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Cornus rex-populi
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29 mai 2015

Se retourner sur son passé

J’ai trouvé la note « Se retourner » de Calyste un peu déstabilisante. Tout dépend ce que l’on entend par là. S’il s’agit de faire appel à ses souvenirs, de puiser des ressources dans son passé, son enfance ou je ne sais quoi, je pense qu’en ce qui me concerne, je le fais très souvent, même inconsciemment et j’imagine que je suis loin d’être le seul. Et ce passé est souvent un peu trop glorieux, puisqu’on monte en épingle les micro-événements et on passe à côté les côtés plats ou négatifs.

Il peut également s’agir de regretter son passé, non pas pour ce qui s’est passé de bien ou de mal, mais pour avoir fait des choix qui n’étaient pas judicieux, voire catastrophiques. Pour ce qui me concerne, pas de catastrophe, mais il m’arrive de penser (de moins en moins certes) à deux événements où eurent lieu de vrais choix et qui ont eu forcément des conséquences.

Le premier, c’était à la fin de l’année 1995. L’été précédent, j’avais terminé mon service militaire et j’avais été embauché aussitôt à Chinon pour réaliser des inventaires floristiques et à l’automne, pour donner mes premiers cours (à 25 ans). Mais je cherchais quand même du travail et j’avais répondu à une sollicitation en Alsace. En même temps, on me proposait d’autres contrats à Chinon pour envisager des poursuites d’études (pour lesquelles je n’étais pas chaud à l’époque). A cause des grèves de l’époque (gouvernement Juppé), le courrier de réponse qui venait d’Alsace m’est parvenu avec beaucoup de retard (15 jours environ) et j’avais déjà donné une réponse positive à Chinon plutôt qu’à l’Alsace. Quand j’ai appelé en Alsace pour m’excuser, on m’a affirmé que ma candidature aurait eu toutes les chances d’être retenue. A l’époque, c’était un emploi bien mieux payé et bien plus stable que l’on me proposait (dans le domaine de l’eau et des rivières). Que serait-il alors advenu ? On ne le saura jamais bien sûr. Mais assez rapidement, je me suis dit que l’Alsace aurait probablement été plus intéressante sur le plan matériel, mais par rapport au fait de « s’éclater » à faire des activités scientifiques de plein air, à dérouler ma passion pour la botanique, rencontrer des gens intéressants (…), cela n’aurait certainement pas été la même chose. Je ne sais pas pour autant si en Alsace les choses auraient été monotones ou peu intéressantes.

Le second choix a été fait en 2004 : décider de ne pas pousser plus loin mon investissement à devenir maître de conférences dans une université. Là encore, j’étais convoqué à un entretien à Lille que j’ai décliné parce que la date et l’heure ne m’arrangeaient pas, compte tenu de mon boulot. Il faut dire que ces convocations s’adressent généralement à des étudiants, ce que je n’étais plus, et n’avait probablement pas été mentalement étudiant au moins depuis mon service militaire puisque après ma reprise d’études en 1996, je ne m’étais plus jamais ressenti comme un étudiant, mais comme un professionnel qui fait des études. Mes condisciples  étudiants à Marseille m’apparaissaient comme des post-adolescents boutonneux. J’avais même culpabilisé de les voir bachoter comme des malades, alors que j’avais l’impression de ne rien faire, avant de me rendre compte que finalement, ils brassaient surtout de l’air. Pour revenir à 2004, j’aurais pu en réalité trouver facilement le moyen de me rendre à la convocation, mais dans mon esprit, j’étais déjà en pleine « compétition » pour obtenir un poste de chef de service là où je travaillais, et c’est d’ailleurs ce qui est arrivé. J’avais choisi le métier de botaniste plus ou moins « de terrain » (cela faisait moins de deux ans que j’étais dans le Nord) plutôt que de faire de la recherche dans une faculté de géographie (même s’il y aurait eu un peu beaucoup de botanique). Il faut dire que j’avais déjà expérimenté en modèle réduit le panier à crabes universitaire. Bien sûr, je n’aurais peut-être pas été pris à Lille, mais j’avais toutes mes chances de l’être dans une autre université française, d’autant que j’avais deux ans pour me retourner. Mais je n’ai pas voulu. Là encore, je n’avais pas choisi, et d’assez loin, le poste le plus intéressant sur le plan matériel. Et je ne regrette nullement ce qui s’est passé depuis.

Non seulement je ne regrette pas mes choix de 1995 et de 2004, mais j’en suis de surcroît très heureux. Sans cela, je ne serais sans doute pas en train d’écrire des âneries ici, de voir des gens intéressants, sympathiques, des amis me lire et commenter, d’avoir vécu d’autres épisodes essentiels auxquels certains de ces amis ont pris part et d’avoir rencontré Fromfrom. Impossible de regretter quelque chose qui s’apparente au meilleur. Je ne suis pas pour autant en train de raconter mon conte de fées personnel. Les choses auraient été différentes, elles auraient peut-être été tout aussi intéressantes et agréables, car c’est aussi une histoire de tempérament. Je suis volontiers râleur par rapport à des tas de détails de la vie, mais je suis aussi apte à saisir toutes les chances qui ont pu me sourire. En jouant à la belote (ce n’est pas souvent que j’y joue), je dis fréquemment « la chance sourit aux audacieux » quand je n’ai pas beaucoup de jeu et que je le « sens » bien. Cela ne marche pas à tous les coups bien sûr. Je ne sais pas si je suis audacieux. Je ne sais pas si je suis naïf. Je me demande finalement si à force de jouer au pessimiste, je n’en viendrais pas à être un crypto-optimiste.

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Commentaires
C
Karagar> Par rapport aux âneries, il y a en effet la dose, mais c'est d'une relative nécessité. Pour le "il y aurait eu un peu beaucoup de botanique", cela n'aurait peut-être pas été le cas au départ, mais cela aurait pu le devenir sous ma propre impulsion. J'avais été qualifié dans le domaine de la géographie, mais j'aurais pu postuler en sciences biologiques et écologiques. Hélas, des enseignants-chercheurs botanistes ou naturalistes de terrain qui savent se débrouiller dans la nature en France métropolitaine sont en voie de disparition (les derniers partent à la retraite). Après, il y a toutes sortes de spécialistes en génétique ou de quelques espèces, mais qui sont paumés dès qu'ils sortent de leur labo. Et je ne médis pas, c'est une réalité que l'on constate tous les jours. Les cours de "botanique concrète" ne sont assurés que par des intervenants extérieurs. Idem, les universitaires viennent nous chercher quand il s'agit de reconnaître 3 espèces sur le terrain (et quand je dis trois, j'exagère pas). Bon, moi je ne capte rien à ce qu'ils font avec leurs marqueurs génétiques, mais bon... <br /> <br /> <br /> <br /> Kitty> Assurément, et ce n'a jamais été le cas pour ce qui me concerne. <br /> <br /> <br /> <br /> Karagar, Plume & Calyste> Vous avez raison, je ne suis pas pessimiste, mais disons que vous ne m'entendez pas râler très régulièrement sur des faits de l'actualité notamment. Et par ailleurs, pour l'avenir, j'envisage souvent l'hypothèse la moins favorable. Il m'est d'ailleurs arrivé plusieurs fois que la réalité était pire que le plus défavorable prévu. Néanmoins, dans l'ensemble, la réalité est plus souriante en moyenne. Disons, que c'est sans doute une manière de garder la santé : râler d'un côté et se réjouir des côtés positifs de l'autre.
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K
Avec des "si"…<br /> <br /> Tout ce que je sais c'est qu'il ne faut jamais vivre dans le regret.
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C
Même commentaire : je ne t'aurais pas dit pessimiste.
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P
Optimiste raisonnable, dirais-je bien volontiers.
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K
je ne t'ai jamais vu comme un pessimiste.<br /> <br /> Des âneries? Mais non, mais non sauf peut-être "il y aurait eu un peu beaucoup de botanique" :):):)
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Cornus rex-populi
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