Environ deux mois auparavant, j’avais reçu une invitation. Une invitation de celui qui fut dans l’ordre mon professeur en embryologie (1990-91), en biologie animale (1992), mon directeur de formation (1992-94) sans compter divers cours dispensés en zoologie des organismes inféodés à l’eau (douce), mon employeur délégué (1995-96), celui qui me propulsa pour des sessions de cours devant les étudiants (1995-2001 et ponctuellement jusqu’en 2008), mon directeur de thèse (1998-2002), et qui est professeur émérite depuis 2007.
Une invitation pour fêter les 25 ans du premier acte fondateur de ma formation en ingé*nie*rie des mi*lie*ux a*qua*tiques et des cor*ridors flu*via*ux. A l’époque, il s’agissait d’un bac + 4 (1994), un diplôme qui avait une assez faible cote sur le marché du travail, non à cause de la faible qualité des enseignements, mais parce que ce n’était pas un bac + 5. Une formation à bac + 4 qui au contraire, possédait une qualité bien au dessus de la moyenne. J’ai eu l’occasion de le constater par la suite, et qui fut des plus en plus reconnue par de nombreux professionnels. Depuis, le bac + 4 a fait des petits, dont un bac + 5 dans lequel j’ai donné des cours. J’ai fait partie de la deuxième promotion de la formation initiale. La première fournée d’étudiants n’était pas encore sortie et nous fûmes encore des sortes de pionniers. J’avais été séduit par les objectifs de cette formation et par son contenu en enseignements qui correspondait en grande partie à mes aspirations, me donnait des perspectives bien plus ouvertes que mon DUT avec lequel je me sentais bien à l’étroit. Des pionniers parce que nous n’avions pas de vrais locaux officiels pour nos cours, des pionniers parce nous allions souvent à Chinon et parce qu’un état d’esprit, une vraie motivation nous animaient. Nous logions souvent sur place, en compagnie des étudiants de la première promotion et des « vieux » de formation continue.
Avec le directeur et d’autres enseignants et intervenants, nous formions une véritable famille. Et puis il y eut ces virées en bateaux traditionnels en bois sur la Vienne et la Loire, avec un ancien pilote de chasse reconverti en marinier traditionnel, en maquettiste de bateaux ligériens au talent incroyable, en constructeur de bateaux à l’échelle 1:1 et même en historien aux connaissances insoupçonnables, qui m’ont inspiré. A vrai dire, la batellerie ne m’intéresse pas spécialement. Je n’en apprécie que le décor et seulement une partie du folklore qui s’y rattache et en aucun cas les petites querelles intestines inhérentes à ce microcosme où s’affrontent différentes chapelles. Je n’aime pas non plus les ayatollahs plus traditionnalistes que les puristes de l’authentique le plus orthodoxe.
Je dois également préciser qu’au fil des ans, les étudiants ont beaucoup changé. Leur profil n’est plus le même. En France, les formations environnementalistes se sont multipliées. Ce qui était encore un pari sur l’avenir au début est devenu un vrai débouché. Et les étudiants sont devenus plus « classiques » et ont moins de caractère. Il est aussi curieux de constater que selon les statistiques réalisées, en dehors des 5-6 premières promotions, très peu d’étudiants ont poursuivi en thèse, et même plus aucun actuellement.
Pour en revenir à l’anniversaire, j’avais dit oui à l’invitation, sans songer que c’était la veille des élections européennes. Nous sommes partis le vendredi soir et avons fait escale à Alençon, avant de terminer la route le lendemain matin. Nous sommes arrivés à Chinon sous la pluie et nous n’avons pas pu assister aux premiers discours des deux anciens maires de Chinon (en plus de l’actuel) qui avaient soutenu l’université de Tours dans son implantation chinonaise. A notre arrivée, se terminait le discours interminable du président de l’université, semble-t-il très bon pour s’écouter parler ou s’adonner à la drogue de l’autosatisfaction. Il y eut également des tables « rondes » d’anciens étudiants, d’intervenants, d’enseignants et de chercheurs. Nous avons aussi appris la nouvelle presque officielle de la transformation des formations en un département de l’école polytechnique de Tours, autrement dit la transformation en école d’ingénieur, un vieil espoir du directeur fondateur de la formation.
A part ça, j’ai été content de retrouver et de discuter avec pas mal de monde, dont certaines personnes que je n’avais pas revues depuis très longtemps. Toutefois, tout le monde n’était pas là, pour diverses raisons, mais aussi parce qu’il y avait eu, semble-t-il, des loupés dans les invitations.
Nous sommes sortis sur le quai sous la pluie.
L’apéritif et le déjeuner étaient organisés sous forme d’un casse-croûte champêtre tourangeau traditionnel dans la cour du centre universitaire, avant la visite des locaux (à l’origine, un ancien hôtel-restaurant dans une maison bourgeoise probablement de la fin du XIXe siècle), qui venaient juste d’être refaits de la cave au grenier. J’ai eu du mal à m’y reconnaître. Ce qui fut mon bureau était méconnaissable à part la porte conservée. Très belle restauration dans l’ensemble, mais il faut dire que cela menaçait ruine. Les étudiants, chercheurs et autres enseignants pourront désormais travailler dans de bonnes conditions.
Les locaux dans lesquels j’ai sévi plusieurs années (dont le plus grand édifice) restaurés également à l’extérieur. Le parc arboré fait partie du domaine, en dehors des conifères à l’arrière.
La journée était concomitante avec la fête de la batellerie. Nous aurions pu faire un tour de bateau, mais cela ne me disait rien. Nous avons profité de l’après-midi pour aller déposer nos affaires à l’hôtel et nous ravitailler en en rillons et rillettes de Tours (qu’on ne trouve guère ailleurs qu’en Touraine et pourtant bien meilleures que celles du Mans, qui ont cependant bien plus de succès commercial).
J’ai discuté avec certains responsables actuels de la formation, dont un Allemand, assez sympathique, mais qui semble plus préoccupé par la communication scientifique que par l’excellence des travaux scientifiques menés dans l’unité de recherche. Vérification faite les jours suivants, mes craintes sont hélas fondées. Nombreux sont les chercheurs qui publient des articles internationaux en respectant un certain standard de forme et de contenu, mais qui restent bien faibles voire entachés d’erreurs grossières quand on gratte un peu. C’est assez désespérant de voir combien le superficiel et le vaguement à peu près a pu prendre le pouvoir au sein de certaines unités de recherche. J’ai quand même fait une offre de services, mais il est peu probable que ces gens respectent leur parole.
Le soir, la pluie ayant complètement cessé, nous nous sommes retrouvés sous les chapiteaux pour un repas, bien agréable en face le château illuminé par le soleil couchant. Anniversaire oblige, furent apportées deux pièces montées de choux à la crème. Une journée néanmoins globalement positive qui m’a remis en mémoire tellement de choses que j’ai eu un mal fou à m’endormir.
Le lendemain, j’avais envisagé de visiter le château que je n’avais pas revisité depuis mon premier passage à Chinon en 1992 (il faut dire que je l’avais devant les yeux presque en permanence).
En attendant l’ouverture des portes de la forteresse, nous visitons en vitesse deux églises.
L’église Saint-Etienne (XVe s.).
La collégiale Sainte-Mexme (XIe s.)
Comme je l’avais soupçonné aux dires de Calyste, il y a eu beaucoup de changements au château, même depuis notre dernier passage en 2007. Dans le logis royal, un étage a été reconstruit et des toits ajoutés. Comme nous avions peu de temps, nous n’avons pas suivi la visite guidée. Il y avait une exposition sur les templiers. Je pense que nous n’avons rien perdu au change par rapport à l’exposition sur les dragons qu’évoquait Calyste l’été dernier. En revanche, le système audiovisuel était défaillant à plusieurs endroits. L’heure étant tardive, nous n’avons pas visité la tour de l’horloge et nous sommes partis un peu en catastrophe si nous voulions rentrer en Flandre à temps pour voter.
Une photo de « Lune » très calystéenne.
Dans les oubliettes les plus profondes, le fantôme de Jacques de Molay.
Au revoir à la cloche Marie Javelle.