transfrontaliers du projet européen auquel je participe depuis 2009. Au programme, visites sur le terrain et réunions. Le lundi après-midi, les représentants des instances régionales et étatiques sont passées nous chercher (un collègue et moi) et nous fûmes sept à mettre le cap sur Canterbury.
Nous sommes arrivés à notre hôtel en fin d’après-midi. Pour la première fois, j’ai dormi dans un lit à colonnes. En fait, de notre groupe, j’avais hérité de la chambre la plus chic et la plus grande.
Puis, nous avons filé au centre-ville, pour une promenade apéritive. Le temps était un peu gris pour espérer faire des photos intéressantes. J’aurais bien pénétré dans le vaisseau sur les traces d’un certain archevêque, mais personne ne m’aurait suivi et on ne m’aurait pas accordé ce temps. Nous avons quand même dîné au Thomas Becket : très bon sauf le dessert un peu lourd.
Le lendemain matin, visite de forêts et de pelouses calcicoles. Les Anglais ont aussi voulu nous montrer des plantes rarissimes chez eux. La télévision régionale France 3 nous avait rejoints. L’une des deux journalistes, pleine de bonne de volonté, nous posait des questions à mon collègue et à moi, mais elle se montra d’une rare inculture sur les choses de la nature. Il fallut expliquer des choses (enfoncer des portes ouvertes) devant la caméra. Heureusement, le journaliste qui filmait avait un bien meilleur niveau. Le reportage qui en a résulté n’a pas été nul, mais ne fera pas date.
L’après-midi fut consacrée à une longue réunion au cours de laquelle un botaniste anglais nous fit découvrir une méthode pour suivre certaines végétations à destination des non spécialistes : d’un point de vue rigoureusement scientifique, c’est sans doute discutable mais c’est intéressant. Il faut dire qu’en Angleterre, il y a de nombreuses et puissantes associations de protection de la nature et la plupart du temps, les suivis naturalistes sont effectués par des amateurs éclairés.
Au repas du soir, une botaniste anglaise me sortit sur la table un échantillon de plante qu’elle voulait que j’identifie. Pour moi, c’était incompréhensible, il s’agissait d’une espèce facile à reconnaître et je pensais qu’elle voulait connaître le nom de la sous-espèce. Mais non. Le lendemain, les discussions porteront sur la place de la botanique dans la recherche universitaire anglaise. Il s’avère qu’en dehors quelques dinosaures, la recherche universitaire en botanique (flore européenne) semble assez sinistrée, à l’instar de ce qui se passe en France. Toutefois, dans notre pays, la connaissance, l’expertise ont peu à peu été transférées dans des organismes comme celui dans lequel je travaille, organismes dont il n’existe pas d’équivalent en Angleterre, ni pratiquement ailleurs en Europe.
Le mercredi matin, nous sommes allés sur les vastes étendues de galets de Dungeness (pointe près d’une centrale nucléaire). Ce type de milieu est beaucoup moins bien représenté dans le Nord de la France. Le phare pris ici en photo date des années 1950-60. Il succède à un phare abandonné (encore visible) du début des années 1900 et à un autre semble-t-il disparu qui était encore plus à l’intérieur des terres. Pourquoi ? Parce que la terre s’agrandit sans cesse par des dépôts de galets. Sur les hauts de plages de galets, on rencontre des plantes sympathiques comme le fameux Crambe maritima L. (Chou marin).
Plus à l’intérieur, le substrat est davantage décalcifié et permet l’installation de plantes calcifuges, dont Sedum anglicum Hudson (Orpin anglais) que je n’avais jamais vu.
Mardi dernier a eu lieu le « retour » sur le terrain sur la côte d’Opale et dans le Boulonnais où nous avons fait découvrir aux Anglais des types de végétations qu’ils ne connaissent peu. Tout d’abord un vaste massif dunaire (il n’y en a pas dans le Kent).
En revanche, les Anglais ne se sont pas sentis dépaysés sur un de nos coteaux de pelouses calcicoles. Avec le « Versailles » du Boulonnais, appellation pour le moins usurpée.
L’incontournable Ophrys apifera Hudson (Ophrys abeille).
Et puis le communal d’Ambleteuse aux végétations psammophiles décalcifiées, avec de belles et abondantes floraisons de Dactylorhiza sp.
Au final, des échanges qui ne font pas avancer énormément notre travail de fond, mais qui enrichissent clairement nos connaissances mutuelles et nos façons de travailler (et de nous comprendre), même si, de l’aveu même des Anglais, nous avons une approche plus précise et plus scientifique (le poids de l’histoire, de la culture naturaliste très développée en Angleterre et le désengagement de l’État beaucoup plus prononcé qu’en France).