Une vieille dame
La semaine qui vient de s’écouler était consacrée à la 1*4*5e session extraordinaire de la très honorable Société*botanique*de*France. On n’entre pas en son sein librement : il faut être parrainé par deux membres et sa candidature est présentée lors des « séances » (tout ce cirque m’exaspère). Voilà treize ans que je suis membre. J’ai publié un article dans l’une des revues. J’ai participé en 2000 à une précédente session en Alsace (fort intéressante car animée par des personnes de grande valeur). J’ai obtenu le prix de thèse de la Société (j’avais à l’occasion fait une conférence dans les boiseries de l’amphithéâtre de paléontologie du Muséum national d’histoire naturelle de Paris). Sinon, je n’ai pas été très actif dans la Société.
Mais cette semaine, donc, la Société venait nous voir dans la région (environ 35 personnes). La chose avait été organisée depuis longtemps et au boulot, nous étions plusieurs personnes mobilisées pour servir de guides tout au long de la semaine. Mon tour était jeudi, avec un autre collègue, dans le marais audomarois. Le bus est arrivé en avance au premier point de rendez-vous. Je fus présenté par l’organisateur en chef (un des plus grands botanistes français actuels), comme le spécialiste de la Loire, ce qui venant de sa part, m’a un peu épaté. Après avoir délivré quelques explications générales, nous nous sommes mis en route. La moyenne d’âge atteint pas loin des 60 ans, ce qui sous entend que quelques membres frisent les 80 balais. Le passage du bac à chaîne en travers d’un chenal se passe sans encombre, même s’il faut bien quatre allers-retours pour que tout le monde passe. Après être passés au dessus d’une clôture (pas le choix), ce qui valut quelques plaintes (heureusement, un des membres parmi les plus jeunes, dira que la botanique, ce n’était pas toujours confortable), j’ai donné des consignes extrêmement fermes sur la non collecte des plantes. En effet, il existe certains individus qui, au lieu de donner l’exemple, s’autorisent à prélever des plantes protégées ou menacées. Pas de ça avec moi, quitte à passer pour un rabat-joie autoritaire. Dans cette première phase du jeu, j’ai pu constater le piètre niveau de quelques-uns. Si je transpose dans un domaine connu de tous, une des questions qui m’a été posée peut s’exprimer de la manière suivante :
- Monsieur Cornus, ceci est bien un Pissenlit ?
- Non Monsieur, ceci est un Rosier.
Inutile de dire aussi que les mêmes se sont extasiés devant des plantes d’une extrême banalité que nous ne pensions même pas montrer. En revanche, comme j’avais moi-même été ébahi en arrivant dans la région 2002 devant certaines plantes communes au nord de la Loire mais rares ou absentes au sud, je n’ai pas manqué de les montrer. Dont celle-ci, particulièrement abondante sur le site : Acorus calamus L. (Acore).
Le soleil commençait à se faire violent et comme ça traînait derrière, j’ai fait accélérer tout le monde (je n’aime pas trop répéter 36 fois la même chose). Nous avons eu du mal à trouver une espèce qui n’est pas une rareté absolue, mais difficile à trouver sur le site. J’ai obtenu un certain succès lorsque j’en ai découvert un exemplaire caché parmi les roseaux : Ranunculus lingua L. (Grande douve) [photos provenant d’un autre site].
L’après-midi était consacrée à l’observation des plantes aquatiques sur un autre site proche. Le jeu consistait, en particulier, à jeter un grappin et d’aller à la pêche des hydrophytes flottantes ou submergées. A part trois passionnés, cela n’intéressa guère les participants. Et pourtant, nous étions sur un site exceptionnel et il est nécessaire de beaucoup pêcher avant de voir des choses intéressantes. En définitive, la majorité des participants à cette session m’a fait penser que la Société faisait largement office d’agence de voyages en botanique pour retraités. Pourquoi pas, après tout, mais il faut le savoir.