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Cornus rex-populi
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2 juillet 2007

La Loire : une amante d’eau, de sable et de végétal

Quand Karagar a évoqué son amante de pierre, j’ai immédiatement fait le rapprochement avec mon amante à moi : la Loire. Voici donc bien maladroitement écrit, quelques bribes qui illustrent, je l’espère, mon « indissociabilité ligérienne ».

Paradoxe initial

Né dans le département de la Loire, c’est-à-dire quand même très en amont de ce fleuve, avant que celui-ci n’acquière son caractère royal. Mais né sur un autre bassin versant, celui d’un petit affluent du Rhône.

Enfance inculte

La Loire, ce fleuve si proche fut néanmoins une arlésienne, en réalité une voisine, une quasi-stéphanoise pour moi, mais une inconnue.

Perception d’un premier appel ?

Au lycée, jusqu’en terminale, j’avais un prof d’EPS, discipline dans laquelle je n’excellais guère même si je n’étais pas complètement manchot non plus. Un jour, il vint me raconter à moi (à personne d’autre a priori) ses aventures en tant que militant anti-barrage en Haute-Loire (l’emplacement initialement prévu à Serre de la Fare dans les gorges de la Loire). Il me raconta comment il s’était opposé à l’avancée des pelles mécaniques et autres bulldozers. Il devait alors faire partie de la mouvance SOS Loire vivante. Pour information, le projet consistait, entre autres, à construire un barrage écrêteur de crues sur la haut bassin de la Loire afin de limiter les débits dus aux pluies cévenoles particulièrement violentes et participant aux crues les plus meurtrières de la Loire amont. Ce projet fut arrêté et il n’y eut heureusement jamais de barrage dans cet endroit merveilleux. Mais je me demande encore aujourd’hui pourquoi ce type était venu me parler de ça ? Avait-il soupçonné une écoute particulière de ma part ? Mais on n’en avait jamais parlé avant. En tout état de cause, cette histoire avait marqué mon intérêt.

Après bac

Avant même les résultats du bac, plusieurs options se présentaient à moi. Je voulais faire des études dans le domaine de la pisciculture en eau douce. A cette fin, j’avais candidaté dans des BTSA ad hoc. Mais je trouvais que je risquais de me retrouver à l’étroit dans ce type de formation et je ne percevais pas bien les poursuites d’études possibles. Je me suis donc rabattu sur un DUT en biologie appliquée qui proposait une option en génie de l’environnement et surtout quelques cours en hydrobiologie et en aquaculture. Ce DUT se trouvait à Tours (il y en avait très peu à l’époque). Et bien sûr, à Tours, coule la Loire, et mon choix ne s’est pas fait en fonction de ce critère. La Loire restait encore une immense inconnue à l’époque. L’essentiel de la première année passée à Tours fut assez rude. Elle était marquée par un esprit de compétition assez exacerbé entre les étudiants, par des enseignements extrêmement lourds et prenants. Et par le fait que je ne m’y sentais pas bien à l’aise. J’avais une chambre chez l’habitant qui se situait assez loin du lieu où avaient lieu les cours et je me déplaçais exclusivement en bus, ce qui n’était guère pratique. Bref, ce n’était pas la joie, je ne vivais que pour les cours. Qui plus est, le peu que je voyais de la Touraine, je le trouvais plat sans relief, ne percevant plus les montagnes et les collines qui avaient émaillées toute mon enfance. Toutefois, lorsque le bus empruntait le pont Wilson, mon regard se portait systématiquement sur les grèves et les îles de la Loire, devisant intérieurement sur les niveaux et les débits. Au cours de l’année, la revue Géo consacra un numéro à la Loire. Pour la première fois, je lisais quelque chose sur le fleuve.

Botanique

En fin de première année, les options commençaient. Parmi les enseignements, il y avait de la botanique et des sorties sur le terrain. Une des enseignantes, s’étonna du fait que je connaissais déjà les noms vernaculaires de plusieurs espèces communes des bordures de haies ou de forêts. Je précise que je n’avais jamais fait de botanique avant et que je connaissais les plantes herbacées que par ouï dire maternel et les arbres pour avoir feuilleté un livre assez minable. Très rapidement, je me mis à apprendre – très facilement – les noms scientifiques.

Au début de l’année suivante, comme l’ensemble de mes condisciples, il y eut des cours de phyto*sociologie, y compris sur le terrain. A l’époque, je trouvais ça épouvantablement difficile, mais l’affaire était passionnante. Je me souviens de l’admiration que je vouais à l’enseignant, mais tout cela me paraissait inaccessible.

Initiation fluviale

Après avoir obtenu mon DUT, je fus admis dans une formation bac + 4 sur les milieux aquatiques et… les corridors fluviaux. Bien sûr, la Loire et surtout la Vienne (Chinon) furent, pour les TP, notre terrain de jeu favori : géologie, sédimentologie, géomorphologie, physicochimie des eaux, hydrobiologie, ichtyologie, navigation fluviale, etc. Mais aussi de la botanique et de la phyto*sociologie grâce à un enseignant qui fut mon premier maître. Au cours de la seconde année, nous devions mener à bien un projet individuel et curieusement, c’est sous son tutorat que je pris un sujet qui concernait, entre autres, la flore de quelques îles de la Loire. Cela me permit de faire quelques recherches bibliographiques sur la Loire et à commencer à m’y intéresser vraiment. L’enseignant reconnut alors mes qualités. Mais, je ne me voyais toujours pas botaniste.

Période creuse de courte durée

Le service militaire m’éloigna de la Loire et des activités scientifiques et naturalistes. Un mois environ avant la fin de mon service, le professeur responsable de ma formation tourangelle téléphona à mes parents pour savoir si je voulais bien venir faire une étude sur la flore de quelques espaces naturels au bord de l’Indre. Après dix mois de 35ème RI, j’étais ravi de retourner à Tours et Chinon. J’étais même très excité d’y retourner. L’étude terminée, j’étais de retour chez mes parents. Le même professeur me rappela et me proposa, après qu’un enseignant lui eut fait faux bond, d’assurer des enseignements de botanique (théorie et terrain) à des stagiaires de formation continue bac + 4. Bien sûr, j’étais dans un état d’impréparation totale, mais une telle proposition ne se refuse pas. J’eus quinze jours pour mettre quelque chose debout. Outre les connaissances sur le fond à délivrer, ce ne fut pas simple sur le plan psychologique puisqu’à 25 ans, j’étais plus jeune que l’ensemble de mes élèves. Malgré des difficultés, tout se passa merveilleusement bien et cela fut l’occasion d’apprivoiser un peu plus ma timidité.

Montée en puissance

Malgré des demandes répétées du professeur responsable de la formation, je ne souhaitais pas poursuivre des études. Quelques semaines plus tard, on proposa mon nom pour réaliser une étude sur la flore et la végétation de la Loire avec l’idée derrière de poursuivre des études. Sans me poser de question, je devais accepter cette proposition. Je devais faire une rencontre avec une personne qui devint un ami, un complice qui me mit le pied à l’étrier dans un vrai environnement professionnel. De proche en proche, je fis 2 CDD dans une association, un DEA sur la Loire et sa végétation. Le DEA était grenoblois et les cours marseillais. J’y fis la rencontre d’un second maître m’ouvrant l’esprit vers d’autres horizons. De retour sur la Loire, je fis encore plusieurs CDD dans le privé et dans le public, avec toujours la Loire en toile de fond. A ce moment-là, on pouvait déjà dire qu’elle me collait à la peau et qu’elle était déjà devenue indissociable de moi. La suite n’allait que le confirmer. Sur le plan de la botanique, dès cet instant, j’étais reconnu comme un professionnel à part entière et ce n’est qu’à partir de cet instant que je me fis à l’idée que j’étais devenu un botaniste, et même un phyto*écologue.

Thèse

Suite logique du DEA, la thèse. Ce ne fut pas une mince affaire, non pas de la réaliser, mais d’en monter le financement et d’en faire accepter le principe. Il me fallut environ un an. A cette occasion, une autre personne vint jouer un rôle important sur le plan scientifique au sujet des forêts alluviales, m’apportant une façon inédite de voir les choses, me faisant découvrir les travaux du concepteur du « radeau des cimes » et de l’architecture forestière, mais aussi une façon iconoclaste (mais sérieuse) de voir la nature, une mini plongée dans ce à quoi devrait ressembler une forêt primaire…

La thèse fut soutenue au bout de moins de trois ans et demi. Elle reste très imparfaite, manque de maturation tant elle a été rédigée vite sur la fin (manque de recul) car je n’avais plus de financement. Néanmoins, je devais obtenir la mention maximale et par la suite un prix. Mais la recherche en sciences naturelles était toujours en décrépitude, ma thèse (et quelques autres) n’ayant rien changé sur le fond et la pauvreté des crédits dans ce domaine.

Migration septentrionale

Devant le besoin de gagner ma vie, j’entreprenais une migration dans le nord de la France où je fus recruté. Ce ne fut pas très simple au début, mais je fus bien accepté puis reconnu. Dès lors la Loire commença à me manquer. Cela fait cinq ans que je ne foule plus quotidiennement ses grèves. Quand on la voit tous les jours, elle finit par vous paraître familière, parce que vous l’avez vue par tous les temps, à toute heure du jour ou de la nuit, à toutes les saisons, par toutes les lumières, etc. Il n’existe pas deux Loire semblables. Malgré tout, à force de l’observer sous toutes les coutures, elle avait fini par devenir « banale ». Elle ne lassait jamais, mais elle était devenue une forme d’extension de ma personne.

Je ne l’avais pas quittée que je me mis à la vanter. Et il est vrai que dans le nord de la France, on ne retrouve nulle part sa générosité, sa force, sa liberté. Néanmoins, je dus me rendre à l’évidence, il existe une flore que ce nord partage avec la Loire, ce sont les végétations annuelles des terrils ! Eh oui, où faut-il aller chercher la thermophilie ? Enfin, il ne faut rien exagérer, la flore en commun reste maigre. Je pris donc un malin plaisir à énerver mes collègues en ne cessant de vanter les mérites de la Loire. Enfin, quand je dis « énerver », c’est tout relatif parce qu’ils ne m’en ont jamais tenu rigueur. J’ai quand même conservé un pied sur la Loire car je m’y rends à l’occasion de cours à l’université, de formations diverses, de tutorats… Et surtout, j’essaie d’aller la contempler chaque été. Et que croyez-vous qu’il arrive ? Une puissante émotion intérieure m’envahit, me tétanise d’admiration. Jadis familière, elle m’apparaît désormais exotique, c’est-à-dire fidèle à sa vraie nature sauvage.

Cet été, j’irai encore arpenter ses grèves charnelles. Et je ne serais pas seul. Surtout, il y aura S., qui percevra sans aucun doute l’appel de la Loire, intemporelle, mystérieuse et magique.

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