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Cornus rex-populi
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3 octobre 2020

Louis et le Dragon terrassé

Il existe une branche de ma famille dont je n’ai que peu parlé, celle issue de mon grand-père paternel (non biologique), que je n’ai pas connu car décédé trois ans avant ma naissance. Je vais donc évoquer plusieurs personnes liées à cette branche et en particulier de Louis, mon arrière-grand-oncle. Ce Louis est avec d’autres, peu ou prou à l’origine de beaucoup de choses qui ont compté et comptent encore fortement pour moi. Je pense que le lien le plus évident et le plus fort qu’il y a entre nous est le Dragon terrassé.

Origine familiale du Dragon terrassé

Le domaine avait été acheté en 1921 par un certain Joseph, le frère de Louis. Ce dernier était marié avec Marthe, laquelle était la tante de mon grand-père, de sept ans seulement son aînée. Joseph étant mort assez précocement et n’ayant pas d’enfant, sa mère (entre autres) puis à la mort de sa mère, son frère Louis, avait hérité du domaine. À cette époque, la propriété était bien plus vaste, une centaine d’hectares comprenant deux fermes, leurs terrains agricoles respectifs et les bois ainsi que l’étang. Louis étant décédé en 1951, sa femme Marthe restait sans enfant et difficilement en mesure de s’occuper durablement de affaires familiales et des propriétés. Elle s’est donc appliquée à transmettre ou vendre la plupart de ses biens immobiliers, fort nombreux. On peut dire que mon arrière-grand-tante Marthe était très riche. Les fermes, qui étaient toutes deux louées à deux exploitants, furent vendues séparément au début des années 1960, l’une (celle du Dragon terrassé stricto sensu) aux ancêtres de nos actuels voisins (et amis), l’autre à un rapatrié d’Algérie (qui fit plus tard un procès à mon père, qu’il perdra, au sujet de stupides questions de surfaces de propriétés). Marthe voulait que mon grand-père (dont elle était proche) récupère l’étang, les bois et la maison et la remise qui servait de pavillon de chasse et de pêche. Mon grand-père, déjà bien vieillissant avait souhaité que ce soit plutôt mon père qui récupère et gère cette partie de la propriété. Il fut conclu une vente viagère, même si mon père n’en avait guère les moyens. Marthe est décédée en 1978 (je l’ai connue) à l’âge de 96 ans.

La propriété entre la mort de Louis et la gestion par mon père

Louis et Marthe résidaient principalement à Montrouge près de Paris depuis les années 1910. Dès l’année 1924 (Joseph était déjà décédé), on note qu’un certain Charles fut assermenté comme garde-chasse de la propriété (j’ai découvert ça il y a peu dans une archive du journal local). En même temps (ou un peu plus tard ?), ce Charles fut régisseur du domaine. Mon père l’a d’ailleurs fort bien connu après 1945. Un régisseur assez pourri, qui a bien profité, après la mort de Louis en 1951, de l’éloignement et de la méconnaissance relative de ces sujets par Marthe. Il a pu se remplir un peu les poches en coupant des arbres et en vendant du bois pour son propre compte et en sabotant des travaux qu’on lui demandait de réaliser en détournant une partie des sommes mises à sa disposition. Ainsi, nous avons su que l’argent qu’il avait reçu de Marthe pour réparer un toit avait servi certes à réparer le toit à la va-vite (travail bâclé qui fut à l’origine de problèmes récurrents jusqu’au milieu des années 2000), mais avait aussi servi à réparer un toit chez lui (ça, on ne l’a appris que vers la fin des années 1980 par des habitants du village). Il avait aussi coutume d’inviter à la pêche et à la chasse certains notables du coin (sans l’accord explicite de Marthe bien entendu). Quand mon père reprit les choses en main un peu plus tard, il vit les notables en question s’inviter « tout naturellement ». Inutile de dire que mon père n’avait guère toléré la chose et avait viré séance tenant les importuns. Une autre fois, Jean, le nouveau propriétaire de la ferme avait remarqué le petit jeu de Charles lors d’une vidange-pêche de l’étang. Ce dernier ayant planqué des brochets dans des viviers à part, des poissons qu’il avait « promis » à d’autres notables. Manque de bol, comme Charles n’était pas apprécié outre mesure par les « petits » du coin, le coup avait été révélé immédiatement à mon grand-père, présent lors de cette pêche, et les brochets lui furent repris. Avant cela, mes père mon grand-père avaient été invités à un repas chez Charles, sans doute en compagnie de notables. La maîtresse de Charles était à table avec les invités et sa femme et les enfants devaient manger sur le pouce dans la cuisine et faire le boulot. On voit bien là le genre d’individu. J’ai connu assez tardivement l’un de ses enfants, alors qu’il devait avoir dans les 70 ans. Ce dernier a subi, lui aussi, pas mal d’humiliations dans sa jeunesse.

Quant à Marthe, pauvre à l’origine et fort riche durant la seconde moitié de sa vie, elle n’était pas tendre pour autant. Elle exigeait de ses fermiers (c’était prévu et n’abusait pas) qu’on lui donne un (des) poulets et coqs qu’elle mangeait lors de ses passages. Quand elle venait à A., elle descendait toujours dans le même hôtel et c’était mon grand-père ou mon père qui la véhiculaient jusqu’à l’une des maisons actuelles. Ils se plaisaient à la faire ronchonner en faisant exprès d’arriver en retard. Ils poussaient le vice jusqu’à aller boire un coup au bar à côté de l’hôtel avant de passer la prendre. J’ai connu la fin de la période à laquelle Marthe venait à A. puisque je suis en photo avec elle alors que je devais avoir moins de trois ans, même si je n’en ai pas le souvenir.

La propriété gérée par mon père, mes parents

Dès qu’il put entreprendre la gestion de la propriété, mon père seul, puis rapidement avec ma mère, il y eut pas mal de soucis. D’abord, entretenir l’étang fut très coûteux en énergie et en argent. En effet, dans les années 1960, l’étang connut des fuites importantes et il fallut faire des réparations importantes par deux fois. La propriété ayant été un peu délaissée dans les années 1950-60, mes parents ont dû faire pas mal de réparations dans les maisons, débroussailler manuellement la chaussée de l’étang et le côté oriental de l’étang. Ils faisaient ça durant leurs vacances et uniquement avec des outils non motorisés. Je me souviens bien de la seconde partie des travaux dans les années 1970. Bref, beaucoup d’efforts qui ont permis, depuis la fin des années 1970 de contempler l’étang depuis la maison ou depuis la route (j’ai déjà montré des tonnes de photos). C’est la raison pour laquelle mon père, puis moi depuis 25 ans, continuons de combattre annuellement l’embroussaillement des abords de l’étang. La maison « principale » avait subi des dommages (gouttières) et il ne fallait pas compter sur le régisseur, d’où la nécessité de faire des réparations. La maison secondaire (une remise, en réalité une ancienne petite écurie surmontée son fenil) menaçant ruine dans les années 1970 fut restaurée et transformée à compter de la fin des années 1970 (fin des travaux complets au début des années 1990) ; j’y ai contribué. Depuis, les deux maisonnettes sont séparées d’une quinzaine de mètres. L’ancienne habitation du charron (jusqu’au XIXe s. ?) est actuellement la cuisine-séjour et secondairement chambre à coucher – jusqu’au début des années 1990, vraie chambre à coucher séparée) et l’ancienne remise est occupée par une grande chambre pour mes parents + salle de bain – WC), surmontant un sous-sol.

 

Quelques anecdotes sur Louis

Comme j’ai parlé de lui à plusieurs reprises, je trouve amusant d’évoquer quelques anecdotes sur cette figure familiale.

Pendant la Première Guerre mondiale, il fut mobilisé et malgré les risques qu’il prenait parfois (acheminement de messages entre les unités combattantes), il est sorti totalement indemne physiquement du conflit.

La mère de Louis, une bourgeoise aisée et bien installée à A., considérait qu’il avait fait une mésalliance en épousant Marthe (en 1915), une fille de poissonniers très peu argentés (ses parents élevaient et vendaient du poisson à A.). Par ailleurs, alors qu’il avait besoin d’argent pour ses affaires (quincailler à Montrouge près de Paris – l’établissement existe toujours, mais à ma connaissance, n’est plus administré par des membres de la famille), elle avait refusé de lui prêter le moindre argent. Il n’ira pas à son enterrement.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands (via la Milice) voulaient réquisitionner une de ses habitations près de Paris, prétendument inoccupée. Il profita du week-end et de quelques jours de répit pour faire murer une porte et repeindre la cage d’escaliers. Et son habitation ne fut finalement pas réquisitionnée. Il a eu de la chance de ne pas subir des conséquences de ce coup-là.

Pendant l’entre-deux-guerres (semble-t-il), propriétaire d’une maison (entre autres) dans la ville d’A., il voulait faire réparer une sorte de tourelle (une forme de pseudo-échauguette). Ayant été contrarié par les « monuments historiques » de ne pas pouvoir faire les choses dans les temps qu’il souhaitait ou à sa manière, il prit un matin une masse et entreprit d’achever la démolition de la tourelle en question. Circulez, il n’y a plus rien à voir !

Durant la même période, il débarqua un jour à son pavillon du Dragon terrassé et constata qu’on était en train d’installer des poteaux d’une ligne électrique à moyenne tension dans son pré. Il fit un procès contre la compagnie d’électricité (EDF ou un de ses précurseurs) qu’il gagna parce qu’on avait omis de lui demander son autorisation ou au moins de l’informer au préalable. Cela avait retardé l’installation des poteaux de trois mois. Cette ligne électrique a été supprimée depuis une dizaine d’années.

Alors que sa mère était encore propriétaire ou copropriétaire du Dragon terrassé, l’étang avait été loué à une famille. Après qu’il fut devenu seul propriétaire, il voulut récupérer l’étang pour aller lui-même à la pêche. Seulement, il y avait une forme de bail et la famille en question ne voulait rien entendre. Il rongea son frein pendant quelques temps et précisément le jour suivant la fin officielle du bail, il descendit à l’étang muni d’une hache et effondra et coula la barque de la famille en question. Coulez, il n’y a plus rien à voir !

Mon père me prénomme parfois Louis ! Il ne m’a jamais dit pourquoi. Je n’en suis pas sûr, mais est-ce là l’explication ?

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Commentaires
C
Calyste> Oui, c'était un sacré, l'oncle Louis. Mon père est allé un peu avec lui à la pêche, pendant quelques années (ils ne se sont vus que durant quelques années entre 1945 et 1951). Sinon, les anecdotes ont été racontées par la tante Marthe ou mon grand-père. Et je trouve ces histoires amusantes. Et pour dire aussi que contrairement à sa mère, Louis n'était pas tout à fait l'esprit d'un parvenu et est resté assez intrépide jusqu'à tard dans sa vie.
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C
Il me plait assez, à moi, ton Louis !
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C
Karagar 1> Je vais répondre dans une note séparée au lieu de le faire par un commentaire fleuve.<br /> <br /> <br /> <br /> Karagar 2> La cascade de Brisecou, je vois que tu es bien renseigné, mais j'en ai déjà parlé plusieurs fois, en particulier ici : http://cornusrexpopuli.canalblog.com/archives/2008/11/25/11515322.html<br /> <br /> <br /> <br /> Plume> Ben oui, la Loire est un fleuve ! :-)
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P
Bon, pourquoi se fatiguer : ce n 'est plus un étang c'est un roman fleuve ! :):):)
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K
et la cascade de Brisecou, pourquoi tu n'en parles jamais?
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K
ce n 'est lus un étang c'est un roman fleuve !<br /> <br /> il existe depuis quand cet étang? il est alimenté par un ruisseau? sa superficie? et la superficie actuelles des terres attenantes?(signé le contrôleurs de l'ISF)
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Cornus rex-populi
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