Mes initiateurs (3)
Lors de ma troisième année universitaire, j’eus deux enseignants de botanique :
- le premier, venant de l’extérieur, très bon pédagogue pour les débutants, avec lequel nous fîmes aussi quelques sorties de terrain. Rapidement, il me demanda de ne pas dire (à lui et aux autres) ce que nous trouvions sur le terrain, car de fait, on perdait tout le « suspense » de la détermination ;
- le second, interne à l’université, était quelqu’un qui mettait la barre nettement plus haut. Je pense que durant ses enseignements en salle ou sur le terrain, nous étions deux (ou trois ?) à suivre véritablement et à capter tout ce qu’il disait. Autrement dit, ce n’était un bon enseignant que pour les personnes qui avaient déjà un bon bagage. Le responsable de la formation s’en aperçut et il fit revenir le premier enseignant l’année suivante (ce qui ne me servit à rien puisque j’avais personnellement largement dépassé ce stade).
Ce second enseignant, fut une véritable révélation pour moi, le mot n’est pas trop fort. Une révélation à plusieurs niveaux : il avait l’art de nous raconter les caractéristiques physiques et écologiques des espèces, leur éventuelle rareté, la nécessité de leur préservation. Il a fait naître en moi une furieuse envie de découvrir toutes les plantes vasculaires d’un territoire, y compris les plus modestes, les plus « invisibles ». Et l’envie de les protéger. Je pense que c’est avec lui que j’ai commencé à apprendre mon « sixième sens de la botanique », autrement dit la capacité à détecter des signes de l’intérêt floristique d’un site par quelques indices « insignifiants » qui ne parlent pas au botaniste « ordinaire ». En même temps, je pensais que la botanique était quelque chose d’extrêmement complexe dont l’apprentissage était un processus particulièrement long et difficile. Et effectivement, lorsque je fis mon projet d’étudiant avec lui (étude d’un bord de Loire), je me rendis compte combien mes connaissances acquises en botanique, y compris sur le terrain, étaient insuffisantes pour réaliser des inventaires de qualité professionnelle. En effet, outre la difficulté liée à l’exercice, je m’aperçus assez vite que les bords de Loire comportaient des tas d’espèces peu communes ailleurs avec beaucoup d’exotiques dont on ne trouvait pas trace dans les livres « ordinaires ». Ce fut donc très difficile. Néanmoins, l’enseignant, même s’il ne m’en n’avait rien dit, avait parlé de moi à quelques collègues, dont mon ancien responsable de formation, de sorte que plus tard, ce dernier n’attendit pas que je sois libéré de mes obligations militaires pour contacter mes parents pour me demander si je pouvais faire des inventaires floristiques dans le cadre d’une étude réalisée par une agence d’urbanisme dans la vallée de l’Indre. Puis, moins de deux mois plus tard, pour me demander de donner des cours de botanique à des stagiaires de formation continue…