Enfin
Il n’y avait scandaleusement rien eu depuis une éternité. Les ouvrages à l’échelle de la France utilisés jusque là étaient :
- la flore portative de G. Bonnier dont la première édition remonte à 1894 (les éditions suivantes n’ont pas dû être beaucoup améliorées). Parce que les enseignants nous l’avaient recommandée, j’ai commencé avec ça au début des années 1990 (flore encore très utilisée par les étudiants et les débutants qui herborisent dans des régions ne disposant pas de flores locales modernes), parce que l’ouvrage est compact, simple, mais aussi complètement dépassé du point de vue scientifique et nomenclatural, sans compter qu’il est également très incomplet contrairement à ce qu’affirme son titre. L’auteur avait également commis un énorme ouvrage très complet avec de belles planches en couleur, mais inutilisable sur le terrain et également complètement dépassé ;
- la flore de l’abbé H. Coste date de 1901-1906 et est en trois volumes. Je l’ai achetée au milieu des années 1990 car elle a l’avantage d’être bien plus complète que la première et de posséder des dessins généraux et des détails pour chacune des espèces. Cet ouvrage a fait l’objet de sept suppléments jusque dans les années 1990, y compris de suppléments qui complètent partiellement des suppléments antérieurs, mais pas tous réédités. L’ouvrage de base était déjà intéressant et très utilisé jusqu’à présent par les professionnels herborisant dans les régions non couvertes par des ouvrages plus modernes ;
- la flore de P. Fournier publiée entre 1934 et 1940 est en un seul volume et a un peu mieux vieilli. C’est la plus complète des trois. Je me la suis procurée seulement lors de sa dernière réédition en 2000 (un véritable scandale, parce que la typographie pourrie n’a pas fait l’objet d’amélioration, alors que l’ouvrage est encore vendu une fortune). Je l’ai très peu utilisée ;
- la flore du CNRS de M. Gu*in*ochet et R. de Vilmorin, en cinq volumes, a été publiée entre 1973 et 1984. Je ne la possède pas et je l’ai assez peu utilisée autrement. Elle est inégale : moderne pour le traitement de certains genres ou familles, pour tout le reste, elle reprend plus ou moins le traitement de la flore Fournier. Et les cinq volumes sont délicats à manipuler sur le terrain.
Alors il y avait bien des flores régionales et thématiques, comme par exemple :
- H. des Abbayes et al. (1971) pour le massif armoricain, dont je me suis procuré une réédition il y a peu ;
- R. Co*rill*ion (1982-83) pour la vallée de la Loire entre l’Orléanais et l’estuaire, un de mes livres de chevet à une époque dont j’ai pu bénéficier de l’un des derniers exemplaires disponibles car jamais rééditée. J’ai correspondu avec l’auteur, très âgé, juste avant sa mort ;
- G. N*éti*en (1993-96) pour le Lyonnais ;
- F. Bu*gnon et al. (1993-98) pour la Bourgogne, ouvrage assez remarquable, avec de bonnes clés de détermination et avec de nombreux dessins (pas forcément beaux esthétiquement parlant mais très informatifs) pour presque toutes les espèces. Le tome des clés était bien peu pratique pour aller sur le terrain car imprimé sur un très beau papier, mais très lourd. La flore a été rééditée en plus petit format. Cela a été ma seconde flore de chevet lorsque je travaillais sur la Loire, même au-delà de la Bourgogne. J’ai également correspondu avec l’auteur principal, juste avant son décès (cela fait drôle avec ce qui m’était arrivé avec Co*rill*ion) ;
- J. La*mbi*non et al. (6e édition 2012) pour la flore de Belgique, Luxembourg, Nord de la France et régions voisines, ouvrage majeur car régulièrement mis à jour, d’une grande rigueur et dans les faits, utilisable dans le tiers nord de la France. Je l’ai peu utilisée avant de venir dans le Nord.
- P. Ja*uz*ein (1995) pour les champs cultivés et autres milieux rudéraux pour la France entière. Un ouvrage plus que sérieux, contrairement à d’autres bouquins antérieurs ou non.
- etc.
Je passe sur les monographies de familles ou de genres, ou encore les nombreux atlas départementaux ou régionaux dont beaucoup sont excellents.
Mais nous voici rendus en 2014, avec une flore de France au top des dernières avancées scientifiques. Lancée par la Soc*iété b*ota*ni*que de Fra*nce il y a une quinzaine d’années depuis entreprise pour de vrai deux ans plus tard par B. de Fo*uca*ult, rejoint un peu plus tard par J.-M. Tis*on. Cet ouvrage repose sur le principe de la flore Fournier, mais uniquement par la présentation générale et le format portatif, car tout le reste est entièrement nouveau. Il y a aussi de nombreux autres auteurs (il était question que je participe modestement, mais j’ai laissé tomber, pensant que je n’aurais pas le temps, alors que je l’aurais finalement eu). La qualité scientifique est incontestable. Il se peut néanmoins que l’ouvrage soit peu abordable pour les débutants. Le plus scandaleux dans cette histoire est surtout que la rédaction de cette flore a largement reposé sur le bénévolat et que les institutions scientifiques ne s’y sont guère impliquées. Les auteurs ne sont pas forcément des professionnels et quand ils le sont, ils ne l’ont pas fait dans le cadre de leur activité principale. Cela montre à quel point la recherche scientifique se moque littéralement de la taxonomie et de former des chercheurs naturalistes dignes de ce nom. Actuellement, un chercheur français en botanique fait de la génétique et de la biologie moléculaire, mais est incapable de distinguer un pissenlit d’un salsifis. Cela n’inquiète pas grand monde.